PARTIE II
WILKIE COLLINS ET CHARLES DICKENS

INTRODUCTION

T.S. Eliot, dans son article consacré à Charles Dickens et à Wilkie Collins,148 considère The Moonstone comme ‘« [the] first, the longest, and the best of modern English detective novels »’. Si tous ne partagent peut-être pas son enthousiasme pour cet auteur très apprécié dans les années 1860, et que l'on taxa parfois de sensationnalisme, il est incontestable que cette oeuvre, publiée en 1868, appartient bien au genre policier. La présence d’un détective chargé d'élucider un vol, ainsi que les nombreux personnages qui apparaissent comme suspects au cours du roman, sont des traits caractéristiques et annonciateurs de ce genre. En ce qui concerne Dickens, la relation de Bleak House avec le roman policier peut paraître moins évidente, car cette oeuvre est souvent lue comme un « Bildungsroman », c’est-à-dire comme le roman d’initiation d'Esther à la recherche de sa mère. On sait pourtant à quel point Collins et Dickens furent liés, autant sur le plan professionnel que sur le plan affectif, et le rapprochement de leurs deux oeuvres n'est pas surprenant en soi.149 D'autre part, Bleak House, publié en 1854, peu avant The Moonstone, présente aussi des aspects génériques qui se rattachent à ceux du roman de Collins, tels que l'énigme du meurtre de Tulkinghorn et l’enquête que mène à ce sujet l'inspecteur Bucket, premier policier à apparaître dans une oeuvre de fiction en tant qu'enquêteur principal. Il semble donc bien que l'on peut considérer les deux auteurs, et les deux romans, comme « policiers », et les situer à l'origine même du genre, en ce milieu de XIXe siècle.

Notes
148.

T.S. ELIOT, « Wilkie Collins and Dickens », Selected Essays, London, Faber, 1932.

149.

Voir notamment Jean RUER, Wilkie Collins, 2 vol., Lille, Presses Universitaires de Lille, 1990, chapitres XII et XIV (vol. 1).