III. ÉNONCIATION.

L’étude des temporalités et de la vision narrative révèle donc principalement l’ancrage d’une structure caractéristique du récit impossible, et du mystère qui l’accompagne, dans l’organisation narratologique du texte. C’est la narration watsonienne qui nous a fourni les arguments les plus probants en faveur de cette analyse, et il faut à présent chercher à définir de plus près cette narration, à travers l’étude de l’énonciation ; ceci nous permettra d’affiner notre vision du roman et de sa spécificité dans l’histoire du roman policier.

Notre premier terrain d’analyse sera le temps de la narration, c’est-à-dire la situation temporelle de l’instance d’énonciation, notamment par rapport à l’histoire relatée. Il est frappant de constater que la narration watsonienne se construit de façon variable au cours du récit, de ce point de vue. Ainsi, le docteur nous livre d’abord un récit construit sur le modèle « classique » de la narration ultérieure, où la distance entre le temps de la narration des faits et l’époque à laquelle les faits relatés sont survenus est assez importante, même si elle n’est pas précisée. Il semble clair que, du chapitre 1 au chapitre 7 inclus, c’est le docteur Watson, temporellement situé, en tant qu’instance d’énonciation, après la résolution de l’énigme qui relate les événements, et notamment ceux qui se sont passés à Londres. Mais dès que Watson se retrouve seul, avec sir Henry, à Baskerville Hall, le mode de narration change de manière significative, et le docteur adopte une narration « moins ultérieure » que précédemment, puisqu’aux chapitres 8 et 9 il retranscrit les rapports — ou comptes-rendus — qu’il communiquait, à l’époque de l’enquête, à Sherlock Holmes qu’il croyait à Londres. On assiste bien ici à une réduction de la distance temporelle entre narration et histoire, car ce n’est plus le Watson d’après la résolution de l’énigme qui parle, mais le Watson du temps de l’enquête. Enfin, le chapitre 10 apporte un point d’orgue à cette évolution narrative puisqu’il ne s’agit même plus de comptes-rendus rédigés quelques temps après les événements et destinés à être envoyés à Holmes, mais bien d’un journal, écrit au jour le jour, non pas à l’intention de Holmes mais pour l’usage privé de Watson lui-même. Nous restons bien sûr ici dans une narration ultérieure, puisque Watson continue à relater les événements au prétérit, après qu’il les a vécus dans la journée, mais la distance temporelle entre narration et histoire s’est considérablement réduite. Elle va retrouver, au chapitre 11, sa nature originelle, car après la révélation de la véritable identité de « the Man on the Tor », Watson reprend son récit sur les mêmes fondements temporels que dans les chapitres 1 à 7, et il va le faire jusqu’au dernier chapitre.

Les remarques précédentes signalent une évolution vers la réduction de la distance temporelle à l’intérieur de la narration ultérieure de Watson, mais il faut bien remarquer, avant de proposer toute analyse, que cette évolution est strictement circonscrite aux chapitres dans lesquels Holmes n’apparaît pas. C’est que The Hound of the Baskervilles présente la singularité d’être le seul récit d’Arthur Conan Doyle dans lequel Watson mène, seul, une partie de l’enquête — ou croit la mener, puisque Holmes tire toujours les ficelles à son insu. C’est bien ce qui permet la diminution graduelle de la distance temporelle entre histoire et narration, car la présence de Watson en tant qu’enquêteur sur les lieux du crime justifie la narration « au jour le jour » du déroulement de l’enquête, alors que la présence d’un Holmes en apparence tout-puissant supposerait un point de vue plus détaché, notamment du point de vue temporel. En effet, à travers le récit de plus en plus « direct », temporellement, de Watson, se lit la confrontation directe du narrateur avec l’énigme, et l’angoisse, peut-être, que cette confrontation provoque, angoisse née de son isolement dans cette situation :

‘Best of all would it be if you would come down to us. (p. 726, lettre adressée à Holmes)’ ‘I am conscious myself of a weight at my heart and a feeling of impending danger—ever-present danger, which is the more terrible because I am unable to define it. (p. 727).’

Si les comptes-rendus de Watson sont justifiés, diégétiquement, par son isolement sur le terrain, loin de Holmes, ils n’en sont pas moins significatifs de la valeur que l’on peut accorder à la narration watsonienne. La réduction graduelle de la distance temporelle dans cette narration a pour corollaire immédiat la réduction de la distance psychologique du narrateur avec l’intrigue, et son implication croissante dans ses diverses ramifications. Ainsi, c’est au cours de son journal que Watson se demande si l’hypothèse d’un chien surnaturel n’expliquerait pas tout : ‘« Suppose that there were really some huge hound loose upon it [the moor]; that would go far to explain everything. »’ (p. 727). C’est aussi au cours du chapitre 9 que le docteur se laisse aller à entraîner sir Henry avec lui dans sa poursuite irréfléchie de Selden. Et c’est enfin au début du chapitre 8 qu’il nous livre ses réflexions sur les habitants primitifs qui peuplèrent ces contrées (pp. 712-713), réflexions qui vont plus tard influencer sa description de Selden. Il semble clair que l’implication de Watson dans l’histoire culmine dans ces chapitres pour ne laisser aucun doute au lecteur sur le manque d’objectivité d’un tel personnage, au pouvoir narratif décidément bien amoindri.

Il faut remarquer, encore une fois, que ce schéma narratif correspond à celui du récit impossible, où la narration tente en vain de retranscrire une histoire qui lui échappe sans cesse. C’est bien le cas ici, car, à l’image de ce que nous avons observé chez Poe dans MS. Found in a Bottle, et bien qu’il ne s’agisse pas ici véritablement de narration simultanée, la narration watsonienne cherche à réduire totalement la distance histoire/récit sans y parvenir, comme le narrateur du conte de Poe, qui ne peut finalement pas dire la mort dans son récit. Le récit est bien impossible, donc, mais par cette figure narrative temporelle, comme chez Poe, il nous donne aussi à voir un effort de formalisation de ce problème narratif de la représentation. On peut bien sûr noter que si ce schéma du récit impossible, typique de la narration watsonienne, se retrouve dans la plupart des écrits policiers de Doyle, ce que l’on appelle les « Sherlock Holmes stories », il existe quelques textes dans lesquels Sherlock Holmes apparaît et où Watson ne joue pas le rôle de narrateur.241 Ces cas seront traités ultérieurement, dans une perspective plus globale sur le genre et les réécritures qu’il suppose, étant donné que nous concentrons notre attention critique, dans cette partie de notre recherche, sur The Hound of the Baskervilles.

Il subsiste une interrogation importante, quant à ce traitement du temps de la narration dans le roman. Figure du récit impossible, ce schéma narratif ne vient cependant pas clore le texte, comme dans MS. Found in a Bottle, mais prend fin dès la réapparition de Sherlock Holmes, au chapitre 11. Bien sûr, l’utilisation de la narration ultérieure, puis de la narration simultanée, conférait au texte de Poe une dimension encore plus dramatique propice à la disparition de la voix narrative à la fin du texte, une voix qui cherche tellement à se rapprocher de l’histoire qu’elle se fond en elle et disparaît. Mais le fait que la reconnaissance de Holmes, au chapitre 11, comme « the Man on the Tor », vient mettre fin à la narration de Watson telle que nous l’avons décrite prend un autre sens : c’est d’abord la fin d’une narration watsonienne hantée par les fantômes issus de l’imagination du docteur Watson, puisque dès que Holmes reprend les rênes de l’enquête, Watson abandonne ses spéculations sur les hommes primitifs qui peuplèrent la lande, par exemple. Mais plus que la modification de la narration watsonienne, la réapparition de Holmes signifie son échec : menant son enquête/narration seul — du moins le croit-il —, Watson s’avère incapable de mener jusqu'à son terme la stratégie narrative qu’il s’était choisi pour rendre compte de l’histoire. Autrement dit, la réapparition de Holmes vient cristalliser l’obstacle sur lequel la narration watsonienne se heurte — et ne cessait, déjà, de se heurter — à travers sa relation partiale de l’histoire. Cet obstacle au récit, nous le savons, c’est le récit lui-même, inapte à retranscrire le réel, et dans sa réapparition théâtrale qui met cruellement fin aux rêves de grandeur narrative de son ami, Holmes semble bien paré de l’impénétrabilité d’une histoire déjà sue bien avant la narration de l’enquêteur Watson.242 L’arrêt brutal du mode de narration utilisé par Watson dès la réapparition de Holmes laisse donc à penser que ce dernier, par son accès apparemment « direct » à l’histoire,243 participe lui aussi d’un certain mystère de l’énigme qu’il cherche à résoudre. Alors que Watson se débat, narrativement, dans un récit qui s’avère incapable de l’amener totalement vers l’histoire, Holmes maîtrise cette énigme, sans doute aussi parce qu’il maîtrise le récit — voire le Signifiant, comme Dupin lui-même prétendait le faire dans The Purloined Letter. Ce qui constituait un obstacle à l’accès à l’histoire chez Watson, c’est-à-dire le récit impossible du crime, se trouve chez Holmes transfiguré en un médium transparent, et peut-être objet d’un mystère encore plus grand dans la mesure où cette narration holmesienne apparaît clairement « magique » aux yeux de Watson. En effet, si l’on considère la réaction de ce dernier devant la révélation par Holmes de la culpabilité de Stapleton, par exemple, nous voyons que cette maîtrise de l’histoire par Holmes prend la forme d’une « réalisation » des potentialités de l’histoire, potentialités que Watson n’avait fait que vaguement ressentir :

‘All my unspoken instincts, my vague suspicions, suddenly took shape and centred upon the naturalist. In that impassive, colourless man, with his straw hat and his butterfly-net, I seemed to see something terrible—a creature of infinite patience and craft, with a smiling face and a murderous heart. (p. 742)’

Il y a bien là une admiration certaine pour celui qui révèle au grand jour la réalité cachée dans les plis du récit watsonien, comme un magicien qui abolirait la distance entre le mot et la chose. Holmes semble donc bien, dès sa réapparition, affirmer cette maîtrise de l’histoire par le récit, maîtrise qui manque à Watson et qui entoure Holmes du mystère narratif d’un signifiant qui n’offrirait plus de résistance mais une transitivité magique avec le réel. Tout ceci doit être nuancé compte tenu du fait que Holmes reste une figure du récit impossible car il recourt à des indices extérieurs à l’énigme initiale — comme les éléments nouveaux qu’il acquiert au sujet des Stapleton, tels que le fait qu’ils sont mariés — et aussi car sa toute-puissance est souvent remise en cause dans l’histoire, comme lors de la mort de Selden. Néanmoins, notre remarque concernant la réapparition de Holmes après l’échec de la narration watsonienne reste valide quant à l’image de Holmes, nimbée de mystère par cette apparente maîtrise de l’histoire dans son récit.

Un détail de l’organisation temporelle du texte peut encore retenir notre attention afin de suggérer une interprétation plus fine de la réduction de la distance temporelle au cours du récit de Watson. Après avoir appris la nouvelle de l’implication d’une femme, dont les initiales sont « L.L. », dans la mort de sir Charles — il s’agit de Laura Lyons —, Watson formule ces réflexions à l’intérieur même de son journal, au chapitre 10 :

‘I went at once to my room and drew up my report of the morning’s conversation for Holmes. It was evident to me that he had been very busy of late, for the notes which I had from Baker Street were few and short, with no comments upon the information which I had supplied and hardly any reference to my mission. No doubt his blackmailing case is absorbing all his faculties. And yet this new factor must surely arrest his attention and renew his interest. I wish that he were here. (p. 730)’

Dans le contexte du journal que Watson est en train d’écrire, la présence de cette narration simultanée (« is aborbing », « must surely arrest », « I wish ») relève d’une infraction à la norme temporelle établie auparavant, infraction que l’on peut lire comme un monologue intérieur du narrateur. Ce monologue reflète bien sûr l’implication du narrateur dans son récit mais aussi l’angoisse d’un Watson confronté, seul, au mystère et à l’énigme criminelle qui s’obscurcit : qui est cette nouvelle protagoniste dans l’intrigue, et comment l’inclure dans le puzzle que constitue l’énigme en elle-même ? Cette parole d’angoisse émanant de Watson — au sens où l’angoisse se rapporte ici à l’indétermination d’un objet, l’énigme dans son intégralité, et à l’attente pénible des éléments nouveaux qui peu à peu viennent s’ajouter à cette énigme sans encore pour autant l’éclaircir — cette parole donc va se trouver perdue dès la réapparition de Sherlock Holmes. En effet, le détective va, par as présence et sa parole, faire taire l’angoisse de Watson, mais il faut bien remarquer que ce schéma, qui dit assez le rôle euphémisant et apaisant du détective, laisse également planer un doute sur la parole de ce dernier, qui agirait comme un masque, une dénégation de l’angoisse générée par la situation criminelle. Cette angoisse et les fantasmes qu’elle recouvre, ainsi que le rôle précis du détective, feront l’objet d’une étude plus poussée au chapitre suivant.

Il nous reste enfin à considérer un dernier aspect des problèmes de l’énonciation dans le roman, celui des niveaux narratifs. L’étude de cette catégorie narratologique pourrait rester peu éclairante si elle ne venait pas, d’une façon particulière, étayer notre vision du personnage de Holmes telle qu’elle a commencé à s’ébaucher. Les métarécits et métatextes sont assez faciles à analyser dans le roman, dans la mesure où il s’agit principalement de métarécits explicatifs énoncés par Holmes et dont le but est de donner à Watson les raisons de la conduite du détective ou les conclusions que ce dernier a tirées de la situation. On trouve également des métatextes, notamment celui constitué, au chapitre 2, par le compte-rendu de la mort de sir Charles dans le Devon County Chronicle (pp. 676-677), ou bien le manuscrit de 1742 qui retrace la légende des Baskerville, de la main de Hugo Baskerville (pp. 673-676). Ces deux métatextes présentent l’intérêt de se situer, dans le même chapitre, dans une relation qui résume l’énigme du roman, à savoir la question de l’interprétation, surnaturelle ou non, de la mort de sir Charles. Il s’agit en effet de savoir si les faits relatés dans un métatexte — l’article de journal — peuvent être expliqués par le second métatexte, la légende des Baskerville. Cette question, qui représente le mystère principal de l’énigme, se retrouve dans la lettre anonyme, autre métatexte, envoyée à sir Henry par Beryl Stapleton (p. 685). En effet, cette lettre, dont on ne sait si elle provient d’une personne cherchant à aider ou à nuire à sir Henry, ce qui constitue un mystère supplémentaire, pose à nouveau la question, qui divise Sherlock Holmes et le docteur Mortimer, de l’explication à donner aux événements :

‘“What do you make of it, Dr. Mortimer? You must allow that there is nothing supernatural about this, at any rate?”
“No, sir, but it might very well come from someone who was convinced that the business is supernatural.” (p. 686)’

Il est même possible d’inclure dans cette catégorie de métatextes, qui constitue pour les investigateurs un champ d’indices précieux, le portrait de Hugo Baskerville dans lequel Holmes reconnaît les traits de Stapleton, ce qui va le mettre sue la voie afin de découvrir le motif des méfaits de ce dernier — c’est-à-dire le désir d’hériter de la demeure et du domaine des Baskerville, ses ancêtres (voir le chapitre 13, pp. 749-750). De la même manière que Dupin sait lire l’énigme au niveau de sa structure, et de ses éléments les plus significatifs, Holmes appréhende le tableau comme une structure dans laquelle il reconnaît des invariants qui lui permettent de découvrir la véritable nature de Stapleton.244 En somme, les divers métatextes dans le roman peuvent souvent apparaître comme des résumés de l’énigme criminelle : c’est le cas pour la légende, qui peut même être considérée comme le lieu — textuel — où se manifeste l’énigme qui va parfois occuper les pensées de Watson, et qui se fonde sur le caractère parfois fantastique de l’histoire, selon la définition de T. Todorov, c’est-à-dire l’hésitation entre une interprétation rationnelle et une interprétation surnaturelle.245

Cependant, un rapprochement intéressant peut être opéré entre la présence de métatextes au coeur du roman et une caractéristique de la narration watsonienne. Si le mystère se loge dans le récit, comme nous venons de le voir, par le biais des métatextes, il existe un autre mystère qui habite le texte, et ce mystère tient à la présence, en filigrane, de Holmes dans les propos de Watson. Ce dernier est tellement soucieux de « bien faire », et de ne pas décevoir son illustre compagnon, qu’il parsème son récit de références au détective, et cette particularité a pour conséquence de nous présenter ce récit comme un texte obsédé par la recherche d’un autre texte, qui serait celui décrivant « ce que ferait Holmes dans cette situation ». Ces différentes remarques formulées par Watson (et même parfois par sir Henry), si elles ne constituent pas un méta-texte à proprement parler, se détachent bien du texte principal pour, à la fois, accentuer le peu de confiance de Watson en ses propres actes246 et présenter Sherlock Holmes comme un personnage tout-puissant, que Watson considère toujours comme un ultime recours :

‘Congratulate me, my dear Holmes, and tell me that I have not disappointed you as an agent—that you do not regret the confidence which you showed in me when you sent me down. (p. 721)’ ‘“I say, Watson,” said the baronet, what would Holmes say to this? How about that hour of darkness in which the power of evil is exalted?” (p. 724)247 ’ ‘Best of all would it be if you could come down to us. (p. 726)’ ‘I wish that he [Holmes] were here. (p. 730).’

Ces références à Holmes peuvent donc se rattacher à l’une de nos conclusions à l’issue de l’analyse du temps de la narration, c’est-à-dire le mystère lié à la personnalité de Sherlock Holmes. En effet, cette présence/absence du détective crée chez le lecteur une attente envers le personnage,248 ainsi qu’une image « idéale » de Holmes en tant que dernier recours. Et cette image contribue grandement à rendre mystérieux le détective apparemment doué d’ubiquité — au moins dans le récit de Watson — puisque sa présence « narrative » dans ce récit agit comme une influence, peu ou mal définie, sur Watson. Ainsi, peu après la découverte de « the Man on the Tor »,249 c’est-à-dire en fait la silhouette de Sherlock Holmes entrevue par Watson, celui-ci écrit : ‘« I am conscious myself of a weight at my heart and a feeling of impending danger—ever present danger, which is the more terrible because I am unable to define it. »’ (p. 727). Ce sentiment naît bien sûr de la confrontation, qui précède immédiatement, avec « the Man on the Tor », et contribue à lui conférer un caractère encore plus énigmatique : il laisse entrevoir l’influence du détective, à distance, sur le récit de Watson dans son entier.

Notes
241.

Voir Bernard OURDIN, Enquête sur Sherlock Holmes, Gallimard, collection Découvertes, Paris, 1997, 96 pages : « Toutes ces aventures [les « Sherlock Holmes stories »] sont racontées par le docteur Watson, à cinq exceptions près. La Pierre de Mazarin et Son dernier coup d’archet sont rédigés à la troisième personne. Le Soldat Blanchi et La Crinière du lion sont racontés par Sherlock Holmes lui-même. On peut y ajouter Le Rituel des Musgrave : Watson en amorce le récit, mais passe la parole à Holmes dès la seconde page. » (p. 69)

242.

Voir notamment ce que Holmes révèle à Watson au sujet des Stapleton au chapitre 12, pp. 742-743.

243.

Ou tout au moins par la connaissance qu’il en affiche, car le schéma du récit impossible s’applique également à Holmes, comme nous le verrons.

244.

Cette attention portée au signifiant, et à la structure plutôt qu’au référent, contribue à faire de Holmes, en apparence, un maître du signifiant, un maître-lecteur : il ne considère pas le portrait de Hugo Baskerville comme une représentation fidèle d’un modèle, mais plutôt comme une composition picturale susceptible de révéler certaines ressemblances ou dissemblances, au niveau de la forme, avec un visage déjà connu. Cependant, comme chez Dupin, nous verrons que le statut de Holmes en tant que maître du signifiant ne constitue qu’un premier niveau de lecture, et que l’ordre du signifiant n’est pas plus assujetti à Holmes qu’il ne l’est à Dupin.

245.

Tzvetan TODOROV, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970, 190 pages. Sur ce sujet, voir également la thèse de Hélène CRIGNON, De Sherlock Holmes au Professeur Challenger : inquiétant fantastique et fiction spéculative dans l’oeuvre de sir Arthur Conan Doyle (1859-1930), Thèse Lettres, Paris, 1997.

246.

Et peut-être également le peu de confiance que le lecteur accorde à Watson.

247.

Sir Henry fait ici une allusion assez claire aux propos que Holmes lui avait tenus lors du départ pour le Devonshire : « Bear in mind, Sir Henry, one of the phrases in that queer old legend which Dr. Mortimer has read to us and avoid the moor in those hours of darkness when the powers of evil are exalted. » (chapitre 6, p. 699). Cette expression figure effectivement dans la légende, au chapitre 2 : « To that Providence, my sons, I hereby commend you, and I counsel you by way of caution to forbear from crossing the moor in those dark hours when the powers of evil are exalted. » (p. 675). Sir Henry cite donc les propos de Holmes qui lui-même citait la légende, et il brave au moins autant le détective que la peur inspirée par la légende lorsqu’il prononce ces mots, puisqu’il est en train, avec Watson, de pourchasser Selden sur la lande, la nuit, et donc d’enfreindre l’interdit posé à la fois par Holmes et par le manuscrit. Mais, par contraste, ces mots dans la bouche de sir Henry montrent bien également à quel point ses actions sont motivées par Holmes, même s’il s’agit de lui désobéir, et donc ils renforcent d’autant plus l’influence de ce dernier dans le texte.

248.

C’est du moins une première réaction probable, car induite par le texte chez un « Lecteur Modèle ».

249.

Dont Watson écrit, page 726 : « He might have been the very spirit of that terrible place ».