Introduction

A l'heure où les I.U.F.M. prennent en charge la formation continue des enseignants du second degré, il pourra paraître étrange, ou peut-être même inutile, de s'intéresser aux M.A.F.P.E.N., puisqu'elles sont en train de disparaître. Néanmoins, notre itinéraire personnel relaté en avant-propos, ainsi que notre vécu d'élève, nous ont conduite, depuis longtemps déjà, à nous interroger sur la formation continue dans le secondaire. Certains propos entendus nous ont également posé question, en particulier lorsqu'ils émanaient de parents d'élèves affirmant que les pratiques pédagogiques actuelles des enseignants du secondaire seraient à peu de choses près les mêmes qu'il y a trente ans. Nous nous sommes alors demandée si l'impulsion donnée à la formation continue de ces enseignants au début des années quatre-vingts, était vraiment restée sans effet, ou bien si ces effets n'étaient pas encore perceptibles de l'extérieur du système car, comme le souligne Michel Lemosse, ‘"il faut du temps pour recueillir les fruits des réformes. Qui peut douter que la période de latence entre la formation nouvelle des maîtres et ses effets sur l'enseignement, puis sur l'efficacité globale du système scolaire, risque d'être très longue ?"’ (Lemosse, 1989, p.118).

C'est pourquoi nous nous proposons, dans ce travail, de nous questionner au sujet de la mise en place de la formation continue au début des années quatre-vingts dans le second degré et en particulier dans les collèges. Un ensemble de questions se sont alors posées à nous. Existait-il une formation continue pour ces enseignants avant 1982 ? Selon quelles modalités la mise en place des MAFPEN s'est-elle effectuée entre 1982 et 1986 ? Quels dispositifs de formation ont fonctionné à cette période ? Quelles conceptions de la formation continue des enseignants révèlent ces dispositifs ? Cette opération a-t-elle produit des effets ? Peut-on repérer ces effets ? Pour résumer cet ensemble de questions, nous formulerons notre problématique de la manière suivante : 

"Quels effets a produit la mise en place des M.A.F.P.E.N. sur l'évolution du métier d'enseignant ?"

En réponse à cette question, nous avancerons une hypothèse :

"La mise en place des M.A.F.P.E.N. a contribué à faire évoluer le métier des enseignants du second degré, vers une nouvelle professionnalité ."

Pour préciser ce que contient, pour nous, cette hypothèse, nous la déclinerons ainsi :

Remarquons tout d'abord que notre étude portera, à travers le cas de la M.A.F.P.E.N. de Lyon, sur la mise en place des M.A.F.P.E.N. dans leur ensemble. Cela pose la question de la représentativité de la M.A.F.P.E.N. de Lyon. Notre hypothèse de travail est que ce cas particulier nous permet d'analyser ce qui s'est passé. En effet, les témoignages des responsables nationaux que nous avons recueillis, confirment le fait que, bien qu'on observe d'évidentes différences de fonctionnement selon les académies, il existe néanmoins une même dynamique.

Pour valider notre hypothèse, nous allons suivre un plan en cinq parties. Dans une première partie, nous établirons que l'histoire montre que les caractéristiques de la formation continue des enseignants du second degré mise en place dans les M.A.F.P.E.N. à partir de 1982, ont hérité d'un certain nombre d'idées et de structures préexistantes.

Dans une deuxième partie, nous montrerons que cette mise en place des M.A.F.P.E.N. marque également une rupture avec les périodes précédentes. Pour cela, nous analyserons les choix uite, dans une quatrième partie, nous étudierons d'autres dispositifs de formation, plus élaborés, situés toujours dans l'académie de Lyon, dont la création témoigne de la poursuite de cette évolution. Nous limiterons notre étude à la première période d'existence des M.A.F.P.E.N., c'est-à-dire à l'année 1986-87.

Enfin, dans une cinquième et dernière partie, nous tenterons de repérer quelques effets de ces formations sur les enseignants, sur les établissements, ainsi que sur les élèves. Nous rechercherons éuite, dans une quatrième partie, nous étudierons d'autres dispositifs de formation, plus élaborés, situés toujours dans l'académie de Lyon, dont la création témoigne de la poursuite de cette évolution. Nous limiterons notre étude à la première période d'existence des M.A.F.P.E.N., c'est-à-dire à l'année 1986-87.

Enfin, dans une cinquième et dernière partie, nous tenterons de repérer quelques effets de ces formations sur les enseignants, sur les établissements, ainsi que sur les élèves. Nous rechercherons également si les évolutions révélées par l'étude des dispositifs, ont été institutionnalisées dans les textes officiels.

Notre travail peut donc être situé comme une recherche de signification. En effet, nous cherchons à comprendre comment la mise en place de ces nouveaux dispositifs de formation a contribué à faire évoluer la définition de la professionnalité des enseignants du second degré vers une diversification de leurs compétences, cette évolution étant rendue nécessaire par les changements intervenus dans la société.

Nous allons donc appuyer notre étude sur les données que nous avons recueillies à la M.A.F.P.E.N. de Lyon. Nous avions primitivement escompté pouvoir utiliser les archives de la M.A.F.P.E.N., mais, d'après la Secrétaire Générale que nous avons contactée, aucun document datant de la période 1982-86, n'a été conservé, hormis quelques textes officiels et les Plans Académiques de Formation. Ce fait est d'ailleurs confirmé dans le rapport d'évaluation de la formation, fait par le secteur "évaluation" de la M.A.F.P.E.N. entre 1986 et 1988. En effet, dans ce rapport, on peut lire que ‘"des documents n'ont pu être retrouvés, ni dans les archives des établissements, ni dans celles de la M.A.F.P.E.N. (...) Ces pertes de mémoire ont été les premiers obstacles rencontrés. Certains établissements avaient plus volontiers conservé des registres d'absences de professeurs que les listes de participation à des actions de formation."’ (G.E.T.E.D., 1989, p.14). Nous n'avons pas non plus retrouvé d'archives à la M.A.F.P.E.N. de Grenoble. Cet état de fait nous a donc obligée à renoncer à l'enquête quantitative que nous souhaitions mener, enquête qui nous aurait permis d'avoir une vue globale sur les caractéristiques des formateurs, sur leur itinéraire antérieur, etc... De plus, nous n'avons pas pu retrouver de données sur le nombre d'heures effectuées par les différents formateurs, ce qui ne nous a pas permis de situer l'importance quantitative relative de chacun des dispositifs que nous avons étudiés. Enfin, cette difficulté à retrouver des documents ne nous a pas permis de faire une étude exhaustive des dispositifs mis en place, ni par la M.A.F.P.E.N. de Lyon, ni par celle de Grenoble.

Cette absence d'archives officielles constitue en elle-même une question. Selon les acteurs de l'époque que nous avons interrogés, le souci de conserver une mémoire des évènements n'était pas présent dans les préoccupations de l'époque. En effet, la priorité était donnée de fait à l'action immédiate ; on était trop immergé dans l'action pour envisager la conservation des documents et leur archivage. Ce n'est que plus tard, vers la fin de la période que nous étudions, que le besoin de s'appuyer sur des documents s'est fait sentir, en particulier pour procéder à des évaluations.

Cette absence d'archives officielles nous a donc obligée à nous adresser aux anciens responsables ou formateurs que nous avons pu retrouver. Dans certains cas, ils avaient conservé des documents, notes, compte-rendus, courriers, etc... , qu'ils ont bien voulu nous confier. Ces documents offrent bien entendu une image très partielle de la situation du début des années quatre-vingts. De plus, ils n'étaient pas forcément très compréhensibles pour nous, donc pour éclairer et compléter les données fournies par les documents, nous nous sommes entretenue, parfois à plusieurs reprises, avec quarante-quatre personnes différentes, responsables, formateurs ou enseignants. Sur les quarante-quatre personnes interrogées, quatre avaient une responsabilité nationale, trente appartenaient à l'académie de Lyon et les dix autres à l'académie de Grenoble. Nous n'avons fait figurer en annexe que la transcription des entretiens dont nous avons cité des extraits dans le cours de notre travail. Parmi les premiers entretiens effectués, quelques-uns n'ont pas été enregistrés, car nous pensions encore à cette époque pouvoir travailler surtout sur des documents d'archives. Dans ce cas, nous avons fait figurer en annexe un résumé, réalisé à partir des notes prises au cours de l'entretien. Nous avons également fait figurer en annexe les documents, internes aux M.A.F.P.E.N. de Lyon et de Grenoble, que nous avons cités.

D'autre part, il nous faut préciser que les entretiens réalisés n'étaient pas tous du même type. Lors de certains entretiens, nous avons seulement recueilli des informations, pour nous permettre soit de prendre contact avec d'autres acteurs, soit de retrouver des documents, des faits, des dates, etc... Dans d'autres cas, et aussi souvent que cela a été possible, nous avons conduit l'entretien, ou les entretiens, autour des documents conservés par la personne, après lui avoir adressé une liste de questions, ou lui avoir demandé des informations complémentaires nécessitées par la lecture des documents. Nous n'avons pas décidé a priori du nombre d'entretiens que nous allions effectuer, mais nous avons constaté, au bout d'un certain temps, que les informations recueillies se recoupaient. Nous avons alors poursuivi notre recueil de données en conduisant une quinzaine d'entretiens moins directifs, au cours desquels nous avons abordé des questions plus générales, concernant soit les conceptions de la formation, soit les effets produits par les actions de la M.A.F.P.E.N.

Bien entendu, nous sommes tout-à-fait consciente que les déclarations que nous ont faites les acteurs interrogés, ne peuvent être qu'une reconstruction des faits, ceux-ci s'étant déroulés il y a une quinzaine d'années. La mémoire est défaillante, certes, mais elle est surtout sélective et déformante. Cependant, il nous semble que le recours aux documents, même s'ils sont partiels, nous a permis de nous rapprocher autant qu'il était possible, de la réalité.

Précisons d'autre part que nous avons limité notre étude à l'action de la M.A.F.P.E.N. dans les collèges. Ne pouvant faire une étude exhaustive de l'ensemble des formations mises en place, nous avons fait le choix de nous en tenir à quelques-uns des dispositifs ayant un lien plus ou moins direct avec l'opération de Rénovation des collèges, lancée par le ministre Savary, en 1983, à la suite de la publication du rapport de Louis Legrand sur les collèges. La raison de ce choix tient au fait que l'une des premières priorités assignées aux M.A.F.P.E.N. pendant la période que nous étudions, était justement l'accompagnement formatif de cette opération de rénovation.

Il nous reste à préciser que nous avons centré notre étude sur les dispositifs mis en place dans l'académie de Lyon. Néanmoins, nous évoquerons également la M.A.F.P.E.N. de Grenoble, non pour effectuer une comparaison point par point entre les deux académies, mais parce qu'il nous a semblé que cela pouvait éclairer et compléter certains points de l'étude faite sur Lyon.

Comme nous allons le verrons dans la suite de ce travail, la mise en place des M.A.F.P.E.N. a été la première tentative d'organisation, par l'institution, d'une formation continue pour les enseignants du secondaire. Mais cette formation n'a pas été construite de toutes pièces, en 1982 ; au contraire, elle peut être considérée comme, d'une part résultant de l'utilisation de ressources formatives existant avant 82 et, d'autre part, comme ayant bénéficié de l'apport de réflexions et d'expérimentations menées en divers lieux, au cours de la période précédente. Lorsque, s'appuyant sur le rapport de la commission présidée par André de Peretti, Alain Savary, par l'arrêté du 11 juin 1982, crée les Missions Académiques à la Formation des Personnels de l'Education Nationale, il demande immédiatement aux Recteurs, dans sa lettre du 15 avril 1982, de faire l'inventaire des personnels susceptibles d'assurer cette formation continue. Il s'agissait de tirer partie des ressources existantes, de recenser les diverses pratiques, de leur trouver une unité, de leur donner davantage de moyens et d'efficacité, d'augmenter leur impact, d'accélérer l'évolution du système. Nous allons donc commencer, dans la première partie de notre travail, par l'étude de ce qui existait avant les M.A.F.P.E.N., en matière de formation continue, afin de mieux comprendre ce qui s'est passé ensuite, rattachant ainsi cette expérience avec son passé. Nous nous intéresserons aux lieux et aux institutions qui proposaient de la formation continue, à destination des enseignants du second degré avant 1982. Cela nous permettra de définir la conception de la formation des enseignants qui était dominante à cette période.