1.2. L'enseignement "primaire"

En revanche, depuis plus de trois siècles que l'école dite "primaire" s'est donnée l'objectif d'instruire tous les enfants, y compris ceux des classes "populaires", elle s'est par conséquent préoccupée de donner à ses maîtres une formation pédagogique, en même temps qu'une formation académique de base. C'est pour assurer cette double formation, qu'a été créée en 1810 à Strasbourg la première Ecole Normale, et qu'en 1833, la loi Guizot prévoit une Ecole Normale par département. Ensuite et pendant plus d'un siècle, les choses n'ont pas beaucoup changé. En effet, jusqu'en 1968, la formation dans les Ecoles Normales s'étale sur quatre années, dont trois sont consacrées à la préparation du baccalauréat, la dernière année comportant trois mois de stage, au cours desquels l'apprentissage du métier se fait par imitation du maître de stage. ‘"L'exercice de la profession enseignante, depuis très longtemps, a été subordonné à l'acquisition de connaissances et à l'accomplissement de stages. Intégrer le savoir à transmettre et s'initier sous contrôle à la pratique de la classe, c'était sans conteste le double objet de cette formation".’ (Ferry, 1983, p.29). C'est une logique de transmission des savoirs, par une pédagogie de l'imitation. L'imitation a incontestablement des vertus, et sans doute a-t-elle été une méthode de formation adaptée à l'école de cette période. On peut cependant remarquer que c'est aussi cela qui faisait de l'Ecole "Normale", une école en réalité "normalisatrice" puisque, nous le verrons, il s'agissait de rendre les maîtres capables de former de bons patriotes.

La formation continue des instituteurs est alors assurée par les Inspecteurs Départementaux, par le biais de conférences pédagogiques. Bien sûr, à cette époque, les finalités de l'enseignement élémentaire sont plus diverses que de nos jours, où son unique finalité est l'entrée dans l'enseignement secondaire. Jusqu'à la fin des années soixante, il débouche aussi sur des formations professionnelles, voire sur l'entrée dans la vie active, à la sortie de la classe de fin d'études. De ce fait, le problème de l'échec scolaire ne se pose pas de la même manière qu'aujourd'hui. N'oublions pas que, comme le rappelle Antoine Prost, (1992), jusqu'à une époque récente, non seulement les classes populaires, mais aussi beaucoup d'intellectuels qui adoptent volontiers l'idéologie marxiste, considèrent que la classe ouvrière est l'avenir de la nation. Donc, à cette époque, devenir ouvrier, même non qualifié, est loin d'être un déshonneur. La sélection qui s'opère à la fin de la scolarité élémentaire se fait autant, et sans doute même davantage, par l'origine sociale que par les résultats scolaires.