2.2. Un Acquis Social : Les Lois De 71

Ce droit à la formation et au perfectionnement pendant le temps de travail sera consacré par la signature de l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970, puis, par la loi du 16 juillet 1971, votée sous le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas et connues sous le nom de "lois Delors", du nom de Jacques Delors, alors conseiller du Premier Ministre. La loi du 16 juillet 1971 stipule, dans son Article Premier, que : "‘La formation professionnelle permanente constitue une obligation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieures, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent. Ces formations ultérieures constituent la formation professionnelle continue."’ La lecture de ce texte nous fournit l'occasion de distinguer le concept de formation continue de celui de formation permanente. Ce dernier est généralement entendu comme l'ensemble constitué par les formations initiale et continue, cette dernière étant également appelée formation "en cours d'emploi".

Le texte de la loi précise plus loin les trois objectifs de cette formation continue : "‘La formation professionnelle continue a pour objet de permettre l'adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l'accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social." ’Ces trois objectifs répondent aux attentes des différents partenaires concernés qui, selon la position qu'ils occupent, ne situent pas ces attentes dans le même registre. En effet, l'Etat attend de la formation des effets sur la croissance économique et sur l'emploi ; les employeurs en espèrent des améliorations dans la productivité, et enfin les syndicats revendiquent des promotions pour les personnels qui vont y participer.

Dans une certaine mesure, les lois de 71 ont concilié ces trois objectifs, mais il est probable que, si elles ont pu être promulguées avec le soutien des employeurs, c'est qu'elles répondaient avant tout à des objectifs économiques. En effet, comme le souligne Gérard Malglaive, (1992, p.4), ‘"malgré ses aspects positifs, la loi de 71 a fortement marqué la formation continue du sceau de la contingence, en faisant d'elle l'instrument privilégié de l'adaptation des hommes aux vicissitudes d'une économie toute entière soumise aux impératifs du profit."’ A l'époque, dans un article de la revue Projet, Jean Dubois se déclarait "‘frappé par la coexistence de deux discours"’ ; l'un, le discours "humaniste", qui déclare que,‘ "grâce à la formation, les hommes vont échapper aux servitudes du passé, que la maîtrise des connaissances va leur donner la maîtrise de leur propre avenir’". L'autre, le discours "économique", "‘ne parle que de modalités de financement de la formation, du mode de désignation de ses bénéficiaires, du contrôle exercé sur la nature de la formation distribuée, etc’..." Et Jean Dubois concluait alors : "‘Pourquoi avoir éprouvé le besoin de doubler ce discours parfaitement logique, cette apologie de la formation en tant qu'investissement rentable, par ces développements humanistes, socialistes ou chrétiens sur la maîtrise de la destinée, sur l'apprentissage du devenir ?’" (Dubois, 1971).

Cependant, le courant de la psychosociologie tentera de modérer cette prépondérance de l'économie, en étant très présent, en particulier dans la formation des formateurs. A travers les formations qu'il a organisées, il a essayé d'introduire la dimension du développement personnel, à côté de celle de l'adaptation aux nécessités économiques. Quant aux différentes tendances syndicales, elles se manifesteront à travers leurs revendications traditionnelles d'amélioration de carrière ou de conditions de travail, de manière d'ailleurs plus ou moins constructive. Il n'en reste pas moins que, pendant les années qui ont suivi la promulgation des lois de 71, on a assisté, à travers la mise en oeuvre de ces lois, à un développement très important du secteur de la formation continue, qui s'est manifesté, entre autre, par un fleurissement d'instituts spécialisés, aussi bien privés que publics.