3.6.2. Les Centres De Documentation Pédagogique

Après le vote des lois de 1971, le réseau des C.R.D.P.-C.D.D.P. a commencé à mettre en place des formations, destinées aux enseignants en exercice qui fréquentaient leurs services. Le suivi des enseignants du secondaire en exercice est alors supervisé par les corps d'inspection : I.P.R. pour les professeurs agrégés et certifiés ; I.D.E.N., mais aussi directeurs d'études des Centres Régionaux de Formation, pour les P.E.G.C., ainsi que pour les instituteurs détachés dans l'enseignement secondaire. En somme, à cette époque, la formation continue dans le secondaire est essentiellement "tenue" par les corps d'inspection. Comme nous l'avons déjà vu, leur priorité est la "mise à niveau" des P.E.G.C., dont la formation universitaire est incomplète, voire inexistante pour certains. La formation peut porter aussi sur les nouvelles technologies, ou encore sur l'action culturelle. Mais cela peut être aussi de l'information, sur les nouveaux programmes par exemple. Les Inspecteurs font souvent appel à des enseignants qu'ils jugent compétents, pour assurer cette formation continue. Souvent, ces enseignants ont participé à des recherches conduites par l'I.N.R.P., et ainsi ont pu expérimenter, dans leurs classes, un certain nombre d'outils. Ces enseignants deviennent parfois alors professeurs-animateurs, et proposent des formations d'enseignants, dans les C.R.D.P.

A côté de ces secteurs "disciplinaires", supervisés par les corps d'inspection, on trouve, dans la plupart des C.R.D.P., un secteur moins classique, celui de l'"animation Pédagogique". Pour l'académie de Lyon par exemple, la responsable de ce secteur, qui était auparavant professeur de psychopédagogie en Ecole normale, raconte : "‘Mon rôle au CRDP était "nébuleux", je devais "inventer ma tâche". J'ai contacté les enseignants qui souhaitaient se regrouper pour participer à une sensibilisation à la vie de groupe. J'ai ainsi organisé des stages, qui avaient lieu en dehors des horaires des enseignants (primaires et secondaires). Il y a eu énormément de demandes. Ensuite le CRDP m'a demandé de contacter des équipes autour du "travail indépendant" ; il y a eu une recherche INRP lancée à ce moment-là sur ce thème. Mon rôle consistait donc à travailler avec les enseignants concernés, à les regrouper, à essayer de leur apporter des méthodes de recherche sur l'animation des groupes en particulier. (...) J'étais indépendante des IPR et des IDEN, mais certains me demandaient de travailler avec eux (journées de regroupement des profs d'anglais par exemple). Là bien sûr c'était sur le temps de travail des enseignants. Au bout de trois ou quatre ans, j'ai réussi à obtenir des stages de plusieurs jours sur le temps de travail ; ils portaient sur les problèmes de vie de groupe, sur la réflexion institutionnelle, etc... C'était en lien avec l'Ecole normale de St Etienne. C'était très enrichissant. Pour informer les enseignants, j'avais lancé des BAI (Bulletins Académiques d'Information), mais je ne pouvais pas mettre ce que je voulais dedans, parce que c'était très supervisé par le directeur du CRDP, qui n'approuvait pas toujours ce que je faisais. Il trouvait que c'était un peu trop original. Mais à la fois, il était content d'avoir ça. Mais il trouvait que ça remuait un peu trop, que c'était de l'"agitation pédagogique". Avec le travail indépendant, il y avait des gens qui avaient deux heures de décharge : les professeurs-animateurs. Ils animaient les équipes de recherche sur le T.I. dans les établissements’ 17 ."

Au début donc, le statut de cette "animation pédagogique" n'était pas vraiment défini ; aucun texte ne régissant son fonctionnement précis, celui-ci était donc laissé à l'initiative personnelle de l'animateur. Il s'agit donc d'un secteur qu'on peut qualifier d'expérimental. Tout au long des années soixante-dix, ce secteur s'est structuré, dans la plupart des C.R.D.P., probablement en raison d'une demande accrue de la part des enseignants, qui venaient chercher ici un remède à leur malaise croissant. Les techniques d'animation de groupes commençaient à être connues en France, dans les milieux de l'entreprise et de la formation d'adultes ; mais pas encore dans l'éducation nationale, de manière officielle. Les C.R.D.P. ont fait partie de ceux qui ont tenté de les introduire auprès des enseignants, par l'intermédiaire de quelques collègues qui s'étaient formés eux-mêmes.

Puis peu à peu, des formations ont été mises en place, sur les thèmes qui faisaient à l'époque l'objet d'expérimentations, autour des thèmes de pédagogie générale, faisant l'objet de recherches à l'I.N.R.P., comme le travail autonome, la pédagogie par objectifs, la pédagogie différenciée, etc... Selon l'un des responsables18 de ces formations pour l'académie de Lyon, elles concernaient, à la fin des années soixante-dix, un nombre assez important d'enseignants :

année nombre d'établissements concernés nombre de professeurs participants
1975 77 891
1976 112 1114
1977 120 1143

On voit donc que ces formations étaient jugées intéressantes par les enseignants, et qu'elles devaient répondre à leurs besoins, puisqu'ils les effectuaient sur leur temps libre.

Nous venons d'évoquer les lieux, internes à l'Education nationale, dans lesquels, bien avant 1980, une réflexion sur la formation continue des enseignants du secondaire s'est fait jour, notamment à travers les recherches pédagogiques qui s'y effectuaient et des pratiques de formation continue qui s'étaient mises en place. Néanmoins, il ne s'agit pas d'actions de formation de grande envergure, susceptibles d'atteindre la grosse masse des enseignants, surtout ceux se trouvant à l'écart des grandes villes. En effet, ces formations se faisaient souvent sur le temps libre, auquel il fallait rajouter le temps et les frais du trajet, lorsqu'on n'est pas sur place. Mais ce n'est certainement pas la seule raison pour laquelle les enseignants éprouvaient le besoin d'aller chercher une formation complémentaire également en dehors de l'institution, comme nous allons le voir maintenant.

Notes
17.

Entretien CB, du 15/6/94.

18.

Entretien AM, du 23/06/94.