3.7.1. Les Associations De Psychosociologues

Lorsqu'on examine le parcours des personnes qui sont à l'origine des M.A.F.P.E.N., on s'aperçoit qu'un nombre non négligeable d'entre elles appartenait au courant de la psychosociologie. C'est pourquoi nous allons maintenant rappeler comment ce courant s'est constitué. Comme nous le rappelle Odile Sargentini, (1991, p.13),‘ "les origines de l'intervention psychosociologique sont nord-américaines. Dans la logique du plan Marshall (1947), des universitaires européens partent en étude aux USA.. Ils accèdent aux travaux de chercheurs américains, comme Lewin, Moreno, Mayo, Rogers."’ André de Peretti, à qui le ministre Savary confiera en 81 la présidence de la commission sur la formation des personnels, était lui-même rogérien, il avait contribué à faire connaître les idées de Carl Rogers en France, sur lequel il publiera un ouvrage qui fait autorité (Peretti, 1974). Il a donc cherché à introduire sa conception de la formation dans l'éducation nationale. Il avait fait partie, avec Max Pagès, Guy Palmade, etc... du collectif qui, en 1959, avait fondé l'A.R.I.P. Celle-ci, comme l'A.N.D.S.H.A. ou l'I.F.E.P.P., faisait partie des associations, nées dans les années cinquante-soixante, de la découverte de la psychosociologie nord-américaine, par des responsables français de formation, des psychologues, etc... Ces derniers avaient introduit les apports de la psychosociologie dans leurs pratiques de formateurs, au sein d'entreprises publiques ou privées. Mais, assez vite, ils ont cherché à étendre leur expérience de la formation, au domaine de l'enseignement.

En 1962, l'A.R.I.P. réunit à Paris un colloque, qui a donné lieu l'année suivante à la publication d'un ouvrage précurseur, consacré pour un bon tiers, aux problèmes de la formation des enseignants. L'avant-propos de cet ouvrage précise que ce colloque ‘"réunissait une soixantaine de participants - enseignants, formateurs, cadres, parents d'élèves, psychosociologues - désireux d'explorer en commun les voies nouvelles ouvertes à la réflexion pédagogique par l'essor récent des sciences psycho-sociales."’ (A.R.I.P., 1963, p.11). Partant de la constatation (p.194) que ‘"l'idéal de l'enseignant semble être encore la recherche d'un bon modèle à imiter, dans la mesure où la formation pédagogique telle qu'elle est envisagée ne permet pas aux enseignants d'élaborer leur propre attitude dans la situation pédagogique," ’l'ouvrage précise alors l'orientation générale que l'association propose, en matière de formation des maîtres : ‘"Il serait souhaitable d'envisager une "formation sociale", un apprentissage pour vivre avec autrui, parallèlement à "l'apprentissage professionnel" qui constitue, à l'heure actuelle, l'essentiel de la formation pédagogique."’ (p.190).

Alors que les membres de l'A.R.I.P. avaient une certaine expérience dans le domaine de l'entreprise, d'autres associations de psychosociologues, nées vers la même époque, étaient plus spécifiques au domaine de l'éducation. Jacques Ardoino, l'un des fondateurs de l'A.N.D.S.H.A., publie en 1963, l'ouvrage bien connu intitulé Propos actuels sur l'éducation. Quant à l'I.F.E.P.P., écrit son directeur, Bernard Honoré, ‘"il avait été fondé pour donner une autonomie juridique au service des stages organisés depuis 1960, par l'Ecole des Parents et des Educateurs." ’ (Honoré et all., 1981, p.91).

Ensuite, comme nous le précise André De Peretti, ‘"ces associations de formateurs, partant des milieux d'entreprises ou d'administration, ont essaimé d'abord dans des associations d'enseignants et de formateurs, (F.O.E.V.E.N. et A.R.O.E.V.E.N. ; C.E.M.E.A., etc...), puis auprès d'universitaires : la plupart des animateurs de l'A.R.I.P., de l'A.N.D.S.H.A., etc... sont entrés en nombre à l'Université’ 19 ." Un certain nombre d'universitaires, marqués par l'esprit de mai 68, ont été imprégnés des idées de la psychosociologie, et ont cherché à les introduire dans les universités. Les I.R.E.M. en particulier, ont fait entrer des psychosociologues, dans leur équipe d'enseignants. C'est de cette manière que les idées de la psychosociologie ont pénétré non seulement dans les facultés de psychologie, mais également dans les autres disciplines, atteignant de cette façon, les milieux de la formation.

Un autre élément a favorisé la pénétration des idées de la psychosociologie, c'est le fait que, vers le milieu des années soixante, le ministère de l'Education nationale avait passé des conventions avec certaines associations de psychosociologues. Celles-ci vont ainsi être conduites à assurer la formation d'un certain nombre de personnels de l'Education nationale. Ainsi, entre 1962 et 1978, près de dix-mille enseignants ont pu suivre gratuitement la formation donnée par l'I.F.E.P.P. (Honoré, 1977, p.96). A partir de 1970, ils ont même pu la suivre sur leur temps de travail.

Pour tous ceux qui ont suivi ces formations de formateurs de type psychosociologique, il s'agit de la seule véritable formation "de base" d'un formateur d'adultes, et plus particulièrement d'un formateur d'enseignants. Dans l'un des rares ouvrages écrit avant 1982 et traitant de la formation continue des enseignants, l'une des contributions décrit la formation donnée aux enseignants par l'I.F.E.P.P., comme une des dimensions indispensables pour combler les lacunes de leur formation initiale : ‘"La formation initiale actuelle, centrée sur les connaissances afférentes à la matière enseignée, doit donc se compléter et se continuer dans trois domaines : celui de la formation personnelle (...) ; celui de la formation psychosociologique (...) ; enfin celui d'une analyse institutionnelle qui situe l'organisationnel et le politique." ’(Honoré, 1981, p.29). Nous sommes bien là dans une conception de la formation continue, en opposition complète avec celle qui était alors dominante dans l'enseignement secondaire et que l'on pourrait qualifier d'académique. Alors que dans cette conception académique, l'essentiel est le savoir, les psychosociologues cherchent à prendre également en compte le fonctionnement des enseignants et des élèves en tant que personnes, mais aussi en tant que groupe, et ils cherchent également à situer ces personnes et ces groupes au sein de l'institution dans laquelle ils travaillent.

Outre les associations de psychosociologues dont nous venons de parler, existaient également, dans la période précédant la création des M.A.F.P.E.N., des associations bien connues des enseignants : les associations de spécialistes.

Notes
19.

Courrier du 21/06/96.