3.7.3.2. Le G.F.E.N.

Parmi ces mouvements, c'est au sein du G.F.E.N., que la réflexion sur la pédagogie est certainement la plus ancienne. En effet, il a été fondé en 1922, comme Section Française de la L.I.E.N. (Ligue Internationale de l'Education Nouvelle), par un groupe auquel appartient entre autres le genevois Adolphe Ferrière. Passionné par l'expérience des premières Ecoles Nouvelles qui s'ouvrent un peu partout en Europe, au début du siècle, mais ne pouvant enseigner à cause de sa surdité, Ferrière sera le théoricien de l'Education Nouvelle ; il publiera entre autre L'école active, en 1922, et sera rédacteur de la revue Pour l'ère nouvelle. Le représentant français le plus connu de ce mouvement est certainement Roger Cousinet, dont on connaît l'important apport dans le domaine du travail par groupes.

La philosophie des pionniers de l'Education Nouvelle, en particulier de Ferrière, prend sa source dans les résultats des recherches de la psychologie : il s'agit de concevoir une école plus respectueuse de la personne de l'enfant. "‘La force de l'Education Nouvelle est dans sa pédagogie, il n'y aurait sans doute pas de pédagogie sans elle ’ ‘!" remarque Olivier Reboul,’ ‘ mais il ajoute : "Pourtant, en prônant "l'école dans la vie", elle oublie que la vie n'est pas une école, mais un dur combat, auquel celle-ci doit préparer."’ (Reboul, 1992, p.10). Peut-être est-ce à cause de l'origine sociale, plutôt bourgeoise, de ses premiers défenseurs, dont l'idéologie s'appuie plutôt sur les apports de la psychologie ou sur des options philosophiques, que sur des données sociales ou des opinions politiques, comme ce sera le cas, nous le verrons, pour le mouvement Freinet.

Cependant, à partir de 1932, le mouvement va prendre des options plus politiques, orientées à gauche, sous l'influence de Paul Langevin, puis de Henri Wallon. Ferrière, quant à lui, restant très centré sur l'enfant et sa psychologie, n'approuvera pas cette orientation centrée sur le système scolaire, et il se séparera progressivement du G.F.E.N. C'est dans la mouvance des pratiques et des recherches du G.F.E.N., et à la suite de ce changement d'orientation, que sera élaboré en 1947, le plan Langevin-Wallon. Celui-ci, nous l'avons déjà vu, était manifestement très en avance sur son temps, et portait en germe l'idée même de formation continue pour les enseignants.

Les pratiques de formation du G.F.E.N. s'appuient sur les nombreuses expériences de terrain. Les plus connues faites, dans les années soixante, par le Groupe Expérimental du vingtième arrondissement de Paris, (l'école de la rue de Vitruve, etc...), vont battre en brèche l'acceptation fataliste de l'échec scolaire et remettre en cause les notions de "dons" et de "handicaps socioculturels". Mais c'est l'expérience de Henri et Odette Bassis, en Ecoles Normales au Tchad, qui va véritablement permettre l'élaboration de stratégies et pratiques de formation d'adultes, basées sur la démarche "d'auto-socio-construction du savoir". Dans l'ouvrage qui relate cette expérience, Henri Bassis réclame pour les enseignants, une formation universitaire de haut niveau, mais il pense que ce haut niveau doit être lié avec le vécu dans les classes. ‘"Le vrai problème’ ‘", écrit-il,’ ‘ "est de transformer qualitativement la pratique universitaire elle-même, de telle sorte que l'articulation dialectique théorie-pratique et pratique-théorie ne soit pas qu'un discours".’ (Bassis, 1978, p.161). La position du G.F.E.N. dans le débat, qui reste très actuel, sur l'équilibre entre la théorie et la pratique dans la formation des enseignants, est déjà clairement définie. On voit donc que les problématiques qui agitent aujourd'hui les débats sur la formation des enseignants étaient déjà au centre de la réflexion de ce mouvement, bien avant la mise en place des M.A.F.P.E.N.