3.7.3.8. La F.O.E.V.E.N.

Celle-ci est une fédération d'Associations Régionales, les A.R.O.E.V.E.N., qui sont surtout connues du public pour leur intervention dans le secteur des centres de vacances, mais qui opèrent également dans le secteur spécifiquement scolaire. Un des rares ouvrages écrit dans les années soixante-dix sur la formation continue des enseignants, relate et analyse trois expériences de formation continue d'enseignants conduites en France avant 1980, dont l'une dans le cadre de la F.O.E.V.E.N. Dans cet ouvrage, on trouve précisés les objectifs de l'association : "L'association poursuit des objectifs de changement de la collectivité scolaire : elle souhaite que se créent de véritables communautés éducatives, maîtresses de leur organisation pédagogique et matérielle, ouvertes sur la vie économique, sociale et politique, dans laquelle chacun, jeune ou adulte, joue un rôle actif au niveau de la décision comme à celui de l'exécution, où le travail d'équipe, l'apprentissage de la vie collective s'harmonisent avec l'autonomie et l'épanouissement individuels." (Honoré, 1981, p.60)

Nous sommes ici aussi aux antipodes de ce qui se pratiquait, dans les années soixante-dix, lors des "recyclages". L'objectif des formateurs F.O.E.V.E.N. n'est pas d'apporter un complément de savoirs à des enseignants qui ne les auraient pas reçus lors de leur formation initiale. C'est bien d'une autre conception de la formation des enseignants qu'il s'agit, conception qui inscrit clairement la formation comme vecteur du changement : "L'association estime possible de mener une politique de changement de l'Education de l'intérieur du "système" officiel, et elle adopte le principe de la formation par les "pairs", facilité par sa structure "para-administrative". (p.61). Nous retrouverons cette idée de "formation par les pairs", parmi les propositions qui seront faites lors de la création des M.A.F.P.E.N., montrant l'impact de cette conception sur les choix faits en 1982.

Le même ouvrage précise que la F.O.E.V.E.N. a, dans les années soixante-dix, formé un nombre important d'enseignants. En effet, ‘"des conventions, signées avec le ministère, ont conduit la F.O.E.V.E.N. à participer au plan de "recyclage" des professeurs de C.E.T. et au perfectionnement des équipes éducatives de C.E.T. expérimentaux (...). Enfin, des opérations ponctuelles sont menées auprès des E.N., C.P.R., C.A.F.O.C., I.R.E.M., etc’..." (p.59). La F.O.E.V.E.N. fait donc partie des organismes qui ont proposé des formations "complémentaires" aux enseignants, bien avant la création des M.A.F.P.E.N. Comme pour les autres mouvements d'éducation populaire, "‘le fonctionnement est assuré par un petit nombre de permanents, détachés de l'Enseignement Public." ’Voyons comment eux-mêmes se sont formés.

C'est ‘"l'association ’ ‘[qui]’ ‘ prend en charge, au niveau national, la formation psychosociologique de ses militants, presque tous des enseignants en exercice, appelés à, ou désireux d'encadrer des stages. Elle collabore, pour ce faire, avec diverses associations de psychosociologues (A.R.I.P., A.N.D.S.H.A., I.F.E.P.P.)."’ (p.60). Il s'agit donc - années soixante-dix obligent ! - d'une formation à orientation psychosociologique affichée, type de formation alors pratiquement inconnu dans l'Education Nationale. Cette formation est décrite de manière détaillée, dans l'ouvrage cité plus haut. Elle s'adresse à tous les personnels, qui se trouvent ainsi appelés à travailler ensemble dans les stages. Il s'agit donc d'un lieu où un nombre important d'enseignants se sont formés, avant 1982, et parmi ceux-ci beaucoup deviendront ensuite formateurs M.A.F.P.E.N.

Si nous nous sommes arrêtée longuement sur l'étude des principaux mouvements pédagogiques et autres associations, c'est parce qu'elle montre que s'est développée en dehors de l'institution, au fil des années, une réflexion sur la pédagogie et sur la formation des enseignants. Beaucoup pensent que leur réflexion a fortement contribué à faire évoluer la pensée pédagogique d'une centration presque exclusive sur l'acte d'enseigner vers une prise en compte de l'acte d'apprendre. ‘"Aux marges de l'école, le courant pédagogique de l'Education nouvelle est une des sources vives de réflexion. Il fait voir dans la situation scolaire un enfant curieux, actif, entreprenant, capable d'autonomie et de coopération avec ses pairs,"’ disent par exemple B. Aumont et P.M.Mesnier (1992, p.31). On leur attribue donc également un rôle important dans les progrès de la démocratisation, à travers le développement de l'idée de coopération dans les établissements. ‘"Les relations communautaires à l'intérieur de l'établissement scolaire apparaissent comme le moyen d'intégrer à l'univers culturel de l'école les couches nouvelles qu'y amènent la démocratisation," ’écrit Jean-Louis Derouet (1987, p.99) qui rappelle également que ‘"les mouvements pédagogiques développaient dans la période ’ ‘[des années soixante-dix]’ ‘ un remarquable effort sur la question des équipes pédagogiques."’

Mais cette réflexion a eu bien du mal à pénétrer à l'intérieur même de l'Education nationale. Comme le souligne Philippe Perrenoud (1995 a), "‘pendant des lustres, on a tenté d'expliquer l'échec scolaire en faisant abstraction des contenus de l'enseignement et de la nature des normes d'excellence et des procédures d'évaluation. Mais surtout c'est la pédagogie même qu'on a mise entre parenthèses."’ Au cours de toutes ces années, la plupart de ces mouvements non seulement n'ont pas été reconnus, mais ont même souvent été maintenus à l'écart, voire pourchassés, l'institution redoutant leur potentiel de remise en cause de l'existant, et donc les risques de déstabilisation qui en auraient résulté.

Or, au moment de la mise en place des M.A.F.P.E.N., existera une volonté du ministre de faire participer ces mouvements pédagogiques, afin que leurs idées puissent pénétrer dans l'institution, mais également que les M.A.F.P.E.N. profitent de l'expérience pratique qu'ils avaient acquise pendant toutes ces années, dans le domaine de la formation des enseignants. Cependant, nous verrons également que, même si le souci d'utiliser leurs ressources existait sur le papier, l'institution a résisté, et ils n'ont pas eu, dans les faits, la place qui avait été souhaitée par les décideurs.