Chapitre 4. Vers Les M.A.F.P.E.N.

4.1. Les Nouveaux Publics

Vers la fin des années soixante-dix, les conditions d'enseignement dans les collèges vont subir une transformation radicale. En effet, en 1975, le ministre René Haby crée le "collège unique", où vont se retrouver, dans les mêmes classes, les enfants de toutes classes sociales et de tous "niveaux" scolaires. Les "filières" I, II et III des Collèges d'Enseignement Secondaire sont supprimées. Jusque-là, le problème de l'échec scolaire se rencontrait surtout dans les établissements situés dans les quartiers populaires, appelés alors Z.U.P., que l'on avait construits à la périphérie des grandes villes, pour loger les familles de milieu populaire en dehors des centres villes. Avec la création du collège unique, la plupart des collèges vont maintenant être touchés par le problème de l'échec scolaire. Les instituteurs et les P.E.G.C. ne vont plus être les seuls à devoir gérer les classes difficiles. Tous, y compris les professeurs certifiés, qui auparavant enseignaient uniquement aux classes de la filière I, vont se trouver affrontés à des classes hétérogènes. Cela constitue pour eux une considérable mutation, à laquelle le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'y ont pas été préparés. En effet, la mise en place du collège unique n'a pas été accompagnée d'actions en direction des enseignants, qui auraient pu les préparer à faire face à ces nouveaux publics. Par conséquent, la plupart enseigneront à ces classes hétérogènes, comme ils enseignaient auparavant à l'élite de la nation, et c'est là que, bien entendu, les choses vont se gâter. Dans une étude sur les collèges, Lise Demailly parle d'une "situation de crise professionnelle, dont l'acmé, sur le plan subjectif, s'est situé dans les années 75-80 : émiettement des pratiques, perte des repères en ce qui concerne les savoirs à transmettre et la relation pédagogique, situations d'apprentissage vidées de contenus, conflits parfois violents entre personnes ou entre sous-groupe." (Demailly, 1991, p.116).

Les enseignants ne comprennent pas ce qui leur arrive. Un profond fossé s'ouvre entre le métier qu'ils avaient choisi, le plus souvent par amour d'une discipline, et le métier qu'on leur demande maintenant d'exercer. Ils réagissent en se lamentant sur le "paradis perdu", sur la "baisse du niveau", sur les familles qui démissionnent, etc... Mais l'idée d'aller chercher un remède à ce malaise dans une formation, n'est pas courante, tellement on est persuadé d'avoir reçu une formation initiale suffisante. Peu d'enseignants traduisent leur malaise face à cette situation nouvelle, par une revendication en terme de formation continue.

Pourtant, dans la plupart des lieux dont nous avons parlé, on a pris peu à peu conscience qu'enseigner est un acte professionnel complexe, qui ne relève pas seulement du don, du charisme personnel associé à une bonne maîtrise de la discipline. L'afflux des nouveaux publics révèle l'inadéquation de la formation initiale, telle qu'elle était donnée jusque là. Alors, comment la compléter ? Nous avons vu qu'un certain nombre de services ou d'organisations avaient des solutions à proposer, et certains enseignants en bénéficient. Mais elles ne parviennent pas à pénétrer la masse des enseignants du secondaire puisque, comme nous venons de le voir, seule une petite minorité d'entre eux a pu bénéficier de formation continue, depuis le vote des lois de 71. Et pourtant, cette formation continue apparaît de plus en plus comme un besoin.