4.2. Une Formation Crucialement Nécessaire

4.2.1. Les Stages Du P.G.S.

Donc, tout au long des années soixante-dix, en raison de l'évolution des conditions d'enseignement, mais aussi sous la pression des syndicats, la revendication de formation continue prend de plus en plus d'importance, jusqu'à occuper une place non négligeable dans le débat sur l'école. Qu'en pensent les décideurs ? Là aussi, l'idée fait son chemin. Pour eux, il ne s'agit pas seulement de répondre aux revendications des syndicats, ni même aux besoins de l'économie, mais aussi de trouver une parade à la grave crise du recrutement des enseignants qui se profile, crise annoncée par toutes les prévisions, même les moins pessimistes. En effet, le chômage n'est pas encore devenu la première préoccupation de tous, et les diplômés de l'enseignement supérieur ont encore beaucoup de possibilités dans le choix de leur métier. La plupart, surtout ceux venant des disciplines scientifiques, se dirigent alors plutôt vers l'entreprise, et boudent l'enseignement, où les salaires ne sont guère attractifs. Pour attirer les diplômés vers la profession enseignante, il faut donc tenter de la rendre plus attrayante, il faut redorer l'image que cette profession a dans le public : rendre les enseignants plus performants par la formation continue apparaît comme un des moyens d'y parvenir. Dans les années soixante-dix, un certain nombre de stages sont ainsi proposés aux enseignants du secondaire. Ils seront regroupés dans un catalogue, appelé P.G.S. (Programme Général des Stages), créé en 1979. Celui-ci ‘"assurait, dans la logique d'une organisation centralisatrice, le pilotage ministériel de toutes les actions de formation",’ écrit le premier chef de la M.A.F.P.E.N. d'Amiens (Regrain, 1984, p.6).

Or comme nous l'avons dit précédemment, la conception largement dominante à l'époque, est que la fonction de l'enseignant consiste à transmettre des savoirs, qu'il a lui-même reçus de ses maîtres et dont il est, en quelque sorte, dépositaire. Cette transmission s'effectue le plus souvent sous la forme d'un cours magistral. L'enseignant a dans la tête le modèle de ses propres professeurs, dont il a admiré le savoir et dont il rêve d'imiter les brillantes prestations. Il faut dire, comme le constatera plus tard Guy Berger, que ‘"les professionnels se méfient des gens qui prétendent avoir sur eux un savoir qui les objective, et s'adressent plus volontiers à ceux qui détiennent un savoir disciplinaire et ne viennent pas interroger la pratique de la classe."’ (Berger, 1988, p.77). Dans cette conception, la seule formation continue envisageable était celle qui permettait d'augmenter ce savoir initial, d'acquérir des compléments de connaissances. Les stages du P.G.S. étaient donc conçus dans cette optique.

Il est cependant permis de penser que ces stages ne correspondaient pas entièrement aux attentes des enseignants du secondaire, puisque l'état des lieux fait en 1982, lors de l'élaboration du rapport sur la formation, montrera que ‘"plus de 30 % des crédits affectés à ces stages n'étaient pas utilisés, ; ce qui signifiait bien que c'était des données trop abstraites, cogitées par des gens à Paris, mais qui ne cherchaient pas à s'adapter aux besoins des gens’ 31 ." On peut peut-être aussi penser que c'est parce que ces stages avaient lieu en dehors du temps de travail, ou pour d'autres raisons encore.

Même si ces stages n'étaient pas très fréquentés, nous avons vu qu'il existait néanmoins une demande de formation, chez les enseignants du secondaire. L'absence de réponse institutionnelle à cette demande, confirme bien le fait que la conception dominante était la suivante : une personne possédant une parfaite maîtrise de sa discipline, pour peu qu'elle possède quelques dons, fera obligatoirement un bon enseignant, qui saura immanquablement faire réussir ses élèves. Par conséquent, si les élèves ne réussissent pas, cela ne peut être dû qu'à leur manque de travail, qu'à leur paresse. Beaucoup d'enseignants, nous l'avons vu, ressentent un malaise, commencent à se poser des questions, mais, faute de solutions de rechange, continuent pour la plupart à enseigner de la même façon. Cela n'est d'ailleurs pas surprenant, parce que l'institution ne leur propose pas grand-chose pour que cela change. En effet, nous avons déjà dit que, d'une part, la formation initiale dispensée aux enseignants du secondaire était essentiellement constitutée par leurs études universitaires, et que, d'autre part, l'idée même de formation "pédagogique" paraissait incongrue parce qu'inutile. Le peu de succès remporté par les stages du P.G.S., dans les années soixante-dix, semble donc dû au fait qu'ils ne correspondaient pas totalement aux attentes des enseignants, en matière de formation continue. Néanmoins, ces stages existaient préalablement, et lorsque les M.A.F.P.E.N. se créeront, ils constitueront un réservoir de formations "disciplinaires", qui serviront de base aux premiers catalogues de formation des M.A.F.P.E.N.

Notes
31.

Entretien du 19/10/96, avec André de Peretti.