4.4. L'expérience Des Académies Pilotes

Malgré les réticences des uns et des autres et comme il l'a annoncé dans son programme, le ministre Beullac met en place, à la rentrée 1980, une Mission à la Recherche et à la Formation, confiée à Madame Feneuille. Celle-ci va engager des actions pilotes, dans trois, puis cinq académies, dont l'académie de Lyon, où la direction du projet est confiée par le Recteur au Directeur du C.R.D.P. de l'époque. "La priorité, définie alors par le Recteur," dira ce dernier, "c'était la remise à niveau des P.E.G.C. 32" Cependant, il va entreprendre de dresser l'inventaire des ressources de l'académie en matière de formation, ressources qui restaient dispersées dans de multiples lieux.

Pour tenter de coordonner cet ensemble disparate, il se propose d'établir un catalogue de tout ce qui pourra être proposé aux enseignants pour la rentrée 1982. Pour le responsable de cette opération, il s'agit de réaliser un outil permettant d'informer largement les personnels des possibilités existantes. Pour établir ce catalogue de stages, il "prend son bâton de pèlerin", et part à la rencontre de tous ceux qui ont quelque chose à offrir. Ainsi vont être sollicités les Inspecteurs Pédagogiques Régionaux bien entendu, mais aussi les équipes de formation du C.R.D.P., les professeurs des Ecoles Normales, du C.P.R., du centre de formation des P.E.G.C. ; également les différentes Universités. D'autres, comme les mouvements pédagogiques et autres associations, ayant eu vent de l'affaire, ont pris les devants et sont venus proposer leurs services.

Jusqu'à ce moment-là, chacune de ces instances a l'habitude d'oeuvrer de son côté, en matière de formation continue, sans aucun contact avec les autres. Le responsable de l'opération va donc tenter, comme il le dit lui-même, de "faire travailler ensemble tous ces gens qui n'avaient pas l'habitude de s'écouter". Il crée une vingtaine de commissions, pour la plupart disciplinaires. De plus, dans chacune de ces commissions, qu'elle soit disciplinaire ou transversale, siégeaient des représentants des différents syndicats. Le mélange avait tout pour être détonnant. En fait, dira l'un des collaborateurs, "les commissions étaient des groupes de pression, c'est-à-dire qu'on avait grosso modo, trois parties là-dedans. Au bout du compte, les gros conflits étaient auto-bloquants, c'est-à-dire qu'ils étaient obligés de faire quelque chose au bout du compte. Donc il fallait à un moment donné surmonter les conflits pour faire des compromis. Donc il y avait toujours une espèce d'alternance des grands conflits et des compromis. Et alors les trois forces en groupe de pression dans les commissions, ben c'était les groupes syndicaux bien évidemment, les formateurs issus des universités ou des mouvements pédagogiques, et les responsables de l'administration désignés 33 ." Le débat était situé essentiellement entre les corps d'inspection soucieux de défendre leur territoire, et les autres, ceux qui auraient eu le désir d'innover. "On avait souvent dans les commissons des débats très intéressants sur les objectifs à développer," dira le responsable de la Mission d'Action Culturelle du Rectorat, "et puis quand venait le moment très concret de dire quelles formations on fait, chacun sortait de son tiroir la formation toute prête qu'il faisait déjà 34 ." On va donc mettre les choses en place à partir de ce que chacun pouvait offrir.

Pendant l'année scolaire 81-82, se réuniront donc, au C.R.D.P. de Lyon, vingt commissions, dont l'objectif sera de répertorier les ressources formatives, afin de produire le catalogue de stages pour la rentrée scolaire suivante. Sur ces vingt commissions, dix-sept sont des commissions disciplinaires, présidées par l'I.P.R. de la discipline ou son représentant. Outre ces dix-sept commissions disciplinaires, on trouve une commission "Pédagogie générale", le C.E.F.I.S.E.M. et une commission "Action culturelle", dans laquelle la Mission d'Action Culturelle du Rectorat est associée aux mouvements pédagogiques. Sont représentés dans cette dernière commission : la Ligue Française de l'Enseignement, l'O.C.C.E., le C.E.P.I., l'I.C.E.M., le G.F.E.N., l'A.R.O.E.V.E.N. et les C.E.M.E.A. Le catalogue envisagé se prépare pendant l'hiver 82, avec l'objectif d'être opérationnel à la rentrée scolaire 82.

Mais, entre temps, le ministre de l'Education du premier gouvernement de la gauche nouvellement arrivée au pouvoir, Alain Savary, aura mis en place les M.A.F.P.E.N. Cependant, nous le verrons, le catalogue établi pendant cette "expérience pilote" sera mis en oeuvre intégralement par le premier chef de M.A.F.P.E.N., qui prendra ses fonctions en juin 1982.

Notes
32.

Entretien du 27/5/94.

33.

Entretien RG, du 30/6/94.

34.

Entretien RC, du 7/7/94.