1.2. Les Premières Décisions Ministérielles

1.2.1. La Déclaration Du 19 Mars 1982

Le ministre donne donc le 19 mars 1982, c'est-à-dire un mois après avoir reçu le rapport, une conférence de presse au cours de laquelle il présente un résumé de ce qu'il a retenu du rapport De Peretti, pour construire son projet sur la "formation des personnels de l'Education Nationale". Il expose les grandes lignes de ce projet sur la formation, où celle-ci est appréhendée dans toutes ses dimensions ; il traite à la fois de la formation initiale et continue, envisageant les différents aspects de la formation, à tous les niveaux de l'enseignement et pour toutes les catégories de personnels. Cependant, au delà de ces considérations générales et pour des raisons politiques évidentes, le ministre souhaite prendre le plus rapidement possible des mesures concrètes. Il va donc donner la priorité à la formation continue, étalant sur plusieurs années une réforme de plus grande envergure incluant le recrutement et la formation initiale, réforme qui d'ailleurs ne sera entièrement réalisée, on le sait, que beaucoup plus tard, avec la création des I.U.F.M. en 1989.

Dans sa déclaration du 19 mars, le ministre annonce que, comme le recommandait le rapport, il va ‘"donner ’ ‘priorité à la formation continue’ ‘ dont l'importance a été largement sous-estimée dans la période précédente, notamment dans le second degré’". Il précise également ‘que "la formation continue doit, dans tous les domaines, ’ ‘faire appel à la recherche’ ‘ et, notamment à la recherche en éducation."’ Enfin, il annonce ‘que "la formation continue doit se faire ’ ‘pour partie sur le temps de travail’ ‘ - il faudrait tendre vers deux semaines par an éventuellement cumulables - et pour partie hors du temps de service."’ Comme le ministre le dit lui-même dans cette conférence, cette dernière mesure, si elle était réalisée‘, "représenterait une amélioration très importante’". Il est tout-à-fait certain que la décision prise alors de permettre aux enseignants de se former, au moins en partie sur leur temps de travail, a été déterminante pour l'importance, d'un point de vue quantitatif, que celle-ci va prendre ensuite très rapidement. De tout-à-fait marginale qu'elle était auparavant, elle va ainsi devenir, grâce à cette décision, un élément incontournable de la réalité quotidienne de l'enseignement secondaire.

Le ministre souhaite que la formation continue soit en priorité destinée aux "enseignants actuellement en poste qui n'ont pu bénéficier d'une formation académique et professionnelle suffisante." On comprend que, pour le secondaire, il s'agit surtout de donner un complément de formation disciplinaire aux P.E.G.C. et aux auxiliaires. Cet objectif se situe donc tout-à-fait dans la continuité de la période précédente. En revanche, pour la formation initiale, il crée une rupture majeure avec les habitudes installées de longue date, en posant le principe général, qui n'entrera intégralement en application que beaucoup plus tard, d'une "formation de même niveau pour tous les enseignants de la maternelle à la terminale, (...) qui pourrait s'étendre sur cinq ans". Il prévoit une première étape qui, elle, sera réalisée, où la formation des instituteurs et des P.E.G.C. serait portée à quatre ans.

Le ministre reprend l'une des idées du rapport De Peretti, en décidant d'organiser la formation au niveau régional, afin que les stages de formation continue soient proches du lieu d'exercice. Il souhaite faire appel aux différents Centres de formation existants, mais aussi aux Universités, précisant qu'il souhaite "donner progressivement un rôle accru aux Universités dans la formation de tous les enseignants". A ce propos, il constate que, si les Universités sont en mesure de fournir la formation académique d'une grande partie des enseignants, elles ont plus de difficultés à former les enseignants à la pratique de leur métier. C'est pourquoi il souhaite qu'elles développent des enseignements et des recherches qui aboutissent à associer étroitement la formation intellectuelle et la formation professionnelle des enseignants.

Outre l'objectif d'apporter un complément de formation disciplinaire aux personnels qui ne l'ont pas reçue en formation initiale, le ministre manifeste également "la volonté clairement exprimée de permettre un réveil de la pensée pédagogique ." (...) "Ce type de pensée est à tort méprisée dans notre pays," dit-il, "où la pensée abstraite est au contraire révérée. Il faut la réhabiliter, c'est-à-dire, en premier lieu, favoriser le développement de travaux de bonne qualité dans ce secteur." Il souhaite que l'effort porte sur "la mise au point de méthodes différenciées pour des publics eux-mêmes très divers, et qui permettent de développer chez les uns et les autres l'autonomie et la prise en charge de leur propre acquisition du savoir."

Il met en avant l'idée d'une formation continuée tout au long de la carrière, précisant ‘que "la maturité que confère l'exercice d'un métier, la connaissance qu'il donne de ses difficultés, peuvent permettre de mieux mettre à profit, après quelques années professionnelles, une ou plusieurs nouvelles années de formation."’ De plus, pour permettre une véritable mise en oeuvre de ces idées, il indique que le financement d'un certain nombre d'actions est d'ores et déjà prévu : ‘"Certaines mesures concrètes de formation continue seront mises en oeuvre dès la rentrée scolaire 1982-83, des moyens financiers étant prévus à cet effet"’. Il précise les principes qui devront guider ces actions :

  • "Préparer le rapprochement des formations entre les personnels des divers degrés" ;

  • "Instaurer une coopération des universités et des divers centres de formation existants en vue de mettre en place progressivement un réseau spécifique, souple et décentralisé."

  • "Etre menées en concertation avec tous ceux qui sont concernés ;

  • "Porter sur :
    • les méthodes d'analyse des besoins en formation ;

    • les didactiques des disciplines :

    • le travail autonome ;

    • la pédagogie différenciée, et la prise en compte des problèmes résultant de l'hétérogénéité ;

    • les formes nouvelles d'évaluation ;

    • les mesures favorisant la liaison entre les différents niveaux et les diverses disciplines :

    • le développement de l'informatique pédagogique, et plus généralement des technologies nouvelles."

Il annonce également deux types de regroupement des formateurs chargés d'assurer les actions annoncées. En premier lieu, des ‘"’ ‘modules de formation’ ‘ seront expérimentés, avec l'aide de l'I.N.R.P., dans des séminaires regroupant des formateurs régionaux, afin de préparer leur diffusion optimale’". En deuxième lieu, dès l'été 82, seront organisés des universités d'été et des séminaires d'études, par les universités, les mouvements pédagogiques, les associations de spécialistes, etc...