1.2.2. La Lettre Aux Recteurs Du 15 Avril 1982

La déclaration du 19 mars donne donc les grands traits de la politique que le ministre entend suivre en matière de formation des enseignants. Pour préciser davantage les modalités de mise en application de ces principes, il adresse aux Recteurs, le 15 avril 1982, une lettre dans laquelle il écrit qu'il a retenu, des propositions faites par la commission présidée par André de Peretti, un certain nombre d'orientations générales. Il annonce surtout qu'il met en place immédiatement une structure légère : les Missions Académiques à la Formation des Personnels, qui seront bientôt connues sous le nom de MAFPEN. Il demande aussitôt aux Recteurs de lui proposer des universitaires de leur académie auxquels il pourra confier la fonction de Chefs de Mission. Il souligne que la tâche de ces derniers sera difficile ; elle consistera pour eux à trouver une cohérence à la politique de formation au niveau académique, tout en tenant compte des besoins et des potentialités de leurs interlocuteurs dont la diversité sera très grande. Le ministre avait bien perçu, avant même la mise en place des Missions et probablement grâce à l'expérience des académies pilotes, qu'il allait être difficile de trouver cette cohérence.

Dans cette lettre, il demande également aux Recteurs de "‘procéder à l'inventaire des personnels qui pourraient suivre avec profit des séminaires de formation prévus à la fin de cette année scolaire au niveau national’." Il reprend les thèmes de ces séminaires, déjà énumérés dans sa conférence de presse, et qui sont détaillés dans le rapport De Peretti (p.110 à 119), à savoir :

  • l'emploi du temps scolaire ;

  • l'utilisation des ressources documentaires ;

  • les méthodes d'analyse des besoins ;

  • les formes nouvelles d'évaluation ;

  • l'élaboration des programmes de formation.

Notons dès maintenant que le ministre ne crée pas les différents Instituts que préconisait le rapport De Peretti, qui ‘"tente de faire la synthèse entre les positions des défenseurs des Ecoles normales et celles des tenants de Centres universitaires nouveaux."’ (Obin, 1995, p.102). En revanche, il choisit la formule des Missions, en les chargeant de prévoir la mise en place ultérieure de ces Instituts. Les Missions sont donc créées officiellement par l'arrêté ministériel du 11 juin 1982. En choisissant cette structure "légère" et provisoire, ou plutôt cette absence de structure, le ministre montre clairement son désir d'aller vite. La création des Instituts reste parmi ses projets futurs, mais elle n'est que différée. En effet, elle est alors ‘"jugée trop lourde, trop difficile à mettre en oeuvre et donnant une importance trop grande à la pédagogie".’ (Obin, 1995, p.102). Au contraire, la mise en place de Missions va permettre de commencer immédiatement à fonctionner, puisque les personnels auxquels les Missions vont faire appel, seront détachés de leur poste d'origine de manière provisoire. On ne crée pas, pour ces personnels, de statut spécifique : ils restent professeurs du secondaire ou du supérieur, instituteurs, inspecteurs, etc... Il n'est donc pas nécessaire de passer par les procédures habituelles de nomination des personnels, qui auraient pris beaucoup plus de temps. C'est pour cette raison que le choix de la structure souple des Missions a permis une mise en place en quelques semaines, ce qui, dans la machine Education nationale, est un délai extrêmement court.

Remarquons également que, comme le préconisait le rapport de la commission De Peretti, la structure créée est académique. Il s'agit donc d'une tentative de "déconcentration" de la structure Education nationale. On souhaitait par là rendre le fonctionnement plus léger et réduire au minimum les difficultés matérielles au moment de la mise en place, mais aussi donner davantage d'autonomie aux responsables, afin qu'ils puissent utiliser plus facilement les ressources locales et s'adapter aux besoins spécifiques. Il en est évidemment résulté que les M.A.F.P.E.N. se sont mises en place de manière différente selon les académies. L'autonomie ainsi laissée au Chef de Mission était grande, puisqu'il était placé "hors hiérarchie", c'est-à-dire en dehors de l'autorité du Recteur, dont il ne dépendait que pour l'aspect financier. Pour le reste, c'est-à-dire pour l'aspect "pédagogique", il avait "carte blanche", en quelque sorte.