1.2.3. La Circulaire Du 24 Mai 1982

Mais revenons aux textes officiels qui ont présidé à la naissance des M.A.F.P.E.N. Les modalités de leur fonctionnement sont prévues par une circulaire de dix-sept pages qui reprend, mais de manière plus détaillée, les grandes lignes de la déclaration du 19 mars. Elle affirme le rôle de structure de liaison qui est affecté aux Missions, celles-ci devant agir en concertation avec les organisations syndicales, les associations de spécialistes, les mouvements pédagogiques et les organisations professionnelles, pour élaborer les programmes de formation. Nous retrouvons donc exactement la problématique qui s'est posée au directeur du C.R.D.P. de Lyon, lorsqu'il a eu à mettre en place l'expérience pilote dont nous avons parlé précédemment, c'est-à-dire gérer les conflits et tenter de trouver une cohérence à cet ensemble disparate. Le ministre estime cette cohérence indispensable et souhaite situer les actions de formation dans deux directions, d'une part celle de la nécessaire rénovation du système éducatif et, d'autre part, celle de la réponse à donner à la demande de formation des personnels.

L'annexe II de la circulaire précise les modalités spécifiques de la formation continue pour les écoles, les collèges et les lycées, indiquant qu'elle doit "permettre de rompre l'isolement des maîtres". Comme nous avons choisi, nous l'avons dit, de centrer notre étude sur les collèges, nous la limiterons aux propositions les concernant. Dans le paragraphe de la circulaire qui en traite spécifiquement, il est envisagé deux types de stages. Tout d'abord, sont préconisés des stages en continu, pour lesquels des remplacements sont prévus : stages en entreprise ; stages d'initiation à la problématique de l'enseignement aux enfants de travailleurs immigrés ; stages pour les professeurs d'option technologique industrielle ; stages pour les professeurs d'arts plastiques et de langues vivantes ; stages de formation aux techniques documentaires ; stages pour les conseillers d'éducation et les équipe de direction. D'autre part, le ministre préconise également des stages constitués d'une succession de séances disjointes, permettant de profiter des réflexions apportées par le contact avec la classe.

Notons que la circulaire prévoit que ‘"les enseignants participant à ces actions bénéficieront d'une décharge de service correspondant au temps consacré à leur formation continue, soit une heure-année pour la participation à un cycle de 36 heures par an’". Le but de cette mesure était double : d'une part, elle devait permettre d'éviter les absences des professeurs toujours préjudiciables aux élèves, et, d'autre part, ‘"ce système aurait l'avantage de favoriser la prise de responsabilité de leur formation continue par des équipes de collèges et serait d'un intérêt évident pour la constitution de projets pédagogiques d'établissement."’ Or il ne semble pas que cette disposition ait été généralisée, comme le prévoyait la circulaire. Assez rapidement, les enseignants ont été nombreux à participer aux stages du deuxième type, pour lesquels le remplacement n'était pas prévu. Cette situation a entraîné de nombreuses absences non remplacées, ce qui n'a pas manqué de provoquer des réactions chez les parents d'élèves.

Les propositions d'actions en direction des enseignants de collège sont détaillées dans l'annexe II de la circulaire. Elles sont situées selon sept axes, dans lesquels des actions précises sont préconisées.

Le premier axe est celui de ‘la ’ ‘"formation et perfectionnement des personnels qui n'ont pas bénéficié d'une formation initiale suffisante, et des auxiliaires en voie de titularisation." ’On constate que la première place est donnée au "recyclage" des enseignants, dont il est précisé qu'il devra relier théorie et pratique.

Le deuxième axe concerne‘ "l'adaptation de tous les personnels à l'évolution des objectifs, des structures et des contenus pédagogiques."’ Il est précisé qu'il s'agit de stages spécifiquement destinés aux professeurs d'arts plastiques, de langues vivantes et d'E.M.T.

Quant au troisième axe, il cherche à ‘favoriser’ ‘ "le développement d'attitudes et de méthodes permettant aux personnels de prendre en compte la diversité des publics scolaires, de favoriser l'orientation des élèves et leur insertion sociale et professionnelle."’ Ce troisième domaine évoque une volonté de donner des outils de différenciation pédagogique, adaptés aux différents publics des collèges ; il semble donc assez novateur par rapport à ce qui se faisait auparavant à l'intérieur de l'institution.

Le quatrième axe se situe nettement dans une perspective de changement, puisqu'il ‘vise’ ‘ "la transformation de la vie scolaire et de la fonction éducative des collèges."’ Il est précisé que des actions de formation devront porter sur la "pédagogie de l'autonomie" ; d'autres devront favoriser la "réflexion et la concertation pédagogique disciplinaire et interdisciplinaire", domaine que l'institution ne favorisait pas vraiment dans la période antérieure. D'autres encore porteront sur les "techniques documentaires" et aussi sur la "politique de l'établissement" en vue, est-il précisé, de la "mise en oeuvre d'un projet d'établissement." L'incitation à élaborer de tels projets existe donc déjà en 1981, et les M.A.F.P.E.N. reçoivent, dès leur création, la mission d'aider à cette élaboration. Enfin, d'autres actions devront préparer à l'"animation de la vie scolaire."

Les trois derniers axes reprennent en compte des actions existantes, comme tout ce qui concerne l'"action culturelle". Il est également prévu que puissent être organisées ‘des "actions à l'initiative totalement académique"’, et enfin ‘des "formation des personnels des services d'information et d'orientation."’

L'énumération de ces différents axes montre que le ministre ne réduit pas la formation destinée aux personnels des collèges à une formation disciplinaire, ni même pédagogique de l'enseignant, mais qu'il l'élargit considérablement, puisqu'il prend en compte tous les aspects de la vie scolaire, depuis le travail en équipe pédagogique, jusqu'à l'élaboration d'un projet d'établissement. Les grands axes de la politique du ministre Savary en matière de formation continue, sont là clairement définis, et ils sont d'ailleurs tout-à-fait dans l'esprit du rapport de la commission De Peretti. La création des M.A.F.P.E.N. constitue donc un des éléments essentiels de la politique du ministre, en matière de formation des enseignants. Il était inévitable qu'un projet d'une telle envergure provoque des réactions ; voyons de plus près lesquelles.