1.2.4. L'accueil Fait À Ces Nouvelles Dispositions

Examinons tout d'abord ce qu'en dit la presse syndicale. En ce qui concerne l'U.S., la revue nationale du S.N.E.S., elle s'était montrée assez méfiante vis-à-vis du rapport De Peretti, et avait émis un certain nombre de réserves, après la conférence de presse du 19 mars, et avant même que les textes officiels soient parus. Mais c'est essentiellement sur les points concernant la formation initiale que portaient ces réserves. En fait, le S.N.E.S. semble reprocher essentiellement au ministre de ne pas l'avoir consulté, avant d'écrire sa lettre aux Recteurs du 15 avril, annonçant la création des Missions ; on se souvient pourtant que le S.N.E.S., comme les autres organisations, avait participé aux travaux de la commission du rapport. Dans les articles de cette période, les points jugés positifs sont évoqués rapidement, mais en revanche, une grande méfiance se manifeste ; ‘"la déception risque d'être grande"’, lit-on dans le n°26, du 13 mai 1982 (p.14). Ce n'est qu'après la parution de la circulaire du 24 mai, dans laquelle il a pu constater que ‘"la question des moyens est prise en compte",’ que le S.N.E.S. consent à reconnaître que ‘"bon nombre d'aspects positifs tranchent heureusement avec ce que les personnels refusaient à juste titre dans les politiques passées."’ (U.S., n°30, 24/06/82, p.21), pour finalement juger que ‘"un esprit nouveau semble présider à la conception de la formation continue."’ (U.S., n°34, 24/09/82, p.10). Cependant, il ne croit guère à la possibilité que, par exemple, cette formation continue puisse se faire sur le temps de travail. Le syndicat se contentera néanmoins de demander aux enseignants de rester vigilants, en attente en quelque sorte.

Quant au S.G.E.N.-C.F.D.T., dès la conférence de presse du ministre, il manifeste sur l'essentiel un accord large et presque enthousiaste, en particulier sur l'organisation en réseau. Il fait malgré tout quelques remarques, conformes à ses revendications essentielles. L'une de ces remarques concerne le fait que ‘"la formation n'est jamais qu'individualisée ; on en reste à la vision "un maître pour une classe", et au collectif des maîtres comme juxtaposition d'individus ; on n'y lit aucun souci d'impulser et d'aider une formation collective pour le travail en équipes pédagogiques et éducatives."’ (S.U., n°821, 29/03/82, p.8). Une autre divergence est soulignée par le S.G.E.N.-C.F.D.T. Opposé depuis toujours à ce que la formation soit confiée aux corps d'inspection, il ne pouvait que déplorer la présence de ces corps d'inspection dans les Missions nouvellement créées. (S.U., n°824, du 18/05/82, p.16). Mais la parution de la circulaire du 23 mai rassurera le S.G.E.N.-C.F.D.T. sur ces deux points. Il appréciera alors particulièrement ‘"le refus d'une formation parcellisée, la responsabilité des personnels en formation dans l'élaboration des modalités et des contenus, le mixage des personnels dans des actions de formation, l'enrichissement des tâches et la pratique du travail en équipes intercatégorielles." ’(S.U., n°826, du 15/06/82, p.16). Le S.G.E.N.-C.F.D.T. approuve particulièrement les dispositions nouvelles qui vont dans le sens de ses revendications habituelles. A travers les articles de cette époque, ces revendications apparaissent moins centrées sur l'aspect "matériel", mais surtout davantage "qualitatives", que celles du S.N.E.S.

Les militants syndicaux vont d'ailleurs s'engager massivement dans les Missions naissantes. ‘"Il est certain que parmi les gens qui se sont beaucoup engagés dans la M.A.F.P.E.N. au début, il y avait beaucoup de gens du S.G.E.N." dit une militante de Lyon. "Effectivement, je dirais que l'évolution du système éducatif, cela correspondait au projet du S.G.E.N. Pour beaucoup de gens, et même certains y sont encore, c'était une forme de... comment dire ? pas d'engagement..., mais enfin, leurs idées syndicales les amenaient à s'engager dans la M.A.F.P.E.N., pour faire avancer leurs idées’ 36 ." Les militants des autre syndicats se sont également engagés en nombre dans les M.A.F.P.E.N. naissantes, montrant que le milieu de la profession était conscient de l'enjeu que les conditions de leur mise en place représentaient. ‘"Nous avons été nombreux à devenir militants pédagogiques, alors que nous avions un engagement syndical ou politique avant. Les militants syndicalistes ont ainsi envahi le champ de la formation. Il y avait déjà une réflexion dans les syndicats bien entendu, et il y avait un champ libre. Cela me paraît assez important’ 37 ," dit une militante de Grenoble.

Mais, en dehors du cercle de l'Education nationale, quelles ont été les réactions dans le grand public à la création des M.A.F.P.E.N. ? Bien peu d'enthousiasme, à vrai dire. Le premier chef de la M.A.F.P.E.N. d'Amiens note que ‘"la presse spécialisée lui accorde un écho assez limité ; sans doute, la tâche paraissait-elle trop énorme et les chances de réussite réduites, tant étaient importants les compléments de formation à mettre en oeuvre, les demandes en formation et le cloisonnement des institutions et des catégories." ’ (Regrain, 1984, p.3). On doute donc que les intentions affirmées par le ministre puissent se concrétiser réellement, face aux difficultés qui se profilent. On n'y croit pas vraiment. Par exemple, le Monde de l'Education de Juillet 82 note seulement que ‘"la formation des personnels doit être décentralisée, pour tenir compte des besoins ressentis à la base, et pour rapprocher les différentes catégories d'enseignants et de non-enseignants." ’Un aspect essentiel des dispositions prises est approuvé, mais manifestement, l'opinion publique, craignant probablement les "effets d'annonce", attend de pouvoir juger aux actes. L'enthousiasme n'y est guère, ni la réprobation d'ailleurs, seulement une certaine indifférence. Même les précisions données par le ministre sur le financement de l'opération, ne semblent pas avoir suscité de réactions.

C'est seulement l'année suivante, quand paraîtra le rapport de Louis Legrand 1983), sur les collèges, que des réactions souvent violentes se manifesteront, et là non seulement dans la presse spécialisée, mais aussi dans le grand public. Ces attaques ne viendront d'ailleurs pas seulement du corps enseignant, mais également de l'ensemble de la société "civile". L'étude du rapport Legrand, et plus généralement de l'opération connue sous le nom de Rénovation des collèges, ne fait pas l'objet essentiel de ce travail. Cependant, dans sa circulaire du 19 avril 1983 qui lancera cette opération, le ministre précise que, bien que l'action de rénovation ne soit proposée qu'à un nombre limité de collèges, ‘"les objectifs de formation qui sont précisés ont naturellement une portée plus générale et devraient inspirer l'ensemble des actions de formation prévue au niveau du premier cycle."’ Les M.A.F.P.E.N. étaient donc impliquées très directement dans cette opération de Rénovation des collèges, que nous étudierons plus loin. Pour l'instant, nous nous intéresserons à la manière dont les M.A.F.P.E.N. se sont effectivement mises en place dans les académies.

Notes
36.

Entretien CK, du 23/10/97.

37.

Entretien MC, du 11/07/96.