Chapitre 2. La Mise En Place Effective Dans Les Académies

2.1. L'organisation Des Missions De Lyon Et De Grenoble

2.1.1. La Constitution Des Missions

Dans sa lettre aux Recteurs du 15 avril, le Ministre demandait à ceux-ci de lui proposer des candidats à la fonction de Chefs de Mission. Un arrêté va suivre de près la circulaire du 24 mai. Le 11 juin 1982, dix-sept académies sont pourvues d'un Chef de Mission, dont celles de Lyon et de Grenoble. Les dix autres nominations les suivront de peu (Arrêtés des 11/06/82, 16/06/82, 01/07/82 et 29/07/82). Ces nominations constituent une "première", dans l'institution Education nationale, puisque les Chefs de Mission sont placés hors hiérarchie, ce qui signifie, et cette situation est totalement inédite dans l'Education nationale, que les Chefs de M.A.F.P.E.N. ne sont pas placés sous l'autorité du Recteur de leur académie, même s'ils dépendent de lui pour l'aspect financier. Les Chefs de Mission alors nommés sont tous, sans exception, des universitaires ; de plus, un certain nombre d'entre eux, huit sur vingt-sept, ont été directeur de l'I.R.E.M. de leur académie.

La mission que le ministre Savary leur confie est à la fois précise et vague. Précise dans ses intentions, puisque les textes donnent des orientations claires ; mais elle reste vague sur les moyens à employer pour leur donner corps, puisque le ministre donne "carte blanche" aux Chefs de Mission. On peut interpréter cela soit comme une chance, si on considére que la liberté permet d'innover, soit comme un inconvénient, si on regrette un certaine absence de cadrage. Toujours est-il que ce choix ministériel permettra à chaque chef de mission de procéder selon sa sensibilité propre. A cause de la liberté quasi-totale dont il jouissait, le Chef de Mission, par ses conceptions personnelles, mais aussi à travers les collaborateurs qu'il choisira, a nécessairement eu une influence déterminante sur la manière dont les choses se sont mises en place et ont évolué par la suite, et également sur les différences que l'on a pu observer selon les académies.

Cependant un élément a contribué à gommer un peu ces différences entre académies. En effet, pour coordonner le travail des Missions académiques, le ministère fera piloter l'opération par une de ses Directions : la M.I.T.I.F. (Mission aux Technologies de la Formation). Cependant, ce n'est qu'un an plus tard, lors de sa transformation en M.I.F.E.R.P. (Mission à la Formation et à la Recherche Pédagogique), que cette Mission nationale prendra son régime de croisière ; son action se poursuivra jusqu'à sa suppression, en 1986. ‘"Cette structure nationale de coordination a largement contribué à l'acquisition par les Chefs de M.A.F.P.E.N., d'une "culture commune", garante d'une cohérence nationale"’, peut-on lire le bilan fait en 1990, par la Conférence des Chefs de M.A.F.P.E.N. (p.17). Cette Conférence, réunie sur le modèle de la Conférence des Directeurs d'I.R.E.M., assurera la cohérence du dispositif. Les réunions fréquentes de cette Conférence permettront de limiter, sans doute davantage qu'on ne le croit généralement, les différences entre les académies. Nous avons choisi de centrer notre étude sur l'académie de Lyon, avec quelques incursions dans celle de Grenoble, nous ne pourrons donc pas procéder à une comparaison précise des modalités de mise en place selon les académies.

Outre l'autonomie laissée au chef de Mission, un autre élément a joué un rôle important dans les conditions de cette mise en place, c'est la manière dont les Recteurs vont accueillir les Chefs de Mission nouvellement nommés, et vont leur faciliter la tâche‘. "Certains chefs de Mission", ’ ‘se souvient l'un d'eux, ’ ‘"n'avaient même pas un bureau à eux, ni même quelquefois une chaise’ 38 ..." La conjoncture locale va donc jouer un rôle déterminant, dans la mise en place des Missions. Par exemple, à Grenoble, la Mission s'installe au Rectorat, et la collaboration avec le Recteur de l'époque se fait de manière étroite. A Lyon, existait l'expérience pilote, dont nous avons parlé. Comme elle était pilotée par le directeur du C.R.D.P., c'est tout naturellement dans des locaux du C.R.D.P. que la Mission s'installe ; elle conservera d'ailleurs par la suite des liens privilégiés avec celui-ci.

La circulaire prévoyait qu'une Mission soit constituée de huit à seize personnes, ce qui est rapidement réalisé. A Lyon, on reprend en grande partie l'acquis de l'expérience pilote. A Grenoble, ‘"en six semaines, le chef de Mission était nommé, la Mission constituée. Deux réunions de la nouvelle Mission ont immédiatement lieu."’ (Boutet, 1988, p.8). Comme le Recteur et le Chef de Missions souhaitaient une étroite collaboration avec les établissements, on commencera par organiser,‘ "dès juillet 82, (...) un stage avec les Chefs d'établissement de l'académie ; il est orienté sur la formation et la vie des établissements." ’ (ibid.) Comme cela était souhaité par le ministre, les équipes seront donc immédiatement opérationnelles et pourront, dans la plupart des académies, proposer des formations dès l'année scolaire 82-83.

Notes
38.

Entretien du 23/03/96, avec le premier chef de mission de Grenoble.