2.2. Les Premiers Formateurs

2.2.1. Diplôme Ou Expérience ?

Comme nous venons de le voir, la politique menée pour le recrutement des formateurs de 1982 consistait à utiliser les "ressources existantes". Les M.A.F.P.E.N. ont recruté des personnes qui faisaient auparavant de la formation d'enseignants. Les premiers formateurs, ceux qui ont assuré les formations figurant dans le P.A.F. de 82-83, venaient donc des différents lieux de formation existant auparavant, lieux que nous avons étudiés dans la première partie de ce travail. Pour constituer leur catalogue de stages, les Chefs de M.A.F.P.E.N., comme cela avait été fait pour l'expérience pilote de Lyon, ont donc fait appel à des universitaires, à des directeurs d'études du centre de formation P.E.G.C., aux enseignants rattachés aux C.R.D.P., aux I.P.R. qui déléguaient le plus souvent des professeurs choisis par eux, aux militants des mouvements pédagogiques, des associations de spécialistes, etc... Ces formateurs étaient donc des enseignants, venant de différents horizons.

Comment sont-ils devenus formateurs M.A.F.P.E.N. ? Les universitaires avaient une qualification reconnue dans un domaine particulier ; d'autres, comme les formateurs des centres de formation existants, avaient une expérience en matière de formation d'enseignants. D'autres enfin, étaient venus par le biais d'une association extérieure à l'Education nationale. Ils avaient donc des provenances diverses, des itinéraires variés. Mais il n'existait, dans l'Education nationale, aucun titre spécifique permettant d'intervenir en formation continue d'enseignants, comme il en existe pour la plupart des autres fonctions. On est donc en présence d'un mode de recrutement des personnels en rupture complète avec les pratiques traditionnelles de l'Education nationale, dans le sens qu'aucun titre spécifique, et même aucun niveau de diplôme, n'est requis pour devenir formateur M.A.F.P.E.N. Le critère implicite de recrutement était donc soit un haut niveau universitaire, soit l'expérience acquise en formation d'adultes ou d'enseignants. Il est d'ailleurs erroné de parler de "recrutement", puisque les formateurs n'avaient pas de statut. Ils continuaient à appartenir à leur institution d'origine, dont ils étaient détachés temporairement pour animer des actions de formation, dans le cadre de la M.A.F.P.E.N.

On peut interpréter cette absence de titre spécifique, et même de diplôme requis de manière uniforme, de plusieurs façons. D'un certain point de vue, on peut penser que cela révèle une volonté de valoriser l'expérience acquise et qui n'a pas été sanctionnée par un diplôme, ce mode de recrutement par cooptation étant le seul à permettre à l'expérience des uns et des autres de pouvoir être prise en compte. Mais d'un autre côté, cette situation peut aussi montrer que la formation continue n'était pas considérée comme essentielle, comme pouvait l'être la formation initiale, mais était seulement octroyée comme un supplément, comme "la cerise sur le gâteau", en réponse à des revendications. Cette absence de titre requis peut également montrer que la formation d'enseignants n'était pas considérée comme un métier à part entière, distinct de l'enseignement lui-même.

On sait également que les formateurs n'avaient pas de statut particulier, mais conservaient leur statut d'enseignants, d'universitaires, etc... Devenir formateur pour la M.A.F.P.E.N. n'offrait donc pas d'avantage particulier. Alors pourquoi y a-t-il eu un tel enthousiasme pour répondre aux sollicitations de la M.A.F.P.E.N. ? Un certain nombre d'hypothèses peuvent être faites a posteriori sur leurs motivations, conscientes ou inconscientes d'ailleurs. Une thèse récente montre par exemple que ‘"cet investissement, volontaire ou consenti, dans des activités de formation, correspondait à la recherche d'un gain narcissique qui viendrait en réparation d'une blessure narcissique reçue dans un espace temps antérieur."’ (Langlois, 1998, p.43). On peut aussi penser que certains avaient immédiatement compris que leur investissement dans cette structure allait leur permettre de préparer une évolution dans leur carrière d'enseignant.

Quelles qu'aient été leurs motivations, il reste que les formateurs recrutés venaient de multiples lieux, dans lesquels ils avaient eu auparavant des pratiques de formation diverses. Ils constituent donc un ensemble très disparate. Néanmoins, la plus grande partie des premiers formateurs ont proposé des formations "disciplinaires". Etudions de plus près ce que recouvre ce qualificatif.