2.2.3. Les Formations "transversales"

A côté de ces formations proposées par des formateurs que nous avons appelés "disciplinaires", figurent également au P.A.F. de 82-83, des formations plus "transversales". En effet, en application des directives ministérielles, certains Chefs de M.A.F.P.E.N., comme ceux de Lyon et à Grenoble, ont également recruté, mais en nombre beaucoup moins important, des formateurs qui ne se caractérisaient pas essentiellement par leur discipline bien qu'étant, comme les autres enseignants du secondaire, issus d'une discipline particulière. Pour ces formateurs-là, la formation des enseignants devait bien entendu assurer l'acquisition des connaissances disciplinaires, mais elle devait également aborder des aspects que nous appellerons donc "transversaux", dans le sens de "traversant les disciplines", et non dans le sens de "en marge des disciplines" ou "s'opposant aux disciplines".

Parmi les lieux qui offraient de la formation continue aux enseignants avant 82, la prise en compte de cette dimension transversale se faisait essentiellement au sein d'associations comme, nous l'avons vu, les associations de spécialistes ou les mouvements pédagogiques, plus ou moins liés, nous l'avons vu, avec des associations de psychosociologues. Le rapport De Peretti, puis la circulaire du 24/05/82, fondatrice des M.A.F.P.E.N., préconisaient de faire appel à eux (p.20), et c'est pourquoi ils avaient été contactés par les Chefs de M.A.F.P.E.N.. Le premier chef de Mission de Grenoble déclare que "on savait que des choses étaient en place et donnaient satisfaction aux gens qui les suivaient 52 ." Mais cela n'a pas été le cas partout. En effet, une responsable de l'A.R.O.E.V.E.N. de Grenoble, raconte : "On a fait des propositions de stages et à mon grand étonnement, elles ont été acceptées. Mais dans les autres académies, cela a été beaucoup moins facile ; nous nous en rendions compte lors des réunions nationale de la F.O.E.V.E.N. 53 ." A Lyon, c'est le responsable de la Mission d'Action Culturelle du Rectorat, qui tentera de faciliter, mais avec beaucoup de difficultés selon lui54, l'introduction des mouvements pédagogiques dans la M.A.F.P.E.N.

L'examen des intitulés des stages proposés dans le P.A.F. 1982-83 de Lyon, montre donc l'existence de stages proposés par ces mouvements pédagogiques. Ils figurent parmi les actions proposées par la Mission d'Action Culturelle. On trouve un stage55 proposant une "analyse institutionnelle" ; on en trouve un autre56 qui avait comme objectif une "initiation à la pédagogie de projet et à la démarche coopérative dans la pratique quotidienne". Un autre stage57 encore proposait de "caractériser le mode de fonctionnement de l'équipe éducative et de rechercher les moyens pédagogiques et institutionnels permettant d'en assimiler le fonctionnement". Un autre stage58 annonçait comme objectif : "Approfondir une pédagogie du projet, dans la perspective d'une autonomie éducative. Analyse de besoins." Un autre stage59 encore se proposait de "faire des projets d'actions éducatives un outil de lutte contre l'échec scolaire". Citons encore un stage60 qui proposait de "sensibiliser les stagiaires à la démarche de projet d'activités, en tant que pratique d'éducation nouvelle". On voit que le contenu annoncé contient un ou plusieurs thèmes qui seront mis en avant, l'année suivante, lors de l'opération Rénovation des collèges. Mais il n'est question que de cinq ou six stages sur les 216 proposés au P.A.F. de 82-83 ; c'est donc très marginal pour cette année-là. On aurait d'ailleurs pu s'attendre, mais nous avons vu que ce n'était pas le cas, à ce que ces stages figurent plutôt parmi ceux proposés par la commission "Pédagogie générale", dont nous allons parler maintenant.

Nous avons vu qu'avant la création de la M.A.F.P.E.N., le C.R.D.P. de Lyon proposait des formations en pédagogie générale depuis quelques années déjà. Cette formation a donc continué à se dérouler lorsque l'expérience pilote a été mise en place, puis a été reprise dans le cadre de la M.A.F.P.E.N., lorsque celle-ci a été créée. Les stages étaient animés par une équipe de formateurs, appelés "professeurs-animateurs" du C.R.D.P. Les contenus annoncés par les intitulés de stages étaient : "Pédagogie par objectifs et évaluation" ; "Animation de la classe" ; "Travail de groupe" ; "Entretien avec l'élève" ; "La relation pédagogique". Les stages figurant au P.A.F. 82-83, proposaient deux niveaux d'approfondissement, un troisième niveau sera proposé l'année suivante. Nous étudierons de manière plus détaillée cette formation, puisqu'elle a pris de l'importance au sein de la M.A.F.P.E.N. de Lyon, et a constitué dans les premières années de son fonctionnement, un dispositif à part entière.

Voilà donc résumées les différences qui apparaissent à la lecture des intitulés des stages qui figurent dans le P.A.F. de Lyon, de 82-83. Remarquons que, si la plupart de ces formateurs n'ont pas eu besoin de gagner leur légitimité, puisqu'ils la tenaient de la reconnaissance de leur compétence en tant qu'universitaire, inspecteur ou enseignant particulièrement apprécié, il n'en a pas été de même pour ceux qui avaient acquis une compétence à l'extérieur, comme les militants des associations dont nous avons parlé plus haut. Ceux-ci ont souvent été regardés avec curiosité, en particulier par les Recteurs. Une responsable A.R.O.E.V.E.N. à Grenoble qui, à ce titre, a fait partie des formateurs M.A.F.P.E.N. de la première année, témoigne ‘: "On a été contactés, parce qu'on avait fait des sessions de formation pour les enseignants sur les P.A.C.T. (ce qui a existé avant les P.A.E.). On avait commencé ces formations depuis plusieurs années. (...) Dans les premiers stages M.A.F.P.E.N. que j'ai animés, j'avais droit à la présence dans le stage d'une secrétaire de ce Bureau des Stages ’ ‘[du Rectorat],’ ‘ qui venait vérifier ce que je faisais. Un peu comme on va voir une troupe de théâtre qui propose un spectacle pour une école, on va voir si le spectacle est bon ! C'était vraiment un contrôle, parce qu'ils n'avaient pas compris du tout en quoi consistaient les formations que nous faisions’ 61 ." Ces stages n'avaient pas de contenu disciplinaire précis, alors on se demandait ce qu'on pouvait bien y faire. Aucun des formateurs "disciplinaires" que nous avons rencontrés n'a déclaré avoir eu droit à la présence dans ses stages, d'une secrétaire du Rectorat, venant voir quelle "‘soupe il servait à ses stagiaires’ 62," comme cela a été le cas pour les formateurs A.R.O.E.V.E.N. par exemple.

Notes
52.

Entretien du 23/03/96.

53.

ibid.

54.

Entretien du RC, 07/07/94.

55.

stage n° IX AEC 19, proposé par le CEPI, p.177 du PAF 82-83.

56.

stage n° IX AEC 22, proposé par l'OCCE, p.180 du PAF 82-83.

57.

stage n° IX AEC 24, proposé par l'OCCE, p.182 du PAF 82-83.

58.

stage n° IX AEC 26, proposé par l'AROEVEN, p.185 du PAF 82-83.

59.

stage n° IX AEC 29, proposé par le GFEN et la MAC, p.188 du PAF 82-83.

60.

stage n° IX AEC 30, proposé par les CEMEA et la MAC, p.190 du PAF 82-83.

61.

Entretien du 23/03/96.

62.

ibid.