4.2.2.7. Prendre De La Distance

Enfin Perrenoud constate que sa formation initiale incite l'enseignant à porter un ‘"regard essentiellement ’ ‘normatif’ ‘ sur la réalité,"’ (p.85), ce qui ne le prépare pas à affronter la différence. Mais, ‘"la réalité des enfants, des parents, des collègues n'est pas conforme à la norme,"’ (p.86), et la découverte de cette réalité a souvent pour conséquence de faire tomber l'enseignant dans le fatalisme ou la désillusion. C'est pourquoi la formation devrait préparer les enseignants à cette réalité, leur permettant ainsi d'aborder autrement les conflits et les échecs auxquels ils seront inévitablement confrontés.

Par exemple, Perrenoud se demande ‘"Comment rendre crédible certaines pratiques pédagogiques conseillées aux maîtres en formation, si la façon dont on les traite et les instruit, nie complètement le discours qu'on leur tient ?"’ (p.88). Le rapport De Peretti faisait mention de la nécessité de l'isomorphisme entre les objectifs de la formation et les méthodes utilisées. ‘"Pour former aux méthodes actives, il faut les pratiquer. Pour former à l'évaluation formative, il faut la mettre en oeuvre. Pour inciter à l'analyse institutionnelle, il faut l'autoriser dans l'institution même de formation. Et ainsi de suite’", énumère Perrenoud (p.88). Parmi les contenus à donner aux programmes de formation, le rapport De Peretti propose des activités de recherche-action, qui ont une importance indéniable dans cette prise de distance souhaitée par Perrenoud. Cette proposition sera reprise par la circulaire du 24 mai 1982. Mais, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, si les intentions y étaient, chez les concepteurs, les moyens de les mettre en oeuvre étaient laissés à l'initiative des responsables locaux, à travers la mise en place des dispositifs de formation. Cela était particulièrement vrai pour ce qui concerne la prise de distance par rapport aux pratiques, dont nous venons de parler.

Rappelons que notre projet initial était de montrer que "la mise en place des M.A.F.P.E.N. avait contribué à faire évoluer le métier des enseignants du second degré vers une nouvelle professionnalité". Dans cette deuxième partie, nous avons étudié les différentes décisions prises en matière de formation continue, et nous avons analysé les choix que ces décisions révèlent. Nous avons ainsi montré la volonté des décideurs de mettre en place une formation continue, alors qu'elle était auparavant presque inexistante, mais aussi de faire jouer à cette formation continue, un rôle primordial dans l'évolution des pratiques des enseignants, afin d'assurer une meilleure démocratisation de l'enseignement. Nous avons ainsi établi que les dispositions prises au début des années quatre-vingts, donnent les grandes lignes d'une nouvelle définition de la professionnalité des enseignants.

Il nous appartient maintenant de déterminer si ces orientations ministérielles ont été suivies d'effets. Nous nous demanderons donc à travers quels dispositifs de formation elles se sont alors incarnées. Nous montrerons que les premiers dispositifs révèlent déjà des conceptions de la formation continue différentes de la conception auparavant dominante, et que ces conceptions commencent à définir les éléments de cette nouvelle professionnalité des enseignants du second degré, que nous verrons s'élaborer progressivement tout au long de la période étudiée.