Chapitre 1. Les Stages "disciplinaires" Du P.A.F.

1.1. L'influence Du Premier P.A.F.

Nous avons vu que les Plans Académiques de Formation existaient avant que les M.A.F.P.E.N. se voient confier l'accompagnement formatif de la Rénovation des collèges. Pour accomplir cette mission nouvelle, d'autres dispositifs seront mis en place, que nous étudierons plus loin. Mais les P.A.F. ont continué à exister et à occuper une place prépondérante dans les activités des M.A.F.P.E.N. C'est pourquoi nous allons étudier leur évolution, qui a été importante tout au long de cette période.

Tout d'abord, rappelons que le P.A.F. 82-83 de l'académie de Lyon a été élaboré avant même la création de la M.A.F.P.E.N., dans le cadre de l'expérience pilote, par le directeur du C.R.D.P. Il s'agissait alors pour lui, de regrouper tout ce qui existait dans l'académie, en matière de formation continue d'enseignants. Le premier chef de mission a repris intégralement ce catalogue, et au cours de l'année scolaire 82-83, la M.A.F.P.E.N. a commencé à fonctionner avec ce catalogue de stages. Cependant, les conditions de fonctionnement étaient bien différentes de celles de l'expérience pilote, puisque les enseignants pouvaient suivre les formations du catalogue sur leur temps de travail. C'est cet élément nouveau, nous l'avons dit, qui explique très certainement le succès rencontré par les stages du P.A.F. 82-83, auprès des enseignants. Or, c'est très certainement à cause de ce succès qu'on a continué à produire, systématiquement chaque année, un catalogue de formations.

En proposant aux enseignants une formation sous forme de stages, le premier catalogue répondait à la commande du ministère, qui demandait de recenser les ressources formatives de l'académie. De plus, les textes officiels, nous l'avons vu, n'envisageaient pas la formation continue autrement que sous forme de stages. Les premiers stages étaient organisés, nous l'avons vu, autour de la proposition d'un formateur. On a donc adopté tout naturellement la formule du regroupement, c'est-à-dire qu'on proposait à des enseignants venant d'établissements différents, de se regrouper autour d'un formateur, pour bénéficer d'une formation, ces regroupements ayant lieu le plus souvent, dans les villes principales de l'académie. Pour l'académie de Lyon, on peut affirmer qu'environ neuf stages sur dix avaient lieu dans la ville de Lyon elle-même.

Cette formule de regroupement était d'ailleurs parfaitement cohérente avec la centralisation qui régnait à tous les niveaux de l'organisation de l'éducation nationale. Il n'est donc pas étonnant qu'elle soit apparue comme la seule possible. En effet, il était tout-à-fait dans la logique de l'époque de recenser, comme on l'a fait, les ressources formatives existant dans les universités, les centres de formation, etc..., lieux se trouvant tous dans les villes principales de l'académie. Ce fait montre bien, selon nous, qu'on concevait la formation continue sur le modèle de la formation initiale, modèle calqué lui-même sur celui de l'enseignement. Dans ce modèle, le formateur propose une formation dans laquelle il apporte son savoir. Il est relativement facile d'organiser ce type de formation, puisqu'il suffit de mettre un formateur en face d'un groupe, et le travail de l'institution s'arrête là.

Ce n'est que petit à petit, nous allons le voir, que l'on s'est rendu compte que ce modèle, proche de celui de l'enseignement, n'était pas toujours adéquat en formation continue. Remarquons cependant que le texte officiel ne précisait pas comment devait être fait le recensement des ressources formatives, ni de quelle façon elles devaient être utilisées. Il n'interdisait pas de recenser les ressources formatives au niveau de chaque établissement, ou de chaque bassin de formation ; mais les habitudes liées au fonctionnement centralisé ont orienté autrement les choses. Il faudra attendre quelques années, nous le verrons, pour qu'on invente d'autres formules. Ainsi, la prédominance de catalogues de stages, au moment de la création des M.A.F.P.E.N., nous semble très caractéristique de la centralisation de l'institution. On peut même dire que les choix faits lors de la constitution des premiers catalogues, c'est-à-dire avant même la création de la M.A.F.P.E.N., ont influencé de manière importante le fonctionnement ultérieur de celle-ci, et n'ont sans doute pas facilité la décentralisation dont elle devait être l'artisan.

Pendant toute la période que nous étudions, c'est-à-dire jusque vers 86-88, les stages proposés dans les P.A.F. ont continué à représenter la plus grande partie des formations suivies par les enseignants de collège. D'un point de vue quantitatif, ils occupent donc la première place parmi les dispositifs ayant fonctionné au moment de la rénovation des collèges. Néanmoins, la place que nous leur accorderons dans cette étude n'est pas en rapport avec leur importance quantitative, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, nous pensons, et Serge Moscovici l'a bien montré dans ses études sur les minorités actives, que l'impact produit par une partie d'un ensemble n'est pas forcément proportionnel à l'importance quantitative de cette partie. Donc, les stages disciplinaires, bien qu'étant fortement majoritaires en nombre n'ont pas forcément eu une influence majeure sur l'évolution des pratiques des enseignants qui les ont suivis. Les minorités qui ont été à l'origine des autres dispositifs ont été suffisamment "consistantes", mais surtout se sont situées davantage "dans l'air du temps", selon les critères de Moscovici, pour permettre que des innovations puissent se mettre en place.

De plus, nous n'avons pas jugé utile de faire une description détaillée des "stages disciplinaires" puisqu'ils sont, pour la plupart, calqués sur la formule "cours d'université", ou "conférence", formule bien connue de tous. Malgré tout, il existait sans aucun doute des différences notables entre les différents stages "disciplinaires" proposés, différences portant sur la plus ou moins grande liaison faite avec la pratique, mais, nous n'avons pas pu retrouver suffisamment de formateurs disciplinaires pour nous permettre de cerner ces différences. Nous avons donc dû limiter notre étude aux renseignements contenus dans les intitulés des stages contenus dans les P.A.F. eux-mêmes, et cela bien que ces intitulés présentent l'inconvénient majeur de refléter seulement des propositions, c'est-à-dire des intentions, qui ne se sont pas obligatoirement traduites dans les faits. Au dire des acteurs de l'époque, les stages proposés dans les P.A.F. étaient quasiment tous réalisés, mais les intitulés des P.A.F. ne nous renseignent pas sur ce qu'était leur contenu réel.

Les catalogues de stages contiennent donc les propositions faites par les formateurs, en direction des enseignants. Dans la grande majorité des cas, les enseignants posaient volontairement leur candidature pour ces stages, mais de manière individuelle. A quelques exceptions près, dont nous parlerons plus loin, le catalogue comporte essentiellement des formations structurées, proposées par un formateur possédant des connaissances, et/ou des compétences, qu'il se propose de faire acquérir à ses stagiaires. Parmi ces connaissances/compétences, nous distinguerons celles qui sont du domaine purement disciplinaire, c'est-à-dire qu'elles sont constituées de contenus académiques de connaissances. Mais elles peuvent être également du domaine de ce qu'on a l'habitude de nommer la "didactique" de la discipline, c'est-à-dire des différentes manières de présenter ces contenus disciplinaires aux élèves : ces deux premiers types de connaissances sont centrées sur l'acte d'enseigner. Enfin, ces connaissances peuvent être du domaine de la "pédagogie", c'est-à-dire porter sur les différentes manières de s'y prendre pour favoriser l'apprentissage de ces contenus par les élèves : ce troisième type de connaissances suppose la connaissance des processus d'apprentissage des élèves. Il nous semble que, dans ces trois domaines de connaissances, la quasi-totalité des propositions de formation figurant aux P.A.F., sont des offres de formation faites aux enseignants par les formateurs. Mais, ‘"quand venait le moment très concret de dire quelles formations on fait, chacun sortait de son tiroir la formation toute prête qu'il faisait déjà’ 85 ", dit l'un des responsables M.A.F.P.E.N. de l'époque. Nous allons maintenant étudier les propositions de stages, contenues dans les P.A.F., à partir de celui de 83-84, ainsi que leur évolution.

Notes
85.

Entretien RC, du 07/07/94.