3.3. Une Conception Différente De La Formation

Comme nous l'avons dit, il est difficile de percevoir une unité entre les différents stages proposés par les mouvements pédagogiques. Néanmoins la conception de la formation qui apparaît, nous semble assez proche de celle que révélait le dispositif de formation en pédagogie générale étudié précédemment. En effet, de manière un peu analogue à ce que faisait l'équipe Pédagogie générale en proposant l'utilisation de résultats de recherches et d'expérimentations "spontanées", comme réponse aux problèmes professionnels que cherchaient à résoudre les enseignants, les mouvements pédagogiques proposaient comme réponse les outils spécifiques qu'ils avaient forgés et expérimentés dans les années antérieures.

Les stages animés par les mouvements pédagogiques présentaient une autre spécificité, qu'on repère facilement dans les P.A.F., c'est la volonté de faire travailler, dans un même stage, des personnels de disciplines différentes, et même de statuts différents. Par exemple, certains stages sur les P.A.E. ont fait travailler ensemble des enseignants, des chefs d'établissement, et même des agents : ‘"On a eu un stage où il y avait un agent qui était extraordinaire, qui nous a fait passer des moments inoubliables... Il avait fait plein d'activités dans son collège ; il avait fait une agora, quasiment tout seul, un lieu de vie pour les élèves qui était remarquable, il faisait partie d'un atelier théâtre dont il faisait les décors qu'il installait, il avait plein de diapos’ 97 ...", raconte une formatrice.

Les mouvements pédagogiques concevaient donc la formation continue, comme un lieu où l'on vient chercher une solution à ses problèmes professionnel, ce lieu permettant de confronter les points de vue des différents partenaires, et offrant des outils susceptibles d'aider à avancer dans la recherche de solutions.

Néanmoins, nous pouvons observer une différence, qui nous semble essentielle, entre les stages proposés par les mouvements pédagogiques et la formation en pédagogie générale. Cette dernière est centrée sur les propositions faites par les formateurs, nous dirons sur les processus utilisés dans la formation. En effet, on se souvient que, dans la formation en Pédagogie générale, les stages s'intitulaient "Analyse par objectif et évaluation", "Animation de la classe", "Travail de groupe" ou encore "Entretien et tutorat". En revanche, les stages proposés par les mouvements pédagogiques sont centrés sur ce que doit produire le stage, sur les problèmes que le stage doit contribuer à résoudre, puisqu'on trouve des intitulés comme "Problèmes de vie scolaire" ; "Préparation d'un P.A.E., d'un projet d'établissement", "Travailler en équipe", puis plus tard "Le conseil de classe", "Réussir la rénovation", "Conflits-violence en classe", etc... C'est en ce sens que cette conception de la formation nous semble différer sensiblement de celle de l'équipe Pédagogie générale.

Tentons maintenant de situer ces formations, par rapport aux modèles de diffusion des connaissances proposés par Huberman. A travers l'analyse que nous venons de faire, il nous apparaît que les stages proposés par les mouvements pédagogiques s'apparentent au modèle de "résolution de problèmes", puisqu'ils étaient centrés sur les questions que se posent les enseignants, et non sur les outils qu'on peut leur proposer en réponse à ces questions.

Bien entendu, chacun de ces mouvements avait ses caractéristiques propres, donc possédait ses propres outils, issus de ses propres expérimentations. Néanmoins, un de leurs points communs était de se situer en dehors des disciplines : ‘"Les gens apportaient leurs expériences ; donc forcément ces expériences elles étaient dans leur discipline ; mais on ne se fixait pas sur une discipline, on était un peu ouvert à tout quoi... On apportait des techniques pour traiter les cas un peu dans n'importe quelle situation’ 98 ," dit une formatrice. Cette organisation de stage est basée sur l'hypothèse qu'il existerait des domaines dans lesquels on peut se former, en laissant au second plan les savoirs disciplinaires. Or, ce cloisonnement nous semble regrettable. Et c'est tout le problème que posent, non seulement les mouvements pédagogiques, mais l'ensemble des formations "transversales". Ce problème n'est pas encore résolu aujourd'hui, nous n'en voulons pour preuve que la difficile coexistence, dans les I.U.F.M., de la formation dite "générale" avec les formations disciplinaires. Il nous semble que ces difficultés sont dues au fait qu'on n'a pas encore vraiment réussi à articuler réellement ces deux dimensions de la formation. Personne ne conteste la nécessité des formations "transversales", mais elles continueront à constituer un problème, tant qu'il existera un cloisonnement entre elles et les formations disciplinaires.

Notes
97.

Entretien BC, du 25/06/98.

98.

Entretien BC, du 25/06/98.