5.8. Une Conception Nouvelle De La Formation

Nous pensons avoir montré, en décrivant son fonctionnement, que la cellule d'appui a constitué une véritable innovation. C'était en effet la première fois qu'une structure officielle proposait une aide aux établissements, en se mettant à leur service en quelque sorte. De ce fait, on ne peut pas dire que la cellule se situe dans le prolongement d'un des lieux existants avant la création des M.A.F.P.E.N. Néanmoins, elle nous semble être le produit du croisement de plusieurs "courants" idéologiques. Expliquons-nous.

Même si elle n'a pas réellement été créée pour cela, la cellule a dû aider des établissements à élaborer un projet de rénovation. En ce sens, elle se situe dans la ligne des mouvements pédagogiques, et plus largement dans la ligne du mouvement associatif. En effet, ceux-ci, nous l'avons vu, ont cherché à introduire l'idée de projet dans l'éducation nationale, dans la période qui a précédé 1982. Or, même si les mouvements pédagogiques n'ont pas été sollicités par la cellule, un certain nombre des membres de la cellule avaient eu des activités au sein de ce genre de mouvements, ou dans d'autres associations. Mais les mouvements pédagogiques travaillaient plutôt autour de projets pédagogiques, de type P.A.E., et plus rarement sur des projets de rénovation d'établissement. Bien que ces deux types de projets soient différents, la démarche présente des similitudes, dans le sens où elle implique, dans les deux cas, une réflexion collective. C'est en grande partie leur militantisme dans un cadre associatif qui a préparé les membres de la cellule au travail qu'ils ont eu à accomplir à la M.A.F.P.E.N. Trois d'entre eux seulement étaient des formateurs d'adultes professionnels ; les autres apportaient leur expérience du terrain, et du travail sur projet. ‘"C'était des gens qui conduisaient des actions dans leur établissement, qui avaient un rôle de leader et aussi qui étaient capables de prendre de la distance par rapport à ce qu'ils faisaient. (...) On travaillait sur un projet de zone, qui mobilisait le collège et sept groupes scolaires, avec des partenaires associatifs et il s'est trouvé que j'en étais un peu l'animateur ’ 126 ," déclare l'un d'entre eux. On peut donc dire que la cellule d'appui se situait dans une tradition d'ouverture vers le milieu associatif.

D'autre part, elle a travaillé, nous l'avons vu, sur les relations au sein de l'établissement : relations entre enseignants, entre enseignants et chef d'établissement, entre l'établissement et ses partenaires extérieurs, etc... Elle a donc initié des réflexions sur le fonctionnement de l'établissement, en organisant des assemblées générales de l'ensemble des personnels. Même si ces A.G. sont aujourd'hui qualifiées de "grand-messes 127 ", il n'en reste pas moins que c'était la première fois que des réunions de ce type se tenaient dans des collèges, à l'initiative de l'institution. Dans cet accent mis sur le relationnel, on reconnaît l'héritage du courant de la psychosociologie, courant qui avait, nous l'avons vu plus haut, assez fortement marqué la période antérieure.

Mais quelle conception de la formation ce dispositif révèle-t-il ? N'oublions pas que la cellule a été constituée par le chef de M.A.F.P.E.N., pour répondre à une injonction ministérielle, alors que tous les autres dispositifs que nous avons étudiés précédemment avaient été mis en place par des formateurs qui les avaient expérimentés antérieurement. L'étude que nous avons faite montre que la cellule a d'ailleurs fonctionné comme le chef de Mission l'avait souhaité, même si par la suite, elle a été décriée. Le fonctionnement de la cellule d'appui nous semble caractéristique d'une instance qui se cherche, qui tâtonne‘. "Les trois premiers mois’ ‘," dit l'un de ses membres,’ ‘ "on n'a fait aucune intervention en établissement ; on était tous à mi-temps et on a passé tout notre mi-temps à essayer de définir comment nous allions remplir notre mission’ 128 ."

Néanmoins, ce dispositif innove par rapport à ceux que nous avons précédemment étudiés, dans lesquels on offrait aux différents personnels des formations construites par les formateurs et ensuite on attendait que les personnels se portent candidats. Là, on cherche à tenir compte des besoins en formation des intéressés ; on a le souci de recenser ces besoins. Il faut néanmoins constater que, une fois le recensement des besoins de formation effectué par la cellule, celle-ci choisit parmi les formations existantes, celles qui lui paraissent les plus aptes à satisfaire ces besoins. La formation n'est pas véritablement construite en réponse à la demande, mais elle est extraite du catalogue existant. Cette manière de fonctionner ne remet donc pas véritablement en cause la "logique de l'offre" de formation par les formateurs : on puise dans l'offre existante pour répondre aux besoins recensés parmi les personnels, mais on n'invente pas de réponse vraiment adaptée. Or, l'offre n'était certainement pas toujours aussi adaptée qu'on le pensait ; nous développerons ce point dans la dernière partie de ce travail.

Si on se réfère, comme nous l'avons fait pour les dispositifs étudiés précédemment, aux modèles de diffusion des connaissances décrits par Huberman, on peut dire que la volonté de cerner les besoins de formation liés aux projets de rénovation d'un établissement, permet d'apparenter les actions de la cellule d'appui au modèle "résolution de problèmes". Cependant, la réponse apportée n'est pas construite réellement en fonction des problèmes à résoudre, puisque la cellule d'appui puise, dans les propositions faites par les formateurs, des réponses existant préalablement. Ce deuxième aspect oblige alors à situer ce dispositif plutôt dans le modèle "recherche et développement".

Ce dispositif, nous l'avons vu, s'est construit pour répondre à une demande institutionnelle : accompagner la rénovation des collèges. Nous pensons avoir montré que sa mise en place et son fonctionnement ont constitué une innovation, par rapport au fonctionnement habituel de l'institution, avec les imperfections que comportent couramment toute innovation. Nous ferons maintenant une incursion vers Grenoble pour rechercher si les réponses proposées par la M.A.F.P.E.N., pour répondre à cette injonction, révèlent des conceptions voisines.

Notes
126.

Entretien GS, du 09/01/98.

127.

Entretien ED et GG, du 20/06/97.

128.

Entretien GS, du 09/01/98.