5.9. Un Éclairage Différent

Nous avons vu que, pour répondre à la demande institutionnelle d'appui formatif de la Rénovation des collèges, le chef de la M.A.F.P.E.N. de Grenoble s'est entouré d'un groupe constitué par les coordonnateurs départementaux, dont les membres disent ‘que "ce qui a été essentiel, c'est le travail en équipe des coordonnateurs, qui a été instituant’ 129 ." On retrouve donc un fonctionnement un peu analogue à celui de la cellule d'appui, Mais, dit la coordonnatrice de ce groupe, celui-ci ‘"a très vite senti le besoin d'avoir un pool de formateurs pour former les animateurs des équipes en rénovation. On s'est donc orienté rapidement vers des formations centrées sur des thèmes, c'est pourquoi on a proposé, dès 83-84, la création de ’ ‘groupes-ressources’ ‘, qui réuniraient les gens autour d'un thème. L'idée était que, dans ces groupes, les gens pourraient se former entre eux’ 130 ." Il nous semble que ce choix est une mise en oeuvre concrète de l'idée de "formation entre pairs", c'est-à-dire de co-formation, qui figurait dans le rapport de la commission De Peretti.

D'autre part, les thèmes autour desquels se sont constitués ces groupes-ressources, sont clairement issus des propositions du rapport Legrand sur les collèges et reprennent donc les thèmes des modules De Peretti. Le premier groupe-ressource crée dès 1983, était centré sur le tutorat ; le deuxième sur l'évaluation ; il y a eu ensuite un groupe travaillant sur l'aide méthodologique, un autre sur le travail autonome et un autre sur la relation d'aide. Il existait également une volonté, chez les coordonnateurs, de mettre en place un groupe centré sur la Pédagogie différenciée, thème pour lequel il y avait beaucoup de demandes, ‘mais "il n'y avait pas de formateurs pour y répondre."’ Notons que ces groupes-ressources ont pris par la suite une importance qui a vite débordé le cadre de la rénovation des collèges puisque, ‘"actuellement ’ ‘(en 1996)’ ‘, ils constituent l'ossature même de la M.A.F.P.E.N.’ 131 ." Il semble donc qu'à Grenoble, on se soit inspiré davantage des modules De Peretti, qu'à Lyon.

On peut s'interroger sur la manière dont ces groupes-ressources ont joué le rôle de groupe de formation de formateurs qui leur avait été assigné au départ. Les coodonnateurs expliquent que les formateurs arrivaient ayant en tête un modèle de formation, dont ils citent quelques exemples : le modèle "enseignement", le modèle "témoignage", le modèle "démultiplication", etc... Dans les groupes-ressources, ils ont commencé à confronter ces différents modèles, ce qui a ouvert l'éventail de leurs possibilités. Ensuite ‘"il y a eu construction de références communes, d'outils de théorisation qu'on ne possédait pas au départ’ 132 ." Ces groupes ont donc bien été des lieux de formation de formateurs. Cette formation adoptant la forme d'une co-formation, elle nous semble donc proche du modèle hubermanien "d'interaction sociale".

Cependant, l'une des coordonnatrices Rénovation des collèges, analyse ainsi aujourd'hui le choix de créer ces groupes-ressources, choix auquel elle a elle-même participé à l'époque : ‘"Je m'interroge d'ailleurs a posteriori sur le bien-fondé d'avoir privilégié la création de ces groupes-ressources sur thème, au détriment de l'accompagnement des actions des équipes innovantes... Les coordonnateurs ont un peu laissé de côté l'accompagnement plus approfondi des équipes. On a adopté une perspective de transmission d'informations aux équipes, et non d'accompagnement des équipes’ 133 ." Cet autre aspect des groupes-ressources permet de les rapprocher du modèle hubermanien de "recherche et développement", dans lequel on cherche à diffuser et faire adopter des résultats de recherche. On n'a d'ailleurs pas immédiatement ressenti la nécessité de procéder à une analyse préalable des besoins des enseignants, et celle-ci n'a été instaurée que plus tard.

Il nous semble donc que la mise en regard de ces deux manières, à la fois proches et différentes, de traiter un même problème, celui de l'accompagnement formatif de la rénovation des collèges, permet de mieux cerner cette nouvelle conception de la formation qui s'est faite jour à cette occasion. En effet, dans les deux cas, les dispositifs mis en place peuvent sembler éloignés les uns des autres, cependant ils se situent tous les deux au carrefour de plusieurs courants. Ils ont ainsi bénéficié à la fois des apports des mouvements pédagogiques, de la psychosociologie, des recherches "spontanées" proches de l'I.N.R.P. et sans doute d'autres apports encore, dont ils ont constitué une synthèse originale.

En demandant aux M.A.F.P.E.N. d'assurer l'accompagnement formatif de la rénovation des collèges, le ministre a donc favorisé la création de dispositifs originaux, qui témoignent d'une évolution dans la conception de la formation des enseignants. L'enseignant n'est plus considéré comme un individu isolé, seul responsable de ce qui se passe dans sa classe, mais comme faisant partie d'un système dont tous les éléments interagissent. Cependant, nous avons vu que, pour faire fonctionner ces nouveaux dispositifs, on manquait de formateurs. On a donc mis en place des dispositifs de formation de formateurs, destinés spécifiquement aux formateurs devant répondre aux demandes des établissements. Nous allons maintenant les étudier.

Notes
129.

Entretien OS, du 23/03/96.

130.

Entretien MC, du 23/03/96.

131.

ibid.

132.

Entretien CB, du 23/03/96.

133.

ibid.