quatrième Partie : Vers La Maturité

Chapitre 1. L'aide À La Recherche De Terrain

1.1. Encourager Les Recherches De Terrain

Dès le début du fonctionnement des M.A.F.P.E.N., le ministre a montré son intérêt pour la recherche pédagogique, en incitant les M.A.F.P.E.N. à ‘"intégrer les apports de la recherche pédagogique"’ (Lettre aux Recteurs, du 07/07/83) , mais aussi en leur assignant un rôle en matière de recherche. Pour cela, il avait créé, dès 1983 nous l'avons dit, la M.I.F.E.R.P., dont l'une des missions était justement "la définition précise de leur rôle [celui des M.A.F.P.E.N.] en matière de recherche en éducation." (ibid.). De plus, nous savons que le ministre avait choisi de nommer comme chefs de mission des universitaires. Le rapport De Peretti, quant à lui, situait clairement la formation, dans une problématique de recherche, puisqu'on peut y lire que ‘"cette formation doit être liée à la recherche, c'est-à-dire qu'elle est à la fois une formation à la recherche et une formation par la recherche. Elle suppose non seulement une recherche fondamentale, mais encore des recherches de développement qui réuniraient sur le terrain, des praticiens, des chercheurs et des enseignants en formation."’ (De Peretti, 1982, p.94). L'idée de faire soutenir la recherche "de terrain" par les M.A.F.P.E.N. était lancée. C'est dans cette problématique que se situe le dispositif que nous allons maintenant étudier.

En effet, le premier chef de Mission, ancien directeur de l'I.R.E.M. rappelons-le, a souhaité ‘"développer dans l'académie, la recherche de terrain’ 140 ." Dès 1983, il confie la responsabilité de ce secteur à un de ses collègues de l'I.R.E.M. qui d'ailleurs le remplacera, par la suite, comme chef de M.A.F.P.E.N. Ils affirment aujourd'hui que, pour eux, la politique de démultiplication des formations dont nous avons parlé ne leur paraissait pas efficace pour lutter contre l'échec scolaire. ‘"Cette logique de la démultiplication, lancée par De Peretti, on sait maintenant qu'elle est complètement inopérante’ 141 ", affirment-ils. Nous avons déjà dit que les responsables avaient été très intéressés par les travaux de Michaël Huberman, qui était lui-même très critique, par rapport à ce qui se faisait traditionnellement en formation d'enseignants. Ils vont donc rechercher d'autres types de formation que celles proposées jusqu'alors par la M.A.F.P.E.N. L'une de ces pistes est l'aide à la recherche "de terrain".

L'expérience de l'I.R.E.M. leur avait permis de constater que la démarche de recherche pouvait produire des changements de pratiques chez les enseignants, même si ce n'était pas l'idéal. Le responsable de la recheche de terrain à la M.A.F.P.E.N. décrit142 ainsi l'expérience des I.R.E.M. : ‘"Dans beaucoup d'I.R.E.M., se trouvaient des "groupes de recherche" : enseignants d'établissements différents, se réunissant plus ou moins régulièrement pour travailler ensemble sur un thème. (...) Pourquoi le mot "Recherche" ? D'abord pour dire que les participants sont "en recherche" ; ils explorent par eux-mêmes et n'attendent pas la bonne parole d'un donneur de leçons."’ (p.1) Cependant, il remarque également que ‘"les groupes en question pouvaient s'abriter derrière cette appellation pour ne rien dire ’ ‘d'explicite’ ‘ des objectifs poursuivis, du calendrier de travail, de l'évaluation, des productions, etc..."’ (p.2)

Devant ce fonctionnement pas totalement satisfaisant pour lui, il se tourne vers un autre lieu, dans lequel se faisait de la recherche en éducation : les sciences de l'éducation, envers lesquelles il émet également quelques réserves. Il leur reproche surtout leur hermétisme et avance que ‘"si l'on veut réfléchir aujourd'hui aux changements qu'elles ont provoqués, on ne perçoit des effets que sur les carrières des chercheurs ; au niveau des pratiques des enseignants sur le terrain..."’ (p.3). La phrase restée en suspend traduit bien son doute à propos de leur influence sur le renouvellement des pratiques enseignantes.

Même constat mitigé, au sujet des recherches pilotées par l'I.N.R.P. et les directions du ministère. Il lui semble que ‘"les recherches à pilotage national n'avaient pas (ou peu, soyons gentil) de retombées locales, sans que rien ne prouve qu'elles aient le moindre aboutissement au niveau national,’ " mis à part les rapports de recherche, que personne ne lit, d'après lui. Il décide donc de ‘"rompre avec les pratiques existantes (...) et tenter d'imaginer de nouvelles approches." ’(p.4)

Notes
140.

Cf annexe n°6 : Bouvier (1985a).

141.

Entretien du 04/11/96

142.

Cf annexe n°6 : Bouvier (1986 b).