1.2. Les Premières Universités D'été

L'occasion se présente sous la forme d'appel d'offre lancé par le ministère, pour l'organisation d'Universités d'Eté. Un petit groupe est constitué pour mettre en place une première Université d'Eté de deux semaines, intitulée ‘: "Démarches, méthodes et outils de la recherche en éducation"’. Cette U.E. a lieu dans la banlieue de Lyon, en juillet 83. Les listes d'organisateurs, d'animateurs et d'intervenants à cette U.E. montrent une grande diversité dans l'origine des membre de l'encadrement de cette U.E. En effet, on y trouve d'une part des universitaires français et genevois de toutes disciplines (sciences de l'éducation, psychologie, mais aussi mathématiques, physique, chimie, didactique du français, etc...), et d'autre part, des membres de l'I.N.R.P., du C.R.D.P. et enfin du C.A.F.O.C. On peut y voir une volonté de s'asseoir tous autour d'une table pour réfléchir ensemble au problème, d'entendre tous les points de vue sur la question de la politique que la M.A.F.P.E.N. allait mener, par rapport à la recherche de terrain.

La mise en place de cette réflexion sur la recherche de terrain a permis de se rendre compte qu'en fait de nombreux enseignants sont engagés dans des recherches, expérimentations, innovations, etc..., sur le terrain. Dans la seule académie de Lyon, un premier inventaire permet de recenser un nombre considérable d'équipes d'enseignants menant une recherche : environ une centaine. Parmi ces recherches, la plupart se situent explicitement dans une perspective de lutte contre l'échec scolaire, ce qui est aussi l'objectif assigné à l'U.E. Mais, remarque le responsable de l'U.E. dans son bilan, ‘"il manque à ces enseignants de terrain, une formation aux démarches et aux méthodes de la recherche en éducation, ainsi qu'une connaissance des outils disponibles"’. C'est pourquoi, de manière tout-à-fait cohérente avec les objectifs, cette U.E. a été réservée ‘"exclusivement à des équipes d'enseignants engagés dans une recherche ou ayant un projet sur la thématique générale de la lutte contre l'échec scolaire"’ (Bouvier, 1983, p.3).

Le bilan de l'U.E. semble montrer qu'elle a répondu aux objectifs qu'elle s'était fixée, puisqu'elle a permis aux équipes de réfléchir sur leur recherche, de prendre de la distance par rapport à elle, et d'envisager d'aller plus loin, au cours de l'année scolaire suivante. Cependant, le bilan constate que ‘"le projet avec lequel les participants sont arrivés, était porteur d'une demande de formation individuelle et d'un désir d'action collective, mais que ce n'était pas un projet de recherche"’ . (ibid, p.8) Plus loin, on précise que ‘"cette U.E. a sans doute permis aux participants de se distancier par rapport à leur pratique et ’ ‘peut-être’ ‘ de décider de la constituer en objet de recherche"’ (ibid, p.9). On hésite donc à qualifier de "recherches", ce qu'on perçoit plutôt comme étant des expérimentations. Les responsables de ce dispositif situent la différence au niveau de la capacité des équipes à acquérir la maîtrise d'une méthodologie de recherche à caractère "scientifique", alors qu'elles ont jusque là travaillé de manière empirique. Il s'agit donc de faire en sorte que les équipes entrent en contact avec des théories, leur permettant de légitimer leur travail. Un certain nombre de décisions sont prises, pour assurer un suivi dans ce sens pendant l'année scolaire suivante.

Tout d'abord, les participants décident de produire un annuaire des compétences et de le diffuser parmi les équipes engagées dans des recherches. Malheureusement, on constatera plus tard que cet annuaire n'a produit "aucun effet 143 " On envisage également la création d'un réseau de personnes-ressources, auquel les équipes de terrain vont pouvoir faire appel, si elles en ressentent la nécessité. De plus, l'un des accompagnateurs d'équipes, par ailleurs formateur M.A.F.P.E.N., publiera au C.R.D.P. un guide méthodologique‘, "à l'attention des enseignants qui entament une recherche académique."’ (Barlow, 1984). Enfin, pendant l'année suivante, un comité M.A.F.P.E.N. est créé, dont la mission sera d'organiser un séminaire, permettant aux équipes de venir exposer leurs recherches. Mais celui-ci fut peu fréquenté. En fait, au cours de l'année suivante, les équipes ont continué à élaborer des outils utilisables dans la pratique, tandis que les responsables M.A.F.P.E.N. commençaient à préparer une nouvelle U.E. pour l'année suivante, et réfléchissaient aux moyens de faire évoluer le travail des équipes vers davantage de scientificité. Cette deuxième U.E. aura également lieu au domaine de Rajat, en juillet 84.

Remarquons que l'aide que la M.A.F.P.E.N. cherchait à apporter aux recherches de terrain concernait des équipes restreintes, réunies autour d'un projet pédagogique, et non la totalité des personnels d'un établissement réfléchissant à un projet de rénovation de celui-ci, comme c'était le cas pour les actions de la cellule d'appui étudiées précédemment. Cependant, les responsables du dispositif d'Aide à la Recherche de Terrain devaient souhaiter relier ces deux aspects, puisque la M.A.F.P.E.N., constatant que ‘"la mise en place de projets d'établissement liés à la rénovation des collèges, ne peut se faire sans que ces établissements imaginent, impulsent et expérimentent de nouveaux dispositifs d'évaluation"’, réserve la deuxième U.E. de Rajat à des équipes mettant en place des recherches ‘"touchant le dispositif d'évaluation de leur établissement"’ . (Bouvier, 1984 a, p.2)

Néanmoins, le bilan de cette U.E. précise que, ‘"bien que concernés par les projets d'établissements, nous ’ ‘[les organisateurs de l'U.E.]’ ‘ ne nous sommes pas coordonnés avec la Cellule d'appui aux Etablissements en Rénovation"’ , ce qui nous semble révéler une volonté des organisateurs de se démarquer d'autres dispositifs M.A.F.P.E.N., mais aussi de mettre l'accent sur une exigence de scientificité, gage de la reconnaissance universitaire. Ceci peut être confirmé par le fait que les intervenants à l'U.E. 84 sont en majorité des universitaires. On ne trouve plus aucun membre du C.R.D.P., de l'I.N.R.P. ou du C.A.F.O.C., parmi les permanents, ni parmi les intervenants à cette U.E., alors que c'était le cas l'année précédente. Le directeur du C.R.D.P. organise d'ailleurs de son côté une autre U.E., dont nous parlerons plus loin, qui sera centrée sur la formation des formateurs.

Comme pour la première U.E., l'objectif est donc de ‘"chercher à entraîner les stagiaires à introduire de la recherche sur leurs activités d'enseignement. (...) La Recherche-Action, proposée comme objectif et comme démarche, convient aux équipes qui souhaitent dépasser le stade de l'innovation pédagogique et imaginer un dispositif d'observation pour contrôler les effets de leur action, approfondir le sens et la cohérence de leur projet et dégager des éléments communicables à d'autres équipes."’ Mais le bilan constate que ‘"les tuteurs ont peu pris en compte les conditions concrètes de fonctionnement des établissements dans lesquels les stagiaires menaient des recherches, pour privilégier une démarche méthodologique scientifique."’ On en déduit la nécessité d'un suivi des problèmes de l'action, "qui ne se traitent bien que sur le terrain, en fonction de la population d'acteurs concernés 144 ."

Notes
143.

Cf annexe n°6 : Bouvier (1986 b).

144.

Cf annexe n°6 : Devarieux (1984).