Chapitre 2. Le Réseau D'entraide Pédagogique De L'ain

2.1. L'apparition De L'idée De Réseau Pédagogique, À La M.A.F.P.E.N.

Chacun connaît le fonctionnement extrêmement hiérarchisé de l'Education nationale, qu'on représente souvent sous la forme d'une pyramide, la circulation de l'information se faisant de manière verticale. Nous avons vu que la création des M.A.F.P.E.N. s'est inscrite dans la politique de décentralisation de l'éducation nationale. En effet, on imputait à cette organisation verticale une lourde part de responsabilité dans l'immobilisme du système. Les responsables de la M.A.F.P.E.N. de Lyon étaient, nous l'avons vu, très critiques par rapport au modèle de la "démultiplication de la formation", modèle caractéristique de ce fonctionnement vertical. Aussi, lorsqu'ils découvrent les modèles proposés par Michaël Huberman, ceux-ci retiennent immédiatement leur attention. En effet, ils proposent une organisation totalement différente de l'organisation "verticale" traditionnelle, puisqu'il est question de mettre en place des réseaux organisés horizontalement. On espère ainsi mettre en communication des éléments se trouvant à un même "niveau" de la hiérarchie, éléments qui ne peuvent pas communiquer directement dans une organisation "verticale". Dans la période qui a précédé la création du Réseau de l'Ain, l'idée de réseaux n'était pas totalement absente, puisqu'il existait des lieux pouvant être considérés comme des réseaux, comme par exemple, les associations de spécialistes, les mouvements pédagogiques, etc... Mais ces lieux étaient extérieurs à l'organisation elle-même. Par ailleurs, on a vu les difficultés qu'ont eues les professeurs d'EPS, organisés de longue date en réseaux, pour s'intégrer dans le fonctionnement vertical de l'éducation nationale.

Néanmoins l'idée était dans l'air. En janvier 1985, les responsables de la M.A.F.P.E.N. de Lyon invitent Michaël Huberman à donner une conférence à Bourg-en-Bresse. Nous avons déjà vu que ce chercheur en éducation de l'université de Genève, avait étudié précédemment les travaux américains sur les modèles de diffusion des connaissances. Au cours de cette conférence, dont on peut trouver le texte dans la Revue Française de Pédagogie, (Huberman, 1986), il se montre sceptique sur l'efficacité des modèles classiques de formation continue et expose un modèle différent, élaboré en appliquant le cadre de référence "D. & U." (dissémination et utilisation des connaissances). ‘"Le chef de M.A.F.P.E.N. avait eu connaissance d'expériences faites dans le cadre de travaux nord-américains de Huberman, qui, venant à Genève, avait essayé d'installer aussi un réseau, créant une possibilité pour les enseignants confrontés à des difficultés, d'interroger leurs pairs’ 151 ", raconte l'un des premiers membres du réseau. Le modèle propose donc de remplacer le fonctionnement vertical traditionnel par un fonctionnement horizontal, afin d'utiliser la possibilité de "coopération entre pairs" qu'ouvre ce fonctionnement horizontal. Rappelons-nous que cette notion de "formation entre pairs" était déjà contenue, comme celle de réseau d'ailleurs, dans le rapport de la commission De Peretti. Cependant, elle n'avait pas toujours été interprétée, nous l'avons vu, dans le sens d'une co-formation, ce qui sera en revanche le cas pour le réseau qui va se créer dans le département de l'Ain, à la suite de cette conférence. Il portera d'ailleurs le nom de "Réseau d'Entraide Pédagogique". C'est d'ailleurs ce fonctionnement en co-formation qui fait de ce dispositif une véritable innovation.

Notes
151.

Entretien GD, du 06/04/98.