2.2. Pourquoi Un Réseau ?

Pendant le début de l'année 85, un groupe de réflexion va fonctionner pour envisager la suite à donner aux propositions faites par Huberman. Il est animé par deux professeurs de l'Ecole normale de Bourg en Bresse et par un membre de la cellule d'appui. Les discussions sont vives : ‘"Il y avait des gens qui étaient là pour porter le projet, et puis il y avait des personnes qui étaient un tout petit peu sur la défensive, parce que la grosse question était : Est-ce qu'on peut se former par l'échange entre pairs ? Et les formateurs institutionnels freinaient des quatre fers, ils étaient très sceptiques’ 152 ." Les plus réticents étaient donc les formateurs déjà en place, qui montraient leur scepticisme par rapport à la possibilité de se former par l'intermédiaire d'un tel réseau. La nouvelle conception de la formation qui est en train d'émerger là, s'oppose donc à la conception alors dominante, de la transmissions des savoirs par ceux qui le détiennent. On doute qu'il soit possible de se former autrement ; on doute que chercher ensemble à résoudre des problèmes professionnels puisse être formateur, tellement la conception qui est en train de se faire jour ici, semble éloignée de celle qui fait alors consensus.

L'opération sera finalement lancée en septembre 85, par le chef de la M.A.F.P.E.N. et l'Inspecteur d'Académie de l'Ain. Lors d'une intervention faite au moment de cette création du réseau153, le chef de mission précise les raisons qui l'ont conduit à lancer cette opération. Elles sont de trois ordres. Tout d'abord, il constate que ‘"le département de l'Ain est excentré dans l'académie et le PAF est trop centralisé pour résoudre les problèmes locaux."’ Il s'agit donc d'adapter la formation aux réalités du terrain ; pour cela, on repérera dans le département des "zones" dont on cherchera à définir l'identité, dans le but ‘de "rapprocher la formation des personnels du terrain"’ .

Outre cette nécessité géographique, le chef de mission souhaite, en créant ce réseau, ‘"donner le pouvoir aux acteurs pour fabriquer des dispositifs qui vont les aider réellement.’ " Le chef de mission souhaite donc partir des besoins des enseignants, au plus près des établissements. En précisant qu'il s'agit de ‘"mettre en place un mode de gestion à partir d'une problématique, partant de la base"’ , il se situe nettement dans le courant autogestionnaire, très en vogue dans les années soixante-dix, et que ses partisans avaient espéré voir mis en oeuvre, par le gouvernement de gauche sorti des élections de 1981.

Enfin, une troisième raison est invoquée par le chef de mission, c'est ‘"l'élargissement de la mission de l'Ecole normale, seul établissement d'enseignement supérieur du département, à des problèmes plus vastes que la formation initiale et continue des instituteurs."’ On se souvient que, lors de la création des M.A.F.P.E.N., à Lyon comme dans la plupart des autres académies, les directeurs d'école normale et la plupart des professeurs s'étaient montrés plus que réticents pour participer, et avaient continué à mener de manière autonome, leurs actions de formation continue en direction des instituteurs. Le chef de mission souhaite donc faire une nouvelle tentative pour rapprocher l'Ecole normale de la M.A.F.P.E.N. A cet effet, il a confié la responsabilité du projet de réseau, à un professeur de l'Ecole normale de Bourg, secondé par un membre de la cellule d'appui de la M.A.F.P.E.N.

Voilà donc les trois raisons officiellement invoquées par le chef de mission pour mettre en place ce réseau. Mais qu'attend-il précisément de cette nouvelle structure, que les dispositifs de formation, déjà en place à la M.A.F.P.E.N., ne peuvent pas fournir ? Il cite trois domaines, dans lesquels un réseau pourrait offrir des possibilités, dans un délai assez rapide. Par exemple, il pense que les problèmes spécifiques, posés par la rénovation des collèges, ‘"progresseront plus vite, si on sait mettre les gens en relation."’ Ou encore, il estime que, sur le problème de l'utilisation de l'informatique dans l'enseignement, ainsi que celui de l'audio-visuel, l'organisation de stages ne suffit pas et qu'il convient de favoriser les échanges d'expériences et de points de vue entre les enseignants. Enfin, il précise que, d'évidence, le réseau doit aussi offrir des perspectives de développement par rapport à l'enseignement des maths, du français, etc...

Notes
152.

Entretien ND, du 25/06/98.

153.

Cf annexe n°6 : Braemer (1985)