2.5. Une Analyse De Cette Expérience

Nous n'irons pas plus loin dans la description du fonctionnement du réseau puisque, d'une part, nous sortirions des limites temporelles que nous nous sommes fixées et que, d'autre part, cette description a été effectuée dans un mémoire de maîtrise de sciences de l'éducation (Gonnand-Goudilère, 1996). L'examen des bilans successifs de la zone d'Ambérieu qui y est fait, montre que le réseau s'est peu à peu structuré au fil des années. Il a fonctionné pendant plus de dix ans, jusqu'à l'année scolaire 1996-97, année où la M.A.F.P.E.N., après en avoir effectué une évaluation, a décidé de l'intégrer dans son fonctionnement général. Pour évaluer les effets produits par ce réseau, le mémoire cité ci-dessus étudie les résultats d'une enquête, réalisée à partir de vingt-deux entretiens auprès d'enseignants de collèges et de lycées, de chefs d'établissement, de conseillers d'éducation et d'orientation, tous situés dans la zone d'Ambérieu. Cette enquête a permis de repérer plusieurs fonctions du réseau, dans cette zone. Examinons-les successivement, pour les confronter avec ce que les responsables attendaient du réseau, au moment de sa création.

Tout d'abord, aux yeux des personnes interrogées, il ‘"apparaît comme un réseau de proximité, espace de parole, d'écoute, de convivialité, de solidarité entre les personnes, qui permet de rompre avec l'isolement disciplinaire, fonctionnel, géographique, voire avec le sentiment d'isolement."’ (p.177). Si la création d'un réseau "de proximité" était attendue, en revanche son action de rupture de l'isolement n'apparaissait dans aucun des textes "fondateurs" que nous avons pu retrouver. Il semble donc qu'elle n'était pas attendue en tant que telle, par les initiateurs, qui voyaient plutôt dans la structure de proximité, la possibilité d'une meilleure prise en compte de la spécificité d'une zone géographique limitée. Cette dernière fonction semble d'ailleurs avoir été remplie par le réseau, puisque l'enquête montre qu'il apparaît aussi comme ‘"une structure adaptée aux besoins locaux permettant d'organiser des réunions à dimensions humaines, favorisant les discussions pédagogiques et transversales bien adaptées à la spécificité du terrain."’ (p.179). Le réseau a donc bien assumé cette fonction attendue de lui.

Ensuite, le réseau apparaît comme ‘"un facteur dynamique de réciprocité entre les personnes, permettant la confrontation des points de vue et réduisant les barrières entre les différentes catégories de personnels"’ , (p.177), mais aussi ‘comme "une possibilité de décloisonner les structures et les niveaux d'enseignement."’ (p.179). Ces aspects étaient apparus, en particulier à l'occasion des rencontres avec le réseau genevois, et faisaient donc bien partie des finalités que le réseau devait permettre d'atteindre.

Cependant, le réseau est perçu aussi, par les personnes interrogées, comme ‘"un élément générateur de tensions qui produit des résistances, suscite méfiance et parfois même rejet, en particulier chez les enseignants."’ (p.180) Cette remarque souligne la difficulté rencontrée par tous les dispositifs de formation mis en place, dans les établissements et hors-établissement, l'écart se creusant entre participants et non participants au dispositif. Un certain nombre de réponses montrent également que le réseau est encore mal connu, malgré plus de dix années d'existence.

L'enquête montre encore que le réseau favorise ‘"l'approche collective des problèmes professionnels et l'installation d'un travail d'équipe"’ , ainsi que ‘"la confrontation des approches différentes et l'écoute réciproque, permettant la décentration par rapport à sa propre pratique et à ses représentations"’ , et enfin ‘"la mise ou remise en question des pratiques amenant progressivement à s'interroger sur les causes des problèmes professionnels repérés et rendant par là possible l'entrée dans une démarche de projet."’ (p.181-182). Là, sont repérés des effets qui n'étaient pas explicitement attendus par les initiateurs du réseau, mais qui se sont sans doute installés au fil des années, à mesure que le dispositif se structurait.

Enfin, l'enquête ‘repère "une évolution des représentations, par élaboration de nouveaux outils"’ , et aussi ‘" une évolution des pratiques mises en oeuvre avec les élèves, lors de l'expérimentation de ces nouveaux outils’ ". (p.182-183). Ces effets repérés sur les pratiques des enseignants n'étaient pas non plus explicitement attendus lors de la création du réseau.

Bien entendu, il faudrait avoir les moyens d'étendre l'enquête effectuée, de manière à vérifier que les effets repérés sont bien réels. En admettant qu'ils le soient, on constate que, non seulement des effets attendus se sont produits, comme le décloisonnement entre les niveaux d'enseignement ou l'adaptation à la spécificité du terrain. Mais, de plus, d'autres effets sont apparus, qui n'étaient pas explicitement attendus lors de la création du réseau. Nous pensons donc que le réseau, en permettant la confrontation des points de vue, l'instauration d'un travail d'équipe entre les enseignants, la prise en compte des spécificités du terrain, l'expérimentation d'outils pédagogiques nouveaux, etc..., a eu un effet formatif, puisque cette enquête semble montrer qu'il a permis de faire évoluer les pratiques des enseignants.

Pour notre part, nous signalerons un fait, qui nous semble révélateur de l'impact de ce réseau. Quand la M.A.F.P.E.N. a décidé en 1996 d'intégrer le réseau dans son fonctionnement général, un certain nombre de membres, parmi lesquels par exemple les documentalistes, ont décidé de continuer à se réunir. ‘"Et c'est vrai que cette habitude de travailler ensemble, c'est pas un truc qu'on va abandonner comme ça’ 156 ", dit une des animatrices du réseau. A l'occasion de ces rencontres, de ces travaux menés en commun, les gens ont donc pu mesurer les bénéfices que leur apportait ce travail en commun avec des collègues. Il leur est devenu à ce point nécessaire qu'ils envisagent de poursuivre bénévolement les réunions qu'il suppose.

Notes
156.

Entretien ND, du 25/06/98.