2.1.3. Les Effets

Tout d'abord, voyons comment les actions de la M.A.F.P.E.N. ont été vécues de l'intérieur de l'établissement. Le principal raconte : ‘"Les professeurs étaient un peu dubitatifs vis à vis de personnes extérieures qui ne connaissaient pas l'intérieur de l'établissement et il y avait comme une réserve (...) Ils n'étaient pas bien sûrs qu'un regard extérieur serait utile (...) Ensuite, ils ont accepté plus facilement, parce qu'il y avait bien une volonté de transformation organisationnelle. En apparté avec la M.A.F.P.E.N., on s'est mis d'accord pour transformer un certain état d'esprit. C'est ça le plus difficile. Parce que on peut faire du neuf, en apparence, et puis rester sur de l'ancien. C'était un peu notre risque. Alors transformer les méthodes, etc..., cela a été l'occasion avec les intervenants M.A.F.P.E.N. des différents disciplines, d'aborder le sujet. (...) Avec eux, c'était plus facile, parce que c'était quelqu'un de leur bord. (...) En fait, le projet n'était pas complètement élaboré (...) On peut dire que la M.A.F.P.E.N. a alors joué un rôle considérable. On a mesuré ainsi tout ce qu'il nous fallait pour mettre en route ce projet, à Rive de Gier. C'était un projet très ambitieux, puisqu'il touchait tous les élèves, et toutes les matières, avec notamment les groupes de niveau-matière, type Legrand. On a donc listé les besoins dans toutes les disciplines, non seulement les besoins d'organisation, mais derrière la nouvelle organisation, il fallait aussi un changement d'état d'esprit... Chez les enseignants... Et comme c'était relativement mûr, mais pas tout-à-fait, il y a eu un travail de mise en condition..., appelons ça comme ça..., par la M.A.F.P.E.N.’ 213 " Nous pouvons donc constater l'importance du travail effectué par les intervenants M.A.F.P.E.N. à cette période, importance également soulignée par un professeur : ‘"Les gens de la M.A.F.P.E.N. nous aidaient principalement à organiser ces réunions, parce que cela posait un gros problème d'organisation ; on ne savait pas comment discuter avec un aussi grand nombre de gens. (...) Là, il nous ont aidés, parce qu'ils étaient extérieurs au groupe, et qu'il fallait expliquer ce qu'on voulait faire, et cela nous a permis d'élucider mieux’ 214 ." L'aide apportée par les différents formateurs M.A.F.P.E.N., pour l'élaboration du projet d'établissement, a donc été appréciée aussi bien par le principal que par les enseignants.

Mais cela n'a pas forcément été le cas pour d'autres actions, puisqu'on souligne aussi que les formations mises en place ne répondent pas toujours aux attentes. ‘"On les a vu d'autres fois, mais en général, cela n'a pas été très bien vu, parce qu'on avait toujours l'impression qu'ils ne comprenaient pas notre attente et que ce qu'ils nous proposaient n'était pas ce que nous avions demandé’ 215 ", dit aujourd'hui un enseignant qui a été très impliqué à l'époque dans le projet de ce collège. Les actions de la M.A.F.P.E.N. ont été vécues de manière différente selon les personnes et selon les moments.

Quoi qu'il en soit, le collège a commencé à fonctionner à partir de la rentrée 1984 selon la nouvelle organisation prévue par le projet, et cette expérience s'est poursuivie pendant plus de dix ans avec, bien entendu des aménagements successifs. Pour l'année 92-93, par exemple, on trouve un projet considérablement étoffé, comportant plus de cinquante pages, alors que celui de 84 n'en comportait que quatre. Mais le projet est toujours basé sur le système des U.V. et sur la gestion souple du temps, avec les séquences de cinquante minutes. Il est cependant complété alors par des groupes de besoins. ‘"C'est sûr que dans ce collège,"’ ‘ dit un enseignant, ’ ‘"il s'est passé des choses assez importantes, et qui ont duré. Ce n'était pas des petites choses ; chaque année, il y a eu des modifications, des choses nouvelles, parce qu'il y avait une dynamique. Il y avait des discussions ; on a fait l'expérience de gérer notre projet nous-mêmes’ 216 ." Il apparaît donc là que, après avoir eu besoin de la M.A.F.P.E.N. dans la phase d'élaboration du projet, on a pu ensuite gérer l'évolution des choses de manière autonome. Voilà un premier élément positif, que l'on peut attribuer à l'action de la M.A.F.P.E.N., dans ce collège.

On souligne d'autre part que ‘"il y avait beaucoup de gens qui étaient motivés ; même les parents d'élèves, et aussi les élèves, parce que cela créait des conditions de travail différentes. Du point de vue ambiance dans le collège, c'était assez positif. (...) En tout cas, cela a créé une dynamique très, très importante’ 217 ." Un deuxième élément apparaît ici, c'est l'influence qu'a eu ce travail collectif, sur l'ambiance du collège, sur le "climat", comme on dirait aujourd'hui. On constate donc une fois de plus que lorsqu'un projet parvient à mobiliser une part importante de l'établissement, il se crée une dynamique qui a une influence importante sur l'ambiance de l'établissement.

Pour le principal du collège, cela se répercutait sur les résultats des élèves. ‘"C'était favorable, ’ ‘dit-il ;’ ‘ mais on s'était aperçu qu'on faisait monter le niveau des bons et même des moyens, mais on avait des difficultés pour élever comme on l'aurait voulu le niveau des moins bons. Néanmoins, le niveau des faibles s'améliorait selon les matières’ 218 ." Il nous précise qu'on a pu déduire cela de l'examen des bulletins trimestriels des élèves, mais nous n'avons pas retrouvé de documents permettant de le vérifier.

Un document destiné à présenter le projet à une "Journée de la rénovation", en février 85, énumère les ‘"bénéfices déjà retirés : 50 % des élèves ont redoublé une matière au moins, avec un chance de rattrapage ; des échanges fructueux S.E.S.-collège ; une amélioration tangible des relations entre professeurs et élèves, entre élèves et entre professeurs ; des emplois du temps plus performants et mieux équilibrés ; un déblocage de l'imagination et des capacités d'initiative et une extension du rôle des professeurs et de l'administration collégiale en symbiose plus étroite."’ Le document ne précise pas comment ces bénéfices ont pu être évalués. Il ne semble pas que des indicateurs aient pu être définis, on a seulement recueilli des impressions, des points de vue, dans lesquels il y a certainement une part de vérité, mais qui ne présente pas la rigueur et les garanties d'une évaluation "dans les règles", avec objectifs, critères, indicateurs, etc...

Une autre effet, tangible celui-là, doit être mis au crédit de ce projet. L'élaboration de ce dernier a incité les enseignants à travailler en groupe, collectivement, ce qu'ils ne faisaient pas auparavant, ou alors de manière beaucoup plus ponctuelle et marginale. ‘"Cela a créé des groupes de travail, des gens qui se sont mis à travailler en commun. Il semble que plusieurs en ont tiré quelque chose du fait d'avoir travaillé ensemble ; il y a une dynamique assez importante qui s'est créée’ 219 ."

En somme, si l'amélioration des résultats des élèves n'a peut-être existé que dans le désir du principal, la participation des enseignants, elle, a bien été une réalité, puisqu'elle était indispensable à la mise en oeuvre du projet. Or l'existence des actions de la M.A.F.P.E.N. a facilité cette participation. On peut penser que si la M.A.F.P.E.N. n'avait pas existé, il aurait été moins facile, pour les personnels de cet établissement, de concevoir et de faire fonctionner un tel projet ; peut-être même n'aurait-il jamais été mis en oeuvre. Compte tenu du travail supplémentaire que cela supposait pour tous, un tel projet n'a pu fonctionner pendant plus de dix ans, que parce qu'une majorité du personnel était d'accord, et y trouvait son compte. On peut donc considérer que l'action de la M.A.F.P.E.N. a contribué à ce que ce travail collectif des enseignants, son retentissement sur le climat de l'établissement et sur la durée du projet, puissent exister, même si ces effets ne sont évidemment pas imputables uniquement à l'action de la M.A.F.P.E.N.

Notes
213.

Entretien XR, du 04/03/98.

214.

Entretien MB, du 02/02/98.

215.

ibid.

216.

ibid.

217.

ibid.

218.

Entretien XR, du 04/03/98.

219.

ibid.