2.2.2. Le Contenu Du Projet De Rénovation

Le projet se met donc en place à la rentrée 84. Il part du constat que la concertation entre les enseignants est absolument indispensable, comme le leur a montré le travail sur la classe de C.P.P.N., ainsi que le projet sur les sixièmes qui a suivi. Il prévoit donc la mise en place de ‘"concertation interdisciplinaire dans toutes les classes de sixièmes et dans trois classes de cinquième’ 227 ." Le reste du projet découlera, d'une part, de la volonté d'intégrer cette concertation dans le temps de service des enseignants, et d'autre part de la volonté d'améliorer la réussite des élèves. Pour cela, on décide la ‘"réduction de la durée des séquences de cours à cinquante minutes"’. Une partie du temps ainsi libéré est utilisée pour la concertation, et le reste, que l'on appelle le "temps souple", pour des activités avec les élèves. Cependant, dès l'année suivante, le Rectorat obligera à restituer davantage de temps aux élèves. Un accord interviendra entre les parents et l'administration sur le partage du temps libéré entre concertation et temps souple, qui constituent donc les deux axes du projet.

Le "temps souple" est organisé lors d'une demi-journée banalisée ; c'est ‘"l'organisation de travaux différents des cours habituels. Ces activités sont centrées sur quatre axes : aide méthodologique (soutien, atelier lecture, remédiation, acquisition de capacités) ; aide à l'orientation ; ouverture au monde extérieur (théâtre, cinéma, débats, conférences, concerts, activités sportives) ; vie de classe (préparation et compte-rendu des conseils, vie relationnelle)."’ Mais d'autres activités peuvent également être proposées aux élèves : ‘"rattrapage de cours, activités d'associations, animations, C.D.I.’ 228 " On voit que l'organisation de cette demi-journée banalisée représente un travail important, puisqu'il est nécessaire d'établir chaque semaine des listes d'élèves par activités, prévoir les salles de classe, etc...

Quant à la concertation, ‘"elle se présente sous plusieurs formes : préparation des séquences de temps souple ; élaboration de projets communs (concertation transdisciplinaire) ; concertation par équipe de classe ; concertation disciplinaire ; commissions diverses (exemple : commission d'évaluation)’ . La concertation reste bien l'axe central et la raison d'être du projet, comme cela a été défini dès le début. Nous avons vu que les psychopédagogues de l'E.N.N.A. avaient accompagné plusieurs équipes pédagogiques de cet établissement dans leur travail en commun. C'est grâce aux bénéfices qu'ils ont retiré de cette expérience inédite pour eux, que plusieurs professeurs du collège ont souhaité placer cette concertation au centre du projet. L'un des professeurs les plus impliqués nous explique que ‘"la concertation, au début, c'est difficile ; on n'est pas habitué à le faire. Mais on a été nombreux à essayer de le tenter, d'abord parce qu'on voulait fabriquer des outils, et on ne pouvait pas le faire tout seul dans son coin. Donc c'était une nécessité, mais en même temps, au début, on a eu des difficultés, parce qu'on avait l'impression de perdre du temps. Le temps que chacun s'exprime, avec sa façon de prendre les choses ; ce n'était pas toujours facile de s'harmoniser, de se donner un ordre du jour précis, d'aboutir dans le temps qu'on s'était donné pour produire ce qu'on veut. Et je crois que le fait d'avoir travaillé ensemble nous a beaucoup appris : progressivement, on a fixé des réunions avec des horaires stricts, avec des objectifs, avec des ordres du jour affichés à l'avance. Quand on faisait des concertations disciplinaires, on savait ce qu'on voulait avoir clarifié à la fin de la réunion, et puis ensuite, on se répartissait les tâches pour poursuivre le travail ; mais cela a été long, on n'a pas réussi à fonctionner comme cela du premier coup’ 229 ." Cette enseignante avance dont un élément qui nous semble important : la pratique du travail en équipe autour d'un projet permet de découvrir que le travail en équipe, ce n'est pas facile et, donc, que se concerter cela s'apprend. Cet apprentissage doit donc faire partie de la formation d'un enseignant. Voilà un élément nouveau, par rapport à la conception de la formation qui dominait auparavant.

Cependant, même si on prend conscience de la difficulté de travailler en équipe, on constate néanmoins que le jeu en vaut la chandelle, quand on repère les bénéfices que ce travail en équipe peut procurer. En effet, elle ajoute que ‘"on a trouvé qu'on était beaucoup plus efficace au bout d'un certain temps, quand on avait l'habitude de travailler ensemble ; et aussi on avait l'impression de faire un travail beaucoup plus riche avec les élèves, parce que chacun avait apporté sa façon de voir et qu'au bout du compte, on avait des exercices plus variés, ou des façons différentes d'aborder les choses, avec des points de vue différents, ce qui permettait de répondre aux différents besoins des différents élèves. On trouvait aussi qu'on gagnait du temps, parce qu'on se partageait le travail. Par exemple, quand on avait préparé une séquence, chacun mettait en forme une partie. On était persuadé que c'était mieux, même si cela ne s'est fait qu'au bout d'un certain temps. On a pensé que c'était vraiment très formateur. On n'avait pas vraiment appris avant, ce n'est donc pas donné d'avance, mais en même temps, cela nous permettait de mieux comprendre les différentes démarches des élèves, parce que, étant différents nous-mêmes les uns et les autres, on n'avait pas la même façon d'aborder une question, et cela nous rendait plus ouvert aux différences entre les élèves. On s'est toujours dit que c'était important d'arriver à montrer ce que cela pouvait avoir de positif, parce qu'a priori on voit plutôt les inconvénients...’ 230 " Trois apports de la concertation sont ici pointés par ce professeur. Tout d'abord, au lieu de faire perdre du temps, comme on le croit généralement, la concertation en fait gagner. D'autre part, la variété des apports de chacun enrichit le travail, le rend plus intéressant. Enfin, la découverte des différences entre les membres de l'équipe permet de mieux comprendre les différences entre les élèves.

Notes
227.

Cf annexe n°6 : Collège (1993)

228.

Cf annexe n°6 : Collège (1985)

229.

Entretien CK, du 16/11/97.

230.

Entretien CK, du 16/11/97.