3.2. Ce Qui A Évolué

3.2.1. D'un Droit À Une Nécessité

Tout d'abord, la création des M.A.F.P.E.N. et leur fonctionnement ont permis de ne plus percevoir la formation continue seulement comme un droit accordé par la loi, aux enseignants comme aux autres travailleurs. Elle est aujourd'hui perçue comme une nécessité. Mais on peut se demander à qui la formation continue est nécessaire. Nous avons évoqué au début de notre étude, une conception de type "économique", faisant de la formation continue ‘"l'instrument privilégié de l'adaptation des hommes aux vicissitudes d'une économie toute entière soumise aux impératifs du profit". ’(Dubois, 1971). Dans cette conception, la formation apparaissait comme nécessaire seulement pour le système. Bien entendu, on ne peut nier que la formation bénéficie au système qu'elle rend plus performant. Mais le système n'est pas le seul bénéficiaire de la formation continue ; elle profite aussi aux enseignants eux-mêmes et par ricochet aux élèves. Elle apparaît aujourd'hui surtout comme un accompagnement nécessaire, indispensable même, de l'évolution de l'enseignant tout au long de sa carrière. Elle lui est nécessaire pour lui permettre de tenir compte, dans sa pratique quotidienne, des évolutions inéluctables des publics scolaires, évolutions reflétant celles de la société toute entière.

Autrement dit, aujourd'hui, dans la majorité des cas, un enseignant du secondaire ne va plus en formation, comme cela a pu être le cas parfois, parce que l'institution le lui propose, parce qu'il y a droit, même s'il n'en a pas ressenti la nécessité. Au contraire, il est maintenant demandeur de formations lui permettant de trouver des réponses aux problèmes qui se posent à lui dans sa pratique quotidienne. L'importance prise par la formation continue dans l'enseignement secondaire depuis 1982, a rendu caduque l'image de l'enseignant formé une fois pour toute et a permis d'accréditer l'idée qu'il a lui aussi, comme les autres travailleurs, besoin d'une formation "permanente", tout au long de sa vie professionnelle.

Notons cependant que la formation continue n'a sans doute pas produit des changements spectaculaires dans les pratiques pédagogiques des enseignants, comme la grande majorité des acteurs des premières années l'espéraient. Philippe Perrenoud, nous l'avons vu au début de ce travail, nous avait mis en garde contre une attente démesurée dans ce sens. (Perrenoud, 1994 a, p.63-90). Antoine Prost quant à lui, pense tout de même que la formation permanente, comme la recherche d'ailleurs, s'il n'est pas certain qu'elle produise du changement, constitue cependant une instance de "légitimation du changement". ‘"Le fait pour un certain nombre d'innovations d'être relayées par les M.A.F.P.E.N., est tout-à-fait important, car un stage M.A.F.P.E.N., une Université d'été M.A.F.P.E.N., sont des instances de légitimation, donc de caution officielle à un changement qui peut ainsi se réaliser dans une classe.’ " (Prost, 1996). On est donc passé d'une période où on n'attendait rien de la formation continue puisqu'elle ne semblait pas vraiment nécessaire, à une période où on en attendait tout et en particulier des changements spectaculaires, pour en arriver aujourd'hui à une attente probablement plus "raisonnable" vis-à-vis de la formation continue, celle d'accompagner l'évolution de l'enseignant tout au long de sa carrière.