4.2.1. L'opposition Syndicale des ouvriers du pétrole de Bahia

Mon premier contact avec le syndicat des travailleurs de l'exploration et de la production pétrolière à Bahia, a eu lieu durant la grève des travailleurs du raffinage en juillet 1983 (je venais de rentrer à PETROBRAS). Ce fut un contact indirect, car je m'étais étonné alors du fait que cette grève n'était pas mentionnée dans les publications du syndicat auquel j'appartenais ; du moins dans les sondes de perforation pétrolière, nous n'avions aucune nouvelle syndicale. Les seules informations disponibles étaient celles parues dans les moyens de communication de masse. Il était un peu gênant pour moi d'avouer à des amis, parfois militants de gauche, que bien qu'appartenant à la même entreprise que les grévistes, du fait que je n'étais pas représenté par le même syndicat que le leur, je ne savais de la grève rien de plus que ce qu'en montrait la télévision. Cela m'incita à participer plus activement aux activités syndicales.

La première réunion syndicale à laquelle j'ai assisté me laissa un souvenir très négatif. J'avais appris la tenue de cette réunion par des amis de l'époque de l'Ecole Technique, car pour ceux qui travaillaient dans les sondes de perforation comme moi, les informations sur les réunions du syndicat n'arrivaient jamais, ou presque jamais. C'était une réunion organisée pour décider des stratégies qui devaient être adoptées pour la campagne salariale, afin d'obtenir une augmentation salariale plus importante que celle que la direction de l'entreprise avait déjà annoncée.

Je m'attendais à des discussions et à des débats semblables à ceux que je connaissais au sein du mouvement étudiant, où le débat idéologique et les critiques vis-à-vis du gouvernement avaient une place importante. Rien de plus éloigné de la réalité ! J'assistais à une réunion où la majorité des présents était des retraités de PETROBRAS, où les retrouvailles avec les anciens camarades de travail étaient plus importantes que les débats autour de la question salariale. De plus, je perçus clairement que les propositions faites par les dirigeants syndicaux étaient toujours assurées de la victoire lors des délibérations ; parfois on prétendait même empêcher d'autres personnes n'appartenant pas à la direction du syndicat de faire des propositions, car les dés étaient joués d'avance.

De même, il y avait tout un ensemble de codes que j'avais du mal à comprendre : les gens criaient presque tout le temps, rigolaient, se racontaient des blagues, se remémoraient de vieilles histoires, etc. pendant que les orateurs inscrits se succédaient. Lors des conflits relatifs aux mesures à adopter, l'assistance adoptait en général une attitude très agressive vis-à-vis de ceux qui osaient défier la ligne proposée par les responsables du syndicat.

En ce qui concerne les discours syndicaux, le ton général soulignait l'importance d'éviter un conflit direct avec l'entreprise. Avant cela, il fallait épuiser toutes les alternatives ; en dernier ressort il nous restait toujours la possibilité de demander un arbitrage auprès de la cour de justice du travail. Les critiques et remarques du petit groupe d'opposition syndicale (quand j'ai commencé à fréquenter leurs réunions, quelques mois plus tard, ils n'étaient plus qu'une dizaine), apparurent comme la seule note dissonante de la soirée.

Je ne relate ici, je le répète, que des impressions ressenties personnellement. Cependant, plusieurs amis m'ont avoué avoir eu la même impression lors de leur première réunion syndicale. L'attrait que le message de l'opposition syndicale exerçait sur nous s'explique par le fait que non seulement elle était sur la même longueur d'onde que la tendance majoritaire du syndicalisme brésilien (liée au Parti des Travailleurs et à la Centrale Unique des Travailleurs), mais que, de plus, elle se présentait comme une alternative au monopole du pouvoir syndical que détenaient les retraités.

Ainsi, je me suis rapproché, presque naturellement, du groupe d'opposition syndicale qui, depuis le début des années 80, essayait de dynamiser l'action du syndicat ; ce qui pour moi signifiait une plus grande proximité avec le type de syndicalisme proposé par la Centrale Unique des Travailleurs (CUT).