5.1.2. Le contrôle des majors

Après la première guerre mondiale et jusqu'aux années 50 l'industrie mondiale du pétrole fut entièrement contrôlée par le cartel des grandes entreprises pétrolières, plus connues sous le nom des "Sept Soeurs" ou des "Majors". Ce cartel était composé de cinq compagnies américaines : la Standard Oil of New Jersey (Exxon),la Mobil Oil, la Texaco, la Gulf Oil et la Standard Oil of California (Socal), plus deux compagnies européennes : l'anglaise Britsh Petroleum et l'anglo-hollandaise Shell.

Durant cette période, les Majors s'approprient les principales sources pétrolières et définissent les prix du brut selon des critères imposés. L'appropriation des sources pétrolières, surtout celles localisées au Moyen-Orient, se réalise à travers le système des concessions ; selon ce principe, les pays producteurs recevaient une somme d'argent pour une quantité donnée de pétrole produit (royalties par tonne) indépendamment des profits obtenus par les entreprises pétrolières, lesquelles étaient libres de déterminer les niveaux de production et les prix affichés.

De plus, après la fin des années 20, les Majors s'accordent sur le partage des zones de production et pour la fixation d'un prix unique, en imposant le prix du brut dans la région du Golfe du Mexique comme le prix du pétrole à l'échelle mondiale (système Golfe Plus). Or, en établissant le prix selon les coûts de production du pétrole dans le Golfe du Mexique, les Majors s'offraient en vérité une rente différentielle par rapport au pétrole du Moyen-Orient, produit dans de meilleures conditions et à des prix plus bas qu'ailleurs.

De cette époque datent, quelques conflits importants entre gouvernements de certains pays et entreprises pétrolières. Ce fut notamment le cas du conflit qui opposa le gouvernement mexicain aux compagnies du pétrole, lors de la nationalisation du pétrole mexicain, en 1938 ; la raison alors affichée par l'Etat mexicain fut le refus des compagnies d'adopter une résolution de la justice du travail, ce qui était considéré comme une atteinte à l'autonomie et à l'indépendance du pays.

La nationalisation du pétrole mexicain a ouvert un précédent jugé très dangereux par les responsables des grandes entreprises internationales. Ce qui explique la position adoptée par les gouvernements des pays d'origine de ces compagnies (États-Unis et Grande-Bretagne) ; lesquels imposent un boycott contre le pétrole du Mexique, des représailles financières et envisagent, pendant un certain temps, une intervention militaire au Mexique. Quoi qu'il en soit, le contrôle des Majors sur le marché mondial réussit à bannir le pétrole mexicain des échanges internationaux, mettant en garde les États aux prétentions nationalistes sur le pétrole.

Ce contrôle presque absolu que les grandes entreprises internationales exerçaient sur l'industrie pétrolière mondiale commencera à être plus vivement contesté à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale.

D'un côté, les pays importateurs allaient se heurter au système Golfe Plus de fixation des prix. Surtout pour les pays européens, il était difficile d'admettre d'avoir à payer plus cher pour le pétrole du Moyen-Orient alors que les coûts de production et de transport ne le justifiaient pas. La création d'entreprises publiques indépendantes (après le Mexique dans les années 30, l'Italie, la France, le Brésil, etc. allaient, eux aussi, créer leurs entreprises nationales du pétrole), fut le moyen pour certains pays de s'opposer aux politiques du cartel pétrolier. Ces entreprises joueront un rôle très important aussi bien dans la recherche de nouvelles sources pétrolières que dans la commercialisation du pétrole provenant des zones de production hors du contrôle des Majors, en particulier des pays à économies planifiées. Cela entraînera par la suite des conséquences remarquables dans la capacité des "Sept Soeurs" à poursuivre, seules, la fixation des prix internationaux du pétrole.

De l'autre côté, les pays exportateurs commencèrent, à cette même époque, à envisager des changements dans le système des concessions, principalement en ce qui concerne les modalités de paiement (par royalties). Le premier pas fut donné par le Venezuela qui, en 1948, inaugura le principe de partage égal des profits entre compagnies exploitantes et gouvernement du pays producteur, plus connu sous le nom de << principe du 50/50>>. Très vite ce principe va se généraliser au Moyen-Orient, où la plupart des pays producteurs adoptèrent ce système dès le début des années 50.

Bien que les effets de cette mesure sur la santé économique des entreprises multinationales n'aient pas été très conséquents, d'autant plus que le gouvernement américain remboursa aux compagnies pétrolières américaines leurs dépenses en paiement aux gouvernements étrangers, cela augmentera la volonté des gouvernements des pays producteurs de détenir le contrôle des sources pétrolières.