6. La dialectique entre le national et le régional : pétrole et régionalisme à Bahia

6.1. Bahia : quelques repères historiques

En 1950 la ville de Salvador, capitale de l'État de Bahia 47 , était en pleine décadence. Elle était devenue un pâle reflet de l'ancienne métropole coloniale, celle qui jadis fut le centre économique et administratif de toute la colonie portugaise en Amérique du Sud. De son passé fastueux, seules étaient préservées, en témoignage solitaire, l'architecture baroque de ses nombreuses églises - 365 selon la légende - et une certaine fierté de ses habitants d'être bahianais. Fierté qui, d'après les louangeurs de l'âme bahianaise, résistait à tout, malgré le déclin actuel et le sentiment généralisé que Salvador avait manqué le coche de l'histoire.

Fidèle au principe théorique que toute reconstruction du passé, aussi exacte soit-elle, demeure toujours relative et incomplète, nous n'avons pas ici la prétention de reconstituer pas à pas ce processus de décadence. Si nous avons vaincu les résistances qui pouvaient nous retenir de réviser certaines idées admises sur l'histoire de Bahia, c'est que nous jugeons ces représentations comme étant importantes pour la compréhension des discours régionalistes bahianais des années 1950. Cependant, Nous ne nous poserons pas en tant qu'historien, ces professionnels de la reconstruction du passé, pour qui la vérification par soi-même des sources citées est une étape importante du travail de recherche. La portée de notre démarche est beaucoup plus limitée : essayer de donner un aperçu, forcément incomplet, de la longue histoire de Bahia, telle que nous l'ont livrée aussi bien ses historiens que certains de ses acteurs politiques et économiques. Notre but, ici, n'est pas de retracer l'histoire de Bahia, travail qui nécessiterait un tout autre engagement épistémologique, mais de montrer quelles étaient, en 1950, les interprétations du passé à Bahia.

Notes
47.

Salvador de Bahia ou tout simplement Salvador, manière dont les Brésiliens l'appellent. Ici on emploiera ces deux dénominations pour distinguer la ville de l'État de Bahia, malgré le fait que les Bahianais eux-mêmes parfois nomment indistinctement Bahia aussi bien la ville que l'État. Ainsi lorsqu'on voudra parler de la ville, nous emploierons les appellations de Salvador ou de Salvador de Bahia. Au contraire, Bahia désignera ici seulement l'État de Bahia, unité de la Fédération brésilienne.