6.3. Le Pétrole ou la Dernière Chance de Bahia.

La découverte du pétrole à Bahia, en janvier 1939, a eu un grand retentissement populaire à Salvador, où la nouvelle a fait la une de tous les journaux. Pour comprendre l'importance accordée à cet événement - à Bahia, mais ailleurs également - il faut se rappeler que prouver l'existence de pétrole dans le pays mettait en jeu, à l'époque, une question d'honneur et de salut national ; ceci parce que les espoirs placés sur l'éventualité de l'exploitation du pétrole faisaient rêver certains à une accélération du développement brésilien :

‘<< Le premier puits de pétrole d'un pays est une chose très, très importante. C'est le tour de clef dans la serrure qui ouvre la porte. C'est l'arrivée de Colombo en Guanaani. C'est Santos Dumont en plein vol autour de la Tour Eiffel. C'est Newton en train de regarder la chute d'une pomme. C'est le Colonel Drake qui initie, en Pennsylvanie, la série d'un million de puits qui déterminent la grandeur et l'immense pouvoir des États-Unis. Les puits artisanaux faits par Oscar Cordeiro et, ensuite, le forage prouvèrent l'existence du pétrole dans un certain point de la superficie de la Terre. Où était ce point ? Au Brésil.>> 69 . ’

La découverte du pétrole sur la commune même de Salvador est venue renforcer les discours régionalistes qui, depuis la Révolution de 1930, gagnaient en force à Bahia. Dans un tel contexte, le pétrole est apparu comme un facteur économique susceptible de promouvoir le développement de l'État ; attente fondée sur les représentations dominantes au Brésil, associant au pétrole le rôle de générateur de richesses et de prospérité.

Dans son étude sur les stratégies économiques et politiques des groupes entrepreneuriaux bahianais, Guimaraes (1982) nous apprend que dès les années 40, le pétrole apparaissait déjà dans leurs discours comme étant un des secteurs clefs pour redynamiser l'économie régionale. Ils revendiqueront, dans un premier temps, la priorité pour les capitaux bahianais - éventuellement en partenariat avec des capitaux étrangers - dans l'exploitation et dans l'industrialisation du pétrole du sous-sol de Bahia. Pétrole qui à ce moment, n'était encore qu'une possibilité, devenue probable par la mise en production des premiers puits pétroliers.

Néanmoins, dans une deuxième étape, quand l'option nationaliste sur le pétrole est devenue très importante au Brésil, au cours des années 50, ces groupes vont modifier radicalement leur action : plutôt que de vouloir obtenir une participation directe dans les activités pétrolières, ils vont s'orienter davantage vers la demande d'une allocation plus substantielle des ressources de PETROBRAS à Bahia. Les nouvelles revendications visaient particulièrement l'installation d'une industrie pétrochimique dans l'Etat, ce qui plus tard permettra à la bourgeoisie bahianaise d'entrer dans le club très fermé de cette industrie au Brésil. Mais cela seulement dans les années 70, lors de l'implantation d'un pôle pétrochimique d'envergure à Bahia. Ce fait aura des retentissements considérables sur l'ensemble de la vie économique et sociale de l'État, notamment sur la place de l'activité industrielle dans la dynamique de l'économie bahianaise.

On voit ainsi que l'industrie pétrolière a été à la base même non seulement d'une réadaptation économique des groupes entrepreneuriaux de Bahia, mais aussi d'une diversification et industrialisation de l'État. En relativement peu de temps, d'État décadent, Bahia devient un État dynamique, où les modernes et rentables industries chimiques et pétrochimiques sont devenues les activités principales. C'est ce processus que nous décrirons maintenant.

Notes
69.

Article de l'écrivain Monteiro Lobato publié par la première fois en janvier 1948, et publié à nouveau dans l'édition spéciale des 20 ans de PETROBRAS de la Revue PETROBRAS (septembre/octobre 1973, page 43).