7. Syndicalisme et action syndicale au Brésil

Les syndicats sont en crise. Partout dans le monde résonne ce constat. Pour de multiples raisons – à la fois économiques, politiques et culturelles 98 – les syndicats sont confrontés à des difficultés nouvelles et importantes dans leur rôle de représentation des travailleurs. De cette crise, les aspects les plus visibles sont les taux de syndicalisation en chute libre et l'incapacité des syndicats de proposer, et de faire adopter, des mesures permettant d'enrayer le chômage et la précarité d'importantes franges de la population, voire même, leur incapacité de préserver des droits sociaux acquis auparavant.

Le syndicalisme est bien en crise, et pour autant, parfois, les syndicats démontrent encore leur aptitude à organiser des mouvements sociaux, dont celui de décembre 1995 en France, qui fut très médiatisé. De même, dans une période pas si lointaine, le syndicalisme a joué un rôle important dans les processus de démocratisation de l'Espagne, du Brésil, du Chili et de la Pologne, 99 pour ne citer que les cas les plus paradigmatiques.

Tout cela nous amène à penser que si crise il y a, c'est plutôt une crise de certaines pratiques syndicales, d'une certaine façon d'envisager les syndicats, basée sur l'action militante. C'est plutôt l'idée du syndicat comme famille, et comme forme privilégiée d'action collective des travailleurs qui est en crise.

Mais, pour autant, le syndicat en tant qu'institution et organisation capable de catalyser l'action collective des salariés est loin d'avoir épuisé ses limites ; ce qu'attestent des événements récents. A une époque où les idéaux d'autonomie et de liberté individuelle sont devenus hégémoniques dans le monde moderne, les gens ne sont plus prêts à consacrer leurs vies à l'action collective centralisée comme leurs aînés ; mais, en même temps, ils ne peuvent pas se passer des "organisations" (syndicales ou autres) pour faire entendre leurs voix dans un monde de plus en plus impersonnel et mondialisé.

Cela étant, nous n'étudierons ici que le syndicalisme brésilien, sans aucune volonté d'établir des comparaisons avec d'autres syndicalismes dans d'autres pays. De même, nous ne pensons pas que la situation brésilienne puisse être prise comme paradigmatique des problèmes auxquels les syndicats sont confrontés aujourd'hui à l'échelle planétaire. Si notre époque, caractérisée par la mondialisation des économies et par des échanges interpersonnels et interculturels élargis, nous offre, sans doute, des points en commun et des rapprochements à établir sur ce thème, il ne faut pas oublier que chaque contexte national, et même régional, est unique.

Il n'en reste pas moins que les exemples apportés par d'autres situations que les nôtres nous aident toujours à dénaturaliser notre réalité. Nous espérons, donc, que ce chapitre pourra intéresser des lecteurs français interpellés par la question syndicale mais pas forcément intéressés par le Brésil.

Notes
98.

Voir, par exemple, Ronsanvallon (1988) et Mouriaux (1986), parmi d'autres.

99.

Pour une vision d'ensemble sur le rôle des syndicats dans plusieurs processus de redémocratisation, voir O'Donnel et Schmitter (1988) et sur le cas polonais voir Touraine et allii (1982).