7.3.2. Le syndicalisme à l'heure de la démocratisation (1945-1950)

Cette situation changera rapidement avec le retour du pays à la démocratie en 1945. Le retour à la normalité démocratique était devenu une revendication de pratiquement toutes les forces politiques du pays, et ce, dès l'entrée du Brésil dans la deuxième guerre mondiale, aux côtés des pays alliés, en 1942. Il devenait difficile de légitimer le régime autoritaire en vigueur au Brésil, quand les soldats brésiliens étaient mobilisés sous le motif d'aller se battre en Europe pour aider à sauver la démocratie dans le monde. Vargas en prend conscience, car dès 1943 il commence à affirmer qu'à la fin de la guerre le pays retournera à la démocratie.

En effet, en 1945, Vargas fixa les élections présidentielles pour la fin de l'année, en même temps qu'il concéda une amnistie à tous les prisonniers et exilés politiques de son régime. Cependant, les Ministres Militaires, craignant que le Président n'utilise la machine étatique pour favoriser ses candidats, ou, même, pour rester au pouvoir, lui imposent de se retirer avant les élections.

L'éloignement de Vargas des centres de décision, l'amnistie à l'encontre des prisonniers politiques, la légalisation du Parti Communiste Brésilien (PCB), l'élection d'une nouvelle Assemblée Constituante, etc., témoignent d'un certain assouplissement de la vie politique brésilienne.

Dans ce nouveau climat, les militants mis à l'écart sous l'Etat Nouveau (entre 1937 et 1945), arrivent à participer aux débats au sein du mouvement syndical brésilien, menaçant ainsi l'hégémonie de la bureaucratie syndicale mise en place par le varguisme. Cela est particulièrement vrai pour les communistes, lesquels, profitant de leur relatif succès sur le plan politico-électoral 123 , essayeront de reconquérir une partie de leur pouvoir au sein du mouvement syndical brésilien. Tel est le sens de la création, par des militants communistes, du Mouvement Unificateur des Travailleurs (MUT), censé être la première étape vers la formation d'une Centrale Syndicale dans le pays. L'objectif affiché du MUT était de réduire les contrôles du Ministère du Travail sur les syndicats et de rendre possible l'unification des luttes des travailleurs.

C'est dans ce contexte que se tient, en septembre 1946, le Congrès Syndical des Travailleurs Brésiliens, avec la participation de 2.400 représentants syndicaux. Dans ce congrès, deux tendances politiques s'opposent : d'un côté, les communistes et les syndicalistes influencés par eux, proposent la création de la Confédération Générale des Travailleurs, laquelle se placerait en dehors de la tutelle de l'Etat et de la législation syndicale. Opposé à ce projet, le groupe de syndicalistes proche des techniciens du Ministère du Travail – raison pour laquelle on les appelait "ministèrialistes" 124 – abandonne les discussions et obtient que le Ministre du Travail déclare la fermeture du congrès. Les Communistes poursuivront, avec leurs alliés, le déroulement du Congrès au siège du Syndicat de l'Hôtellerie de Rio de Janeiro et décideront la création de la Confédération des Travailleurs du Brésil, selon les modalités d'une centrale syndicale indépendante.

Suite à ces événements, le Ministère du Travail autorisera, par décret, la création d'une confédération intégrée à la structure syndicale officielle, sous la direction des syndicalistes jaunes. On prétendait ainsi invalider le projet de construction d'une organisation de "haut niveau" telle qu'une centrale syndicale, regroupant l'ensemble du mouvement syndical brésilien, et indépendante des contrôles imposés par l'Etat.

Cette relative agitation au niveau des directions syndicales, exprimait aussi une certaine agitation au niveau des bases. Ainsi, tout au long de l'année 1946, d'après des données citées par Rodrigues (1986 : 538), ont été déclenchées 120 grèves à travers le pays (dont 60 au cours des deux premiers mois de l'année, dans l'État de São Paulo). Cette reprise des mouvements de masse par les syndicats brésiliens ne peut pas être comprise en dehors de la conjoncture de libéralisation politique qui a caractérisé la fin de la dictature de l'Etat Nouveau. Les débats qui ont suivi les élections pour la Présidence de la République et pour l'Assemblée Nationale Constituante galvaniseront l'ensemble de la société civile brésilienne. Qui plus est, la fin de la deuxième guerre mondiale, le retour des soldats brésiliens qui s'étaient battus en Europe, etc. donnaient une connotation positive à l'idée de la démocratie dans la vie politique brésilienne. Dans ce contexte, l'action des militants syndicaux les plus actifs (communistes et autres) devenait plus facile, d'autant plus que la répression devenait moins efficace.

Cependant, toutes les données allaient changer à partir de 1947. Tout d'abord, avec le début de la guerre froide au niveau international, le gouvernement brésilien devient plus méfiant et hostile vis-à-vis des communistes, prenant ses distances vis-à-vis du climat de réconciliation nationale qui avait marqué la fin de la dictature varguiste. De plus, face à une situation économique chaotique avec l'accélération de l'inflation et la diminution rapide des réserves internationales du pays (celles-ci passent de US $ 708 millions à la fin de la deuxième guerre mondiale, en 1945, à seulement US $ 92 millions au début de 1947), le gouvernement durcit sa politique économique. De plus, pour éviter des résistances majeures, il établit une politique répressive vis-à-vis de ses détracteurs les plus fervents, notamment le PCB et les syndicalistes proches de ce parti. Ce qui était d'autant plus tentant que les communistes devenaient une force hégémonique au sein du mouvement ouvrier, menaçant ainsi l'équilibre du pouvoir entre les groupes sociaux et, la conjoncture internationale aidant, réveillant les fantômes d'une révolution socialiste au sein des classes moyennes et des Militaires 125 .

Cette préoccupation à contrôler les forces politiques d'opposition se traduira par la dissolution du PCB en 1947 ; cela, après que ce parti eut conforté sa position sur l'échiquier politique brésilien lors des élections municipales de cette année. Ainsi, sous l'allégation que l'idéologie du PCB portait atteinte à la sécurité nationale, la Haute Cour (Supremo Tribunal Federal) accepte la demande du gouvernement et déclare le Parti Communiste illégal.

Cela laissera le chemin ouvert à une chasse aux sorcières dans le milieu syndical. Le Ministère du Travail, en faisant appel à la législation syndicale, interviendra et mettra à l'écart les directions de 143 syndicats en 1947 (sur un total de 944 syndicats). De même, la toute récente Confédération des Travailleurs du Brésil, soupçonnée d'être contrôlée par les Communistes, fut interdite.

Sous l'impact de ce durcissement politique vis-à-vis du parti communiste et des forces syndicales proches de ce parti, l'agitation syndicale perd de la vitesse. Ainsi, si en 1946 il y eut 120 grèves dans le pays, en 1947 il n'y en eut que 17, signe que le syndicalisme brésilien rentrait dans une période de repli. Encore une fois, les syndicats brésiliens suivaient l'évolution de la conjoncture politique du pays.

La période qui va de 1947 jusqu'aux années 50 est marquée par une relative paix sociale dans le domaine des relations professionnelles. L'éloignement des communistes et le renforcement des positions des syndicalistes fidèles aux recommandations et injonctions du Ministère du Travail, provoquent une accalmie des mobilisations ouvrières. Paradoxalement, cela provoque aussi un accroissement du nombre de syndicats existants, surtout dans des États situés en dehors de l'axe Rio de Janeiro-São Paulo. En vérité, nous assistons à l'approfondissement du processus de diffusion du phénomène syndical, les syndicats commençant à devenir, à cette époque, un phénomène national au Brésil.

Ainsi, les syndicats créés dans les États de Minas Gerais, Rio Grande do Sul, Bahia et Pernambuco feront tomber, au début des années 50, la participation relative des syndicats de Rio de Janeiro et São Paulo à moins d'un tiers du nombre total de syndicats dans le pays. Mais, comme nous le rappelle Rodrigues (1979) cela se fait par la création de syndicats de petites dimensions, en général dans des villes de l'intérieur, loin des capitales des États ; ce qui explique que malgré la croissance du nombre de syndicats dans d'autres États, 42 % des travailleurs syndiqués en 1952 se concentraient encore à Rio et à São Paulo.

Ce processus de "nationalisation" du syndicalisme est aussi visible par la croissance du nombre de fédérations et de confédérations – organisations prévues dans la législation syndicale – à partir des années 40. En 1942 il n'existait que trois fédérations, nombre élevé à 32 en 1947 et à 54 en 1952, (Rodrigues, 1986 :534) ; de même, les deux principales confédérations (celle des travailleurs de l'industrie et celle des travailleurs du commerce) datent de 1946.

Tout cela nous laisse entrevoir quelques-unes des caractéristiques de la formation historique du syndicalisme brésilien. Un syndicalisme conçu par les élites gouvernementales comme un moyen d'empêcher le développement de la lutte de classes ; d'où une législation prévoyant des contrôles et des sanctions à l'encontre des syndicalistes dépassant les limites imposées à leurs actions. Mais aussi, où les travailleurs trouvaient, en partie, leur compte, car ce syndicalisme était le point de passage obligé pour faire valoir, vis-à-vis du patronat, les droits travaillistes institués par Vargas dans les années 30. Dans ce contexte, plus qu'un instrument politique de mobilisation ouvrière, les syndicats apparaissaient dans les représentations sociales du Brésil des années 40 et 50, comme une organisation de défense des droits des travailleurs.

Autrement dit, dans cette période, le syndicalisme brésilien ne s'est pas forgé en tant que force politique ou contre-pouvoir de la volonté patronale. En partie, en raison de la répression exercée envers les anarchistes, les trotskistes et les communistes – les forces syndicales contestataires des années 30 –, les syndicats ont pu se développer comme des institutions relativement indépendantes du niveau d'organisation et de combativité des travailleurs. Et ce d'autant plus que les recettes financières de l'impôt syndical rendaient ce processus possible. Nous avons là une des explications possibles du taux de syndicalisation relativement bas 126 et de la petite taille des syndicats 127 à cette époque.

La plupart des syndicats étaient considérés comme un moyen d'accéder à la justice du travail (seuls les syndicats officiellement reconnus pouvaient interpeller la justice contre les abus des patrons, rappelons-le) et aux recours financiers mis à disposition de l'organisation syndicale. Ce qui pourrait expliquer l'existence de certains syndicats réunissant un nombre infime de travailleurs avec, parfois, moins de dix associés ; c'est ce que nous rapporte le sociologue José Albertino Rodrigues :

‘<< Quel poids réel peut avoir le Syndicat des Maçons de Lepoldina, dans le Minas Gerais, avec 15 associés ? Ou celui des Employés du Commerce de Teófilo Otoni, dans le même État, avec 12 associés ? Ou le Syndicat des Travailleurs dans l'Industrie de l'Alimentation à São Gabriel, dans l'État de Rio Grande do Sul, avec 11 associés ? Ou encore le Syndicat des Travailleurs de la 'Construction' de Cruzeiro do Oeste, dans le Paraná, avec 9 associés ? Et que dire du Syndicat des Travailleurs de l'Industrie des Chaussures de Ipameri, dans l'État de Goiás, avec 6 associés ? Il est évident que nous avons devant nous, en ce qui concerne ces cas, et plusieurs autres, des entités ayant une existence seulement nominale, sans aucune vie associative ; bref, ce sont des syndicats artificiels.>> (Rodrigues, 1979 : 136).’

Cela est bien la preuve qu'une partie des leaders syndicaux brésiliens avait adopté le point de vue que les gouvernements et le Ministère du Travail diffusaient sur les syndicats depuis la fin des années 30. Selon cette conception, l'objectif principal des syndicats était d'obliger les patrons à respecter la législation sociale mise en place par Vargas. Pour ce faire, toujours dans le cadre de cette représentation de l'activité syndicale, il suffisait à chaque syndicat de présenter ses réclamations devant la justice du travail.

Autrement dit, pour obtenir des avantages pour leurs bases, les syndicalistes n'avaient pas besoin d'organiser les travailleurs sur les lieux de travail (comme le voulaient les syndicalistes anarchistes durant les trois premières décennies de ce siècle) ou d'intégrer leurs actions à la stratégie d'un parti politique (comme le voulaient les communistes). Il revenait à l'Etat le soin de régler les différends entre patrons et salariés.

Avant de poursuivre le récit historique du syndicalisme brésilien, il convient d'aborder la question du corporatisme au Brésil. Pour la plupart des chercheurs qui ont travaillé sur la question syndicale au Brésil, la question du corporatisme ou du néo-corporatisme est un point indépassable de l'analyse. Il est bien évident que la législation syndicale conçue par Vargas et ses conseillers, a favorisé le développement de certaines caractéristiques du syndicalisme brésilien, notamment l'emprise de l'Etat sur les questions liées au travail.

Cependant, il nous semble excessif de tout ramener à cette question. Et cela pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la mise en application d'une législation syndicale fortement marquée par l'idéologie corporatiste (influence d'ailleurs explicitement revendiquée par les législateurs eux-mêmes) était tout autant un indice de la faiblesse des travailleurs sur le plan de leurs organisations qu'une de ses causes. Autrement dit, les difficultés du mouvement ouvrier brésilien à se débarrasser de l'influence de l'Etat n'était pas simplement un épiphénomène d'une législation syndicale de type "néo-corporatiste" ; ce contrôle étatique sur le mouvement ouvrier était aussi une conséquence de la faiblesse de ce mouvement, incapable de se poser en tant qu'alternative capable de contrecarrer le paternalisme varguiste au cours des années 30 (cela est vrai surtout en ce qui concerne les anarchistes), ou la répression policière mise en pratique par Vargas après 1937 et par le gouvernement Dutra en 1947. Tout en reconnaissant le pouvoir idéologique de la loi syndicale, il ne faut pas oublier qu'elle était l'expression du rapport de forces entre les principaux groupes sociaux dans la société brésilienne. De ce point de vue, les faiblesses du syndicalisme brésilien ne sont pas à chercher dans la seule législation, mais également dans les rapports de forces en vigueur dans la société, y compris sur les lieux de travail.

De même, si sur le plan légal le mouvement syndical était complètement sous le contrôle de l'Etat, sur le plan pratique, ce contrôle était loin d'être absolu. Raison qui nous amène, à l'instar de Maria Hermínia Tavares de Almeida (1984), à considérer le syndicalisme brésilien sous un double regard : celui du corporatisme légal et celui du système réel. Autrement dit, la législation syndicale elle-même et la manière de mettre en pratique cette législation. Car, c'est le propre de toute règle juridique d'être adaptée aux contextes de sa mise en application.

Ainsi, en ce qui concerne le syndicalisme brésilien, nous pouvons affirmer que si la législation syndicale est restée pratiquement la même depuis les années 30 (et ce, jusqu'à nos jours) il n'en va pas de même, ni pour les actions développées par les syndicalistes, ni pour la façon dont l'Etat et le patronat envisagèrent les syndicats. C'est cette dualité de logiques qui pourrait expliquer, en partie, l'influence des conjonctures politiques sur le syndicalisme brésilien. Car, si la législation syndicale avait réussi à anéantir complètement l'autonomie et l'esprit revendicatif des travailleurs, comment expliquer les mouvements réalisés par les syndicats dans des conjonctures marquées par une certaine libéralisation politique ?

D'ailleurs, ce parallélisme entre libéralisation ou durcissement des conjonctures politiques et activité du mouvement syndical brésilien sera une des caractéristiques les plus stables de l'histoire syndicale brésilienne. Ce sera toujours à des périodes où le régime politique du pays sera le plus libéral, ou en crise de légitimité, que les syndicats brésiliens réussiront à jouer un rôle majeur dans la vie politique du pays. De même, ce sera dans les conjonctures de montée de l'autoritarisme dans le champ politique que le syndicalisme brésilien aura le moins de visibilité sociale.

Cette étroite relation entre conjoncture politique et visibilité sociale du syndicalisme brésilien fut déjà soulignée par la majorité des chercheurs ayant travaillé sur ce thème, donnant lieu à de multiples interprétations ; la plupart desquelles ramènent à la législation syndicale de type corporatiste cette relation de proximité entre visibilité syndicale et conjonctures politiques.

Il nous semble que c'est ainsi oublier qu'une législation, pour importante qu'elle soit dans la compréhension de la vie sociale, ne suffit pas à expliquer les choix des agents sociaux. Une législation peut donner lieu à plusieurs stratégies d'adaptation : le fait que le syndicalisme brésilien ait présenté différentes caractéristiques au cours du temps, malgré la pérennité de la législation syndicale, vient prouver qu'une même législation peut donner lieu à différentes pratiques. Ainsi, il nous semble que, tout aussi importante que l'étude des lois syndicales brésiliennes, est l'étude des pratiques (et des idées) des acteurs sociaux au cours du temps.

Cela ne signifie pas, pour autant, que ces pratiques puissent être comprises en dehors de la "régulation de contrôle" imposée par la législation, mais que cette régulation n'épuise pas les pratiques et les options des acteurs. C'est de la dialectique entre une législation syndicale de contrôle et des pratiques adaptatives plus ou moins contestataires de la part des syndicalistes, que nous pouvons comprendre la dynamique des relations professionnelles au Brésil.

Notes
123.

Le Parti Communiste Brésilien (PCB), en obtenant plus de 500.000 votes (10 % des voix exprimées), fut le troisième parti le plus plébiscité lors des élections générales de 1945. D'après le politologue Gláucio Ary Dillon Soares, cité par Rodrigues (1986), le PCB était le plus urbain des grands partis brésiliens à cette époque, car l'essentiel de ses résultats fut obtenu dans les grandes villes industrialisées du pays.

124.

D'autres dénominations de ces syndicalistes étaient "jaunes" et "pelegos". Ce dernier mot est celui qui connaîtra le plus de succès parmi les travailleurs brésiliens ; à l'origine, pelego désignait une peau de mouton que les cavaliers de l'État de Rio Grande do Sul (les gauchos), comme leurs homologues uruguayens et argentins, plaçaient entre la peau du cheval et la "cela" pour 'adoucir' la friction entre eux ; par association, le mot servira à désigner dans l'imaginaire syndical brésilien, les syndicalistes peu soucieux d'entreprendre des mobilisations de travailleurs contre les patrons et/ou l'Etat.

125.

Les Militaires brésiliens étaient farouchement anticommunistes. En partie, cet anticommunisme peut être expliqué par le souvenir du putsch militaire que les communistes brésiliens tentèrent en 1935. Mais, il faut prendre en compte également la proximité et la complicité qui s'établit entre les Militaires brésiliens et les Militaires nord-américains pendant la deuxième guerre mondiale – le Brésil fut le seul pays latino-américain à envoyer des troupes pour combattre aux côtés des troupes alliées en Europe.

126.

Les données officielles concernant les taux de syndicalisation au Brésil ne sont pas très fiables, car on utilise des informations données par les propres syndicats, lesquels ne procèdent que très rarement à des mises à jour de leurs archives, notamment en ce qui concerne les travailleurs qui ont fait partie du syndicat un jour et qui après, pour des raisons diverses – décès, licenciement, etc. – ne pouvaient plus être considérés comme syndiqués. Cela étant, ces données nous aident à apprécier le poids plutôt faible des travailleurs syndiqués sur le total des travailleurs urbains brésiliens. Ainsi, d'après des données citées par Maria Hermínia Tavares de Almeida (Almeida, 1986 : 106), qui s'est servie des données issues des recensements, le taux de syndicalisation des travailleurs urbains brésiliens était de 8 % en 1940 ; chiffre qui avoisinait les 12 % en 1960. Déjà, pour Albertino Rodrigues (Rodrigues, 1979 : 135), le taux de syndicalisation parmi les travailleurs industriels en 1960 était d'environ 30 % pour le Brésil et de 40 % pour la région Sud-Est du pays.

127.

Le sociologue Albertino Rodrigues cite des données pour l'année 1961 qui peuvent donner une idée de la taille moyenne des syndicats brésiliens jusqu'à 1964. A cette époque, la taille moyenne des syndicats brésiliens était d'environ 1.100 associés. Cependant, ce nombre était peu représentatif, car plus de la moitié des syndicats (59 %) avaient moins de 400 associés ; de même, les 21 syndicats les plus importants du pays (avec plus de 10.000 associés) regroupaient un tiers de tous les travailleurs syndiqués du Brésil.