Petrobras à Bahia

C’est dans l'État de Bahia que PETROBRAS est implantée depuis le plus longtemps. Il est aussi, une région où se concentrent les divers types d'activités productives de l'industrie pétrolière: les travaux d'exploration et perforation, la production pétrolière, le raffinage, la pétrochimie, le transport de brut et dérivés, etc. Au niveau organisationnel, cela signifie l'existence de plusieurs secteurs de PETROBRAS dans l'État, lesquels en étant rattachés directement à l'administration centrale (par le biais des Départements), n'ont pas des liens directs entre eux. Ce n'était pas le cas durant les années 60, quand il y avait un organe de coordination régionale (la Commission Régionale de Coordination de Bahia). Cela se justifiait par le fait qu'à cette époque l’essentiel des activités pétrolières du pays (surtout dans les domaines de l'exploration, de la perforation et de la production) était concentré à Bahia, ce qui, compte tenu de la perte d'importance relative des activités pétrolières de cet État, n'était plus le cas dans les années 80.

Quoiqu'il en soit, à la fin des années 80, PETROBRAS était représentée par les services suivants à Bahia: a) la raffinerie de Mataripe (RLAM); b) la Région de Production de Bahia (RPBa), responsable de la production de pétrole dans l'État; c) le District d'Exploration de Bahia (DEXBA), en charge des travaux d'exploration géologique ; d) le District de Perforation de Bahia (DPBA), chargé de réaliser les travaux de perforation d'après les recherches du DEXBA ; e) le Terminal Maritime de Madre de Deus (TEMADRE), par où est acheminé le pétrole importé d'autres États ou pays, ainsi que les dérivés produits et exportés par la raffinerie de Mataripe et f) le Bureau de Salvador (ESSAL), lequel centralise les achats de la compagnie dans l'État.

On prend ainsi la mesure de la diversité des activités de PETROBRAS dans l'État de Bahia. De plus, cette diversité est aussi visible dans l'espace car ces activités ne sont pas réalisées sur un même lieu (voir carte dans les annexes). La plupart des activités pétrolières étant réalisées en dehors de Salvador, l'entreprise assure, dès les années 60, le transport de ses employés entre leurs lieux d'habitation et leurs lieux de travail.

Dans cette situation, les travailleurs de PETROBRAS à Bahia ne partagent ni les mêmes conditions de travail ni les mêmes lieux d'activité. Le travail sur une sonde de perforation ou sur une plate-forme maritime n'est pas le même que celui réalisé dans une raffinerie, lequel est aussi différent de celui effectués dans les activités de transfert de brut ou de dérivés. De cette organisation spécifique va découler l'existence de deux syndicats différents pour représenter les travailleurs du pétrole de Bahia 194 : l'un représentant les travailleurs du raffinage et une partie de ceux liés aux activités de transfert et l'autre représentant les travailleurs des autres activités de la compagnie dans l'État.

Ces caractéristiques de l'industrie pétrolière à Bahia auront d'autres implications pour l'activité syndicale des travailleurs du pétrole, thème central de cette thèse. En premier lieu, compte tenu l'éparpillement géographique des activités pétrolières, les concentrations ouvrières seront relativement modestes : elles dépasseront rarement les 2.000 travailleurs, comme c'est le cas de la raffinerie de Mataripe, et très souvent elles seront composées de 20 travailleurs, voire moins, (c'est le cas notamment des sondes de perforation et des stations de collecte de pétrole).

De plus, cet éparpillement rendra difficile le travail d'organisation syndicale sur les lieux de production, en limitant les contacts entre travailleurs de secteurs différents ou entre travailleurs et leaders syndicaux. Ce qui vient aggraver, pour les syndicats du pétrole, la traditionnelle absence des syndicats brésiliens sur les lieux de production. En effet, mis à part une courte période entre 1962 et 1964, les syndicalistes du pétrole ne réussiront pas à institutionnaliser des formes de présence syndicale sur les lieux de travail. Cette présence se caractérisera plus par l’informalité, par l'action individuelle de certains leaders ou militants syndicaux, laissant place à des réactions de contrôle de la part de l'entreprise, comme ce fut le cas, notamment, durant les années 70, quand les syndicalistes ne pouvaient faire circuler leurs tracts qu'avec l'autorisation des responsables de l'entreprise.

De même, la diversité des situations et des conditions de travail des travailleurs du pétrole de Bahia orientera leur action syndicale, moins sur les problèmes spécifiques et locaux à chaque secteur (ce qui pouvait difficilement mobiliser l'ensemble des travailleurs), et davantage sur des questions d’ordre générale (les augmentations salariales, la politique pétrolière, etc.). Ainsi, les mobilisations ouvrières sur des thèmes autres que ceux concernant l'ensemble des travailleurs ou des groupes de travailleurs représentés dans la plupart des secteurs de l'entreprise seront très rares. De la même façon, la réalisation de mobilisations dans un seul secteur de l'entreprise, sauf en ce qui concerne les travailleurs du raffinage ­– où, d'après plusieurs témoignages de syndicalistes le travail de mobilisation était plus aisé – sera exceptionnelle.

Notes
194.

Ce, jusqu'en 1996, quand les deux syndicats seront unifiés.