Avant de vérifier les répercussions de ces tendances sur l'action syndicale des travailleurs du pétrole, il nous faut observer quelques bouleversements en cours, à PETROBRAS.
L'industrie pétrolière brésilienne fut créée dans l'idée que le pays pouvait devenir un grand producteur de pétrole. Dès lors, au cours des années 50 et 60, la principale priorité de la politique d'investissements de PETROBRAS était de trouver du pétrole au Brésil et de faire la preuve une fois pour toutes du potentiel pétrolier du pays. C'est l'époque où le gros des investissements de PETROBRAS est orienté vers les activités d'exploration et de production du pétrole, avec des retombées importantes pour l'État de Bahia, nous l'avons vu.
Toutefois, faute de découvertes de gisements importants, PETROBRAS va, dans un premier temps – au début des années 70 – donner priorité à la construction d'un parc raffineur capable d'assurer l'autonomie du pays en dérivés du pétrole. Cela étant, les chocs pétroliers des années 70 vont pousser l'entreprise à entreprendre des recherches de pétrole sur les plates-formes sous-marine et à accélérer la production des gisements découverts, à la fin des années 70, sur la côte de l'État de Rio de Janeiro. Dès lors, ce sera le secteur d'exploration et de production de brut qui redeviendra la priorité des investissements de PETROBRAS.
ANNéE | INVESTISSEMENTS PAR SECTEUR D'ACTIVITÉ ( %) | ||
exploration et production | raffinage | Autres | |
1957 | 71 | 19 | 10 |
1961 | 37 | 32 | 32 |
1965 | 48 | 20 | 32 |
1970 | 40 | 28 | 32 |
1971 | 24 | 43 | 33 |
1975 | 29 | 37 | 34 |
1980 | 70 | 10 | 20 |
1985 | 83 | 3 | 14 |
1990 | 70 | 10 | 20 |
1993 | 72 | 11 | 17 |
Source : PETROBRAS, PRINCIPAIS INDICADORES, 1994 : 50. |
En ce qui nous concerne, ce point est important parce qu'il met en évidence la perte d'importance de Bahia dans les investissements de PETROBRAS à partir des années 70, car les investissements dans le raffinage et dans la production du pétrole en mer se feront en dehors de l'État de Bahia.
Mais ceci ne signifiera pas pour autant un retrait complet de PETROBRAS de Bahia. La montée des prix du pétrole, dans les années 70 et au début des années 80, incitera l'entreprise à maintenir la production des anciens gisements de Bahia, stabilisant le niveau des activités pétrolières dans cet État.
Ce ne sera plus le cas à partir de la deuxième moitié des années 80. La crise de financement de l'État brésilien, alliée à la chute des prix du pétrole en 1986, va provoquer une réduction des investissements globaux de PETROBRAS.
ANNÉE | INVESTISSEMENTS (en millions de $US) | INDICE |
1981 | 2.980 | 100 |
1982 | 4.296 | 144 |
1983 | 3.123 | 105 |
1984 | 1.985 | 67 |
1985 | 1.846 | 62 |
1986 | 2.241 | 75 |
1987 | 2.743 | 92 |
1988 | 2.262 | 76 |
1989 | 1.942 | 65 |
1990 | 1.861 | 62 |
1991 | 1.981 | 66 |
1992 | 2.350 | 79 |
1993 | 2.164 | 73 |
Source : PETROBRAS, PRINCIPAIS INDICADORES, 1994 : 50. |
En raison de cette diminution des investissements, l'entreprise réalisera un grand effort de recentrage de ses activités et de modernisation productive, visant à élargir sa rentabilité. Cela, d'autant plus que l'entreprise présente des résultats négatifs en 1991, avec un taux de retour sur investissement qui devient négatif (-2,42 %) 228 .
Comme conséquence de ce processus, le nombre de travailleurs de l'entreprise pétrolière commence à baisser dès la fin des années 80. Du fait que dans la même période la production pétrolière augmentera, nous pouvons supposer qu'il y a eu une augmentation de la productivité du travail dans l'entreprise.
ANNÉE | PRODUCTION DE PÉTROLE (en mil m3) | NOMBRE d'employés |
1980 | 10.562 | 48.226 |
1981 | 12.384 | 48.864 |
1982 | 15.079 | 50.132 |
1983 | 19.141 | 50.320 |
1984 | 26.874 | 51.777 |
1985 | 31.752 | 54.398 |
1986 | 33.244 | 56.605 |
1987 | 32.873 | 59.877 |
1988 | 32.284 | 59.210 |
1989 | 34.591 | 60.028 |
1990 | 36.634 | 55.569 |
1991 | 36.188 | 53.857 |
1992 | 36.411 | 51.638 |
1993 | 37.048 | 51.228 |
Source : PETROBRAS PRINCIPAIS INDICADORES, 1994 : 37 et 52. |
Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les demandes des syndicats, au cours des années 90, aient été centrées autour de revendications pour la stabilité de l'emploi à PETROBRAS.
Cela étant, exception faite de l'année 1990, cette diminution du personnel de l'entreprise du pétrole s'est organisée principalement par la voie d'accords de préretraite, par les départs en retraite et par des incitations à la démission. Une politique massive de licenciements ne fut envisagée par l'entreprise qu'en 1990, durant la première année du gouvernement Collor, quand plus de 800 travailleurs furent licenciés en une seule fois. La plupart de ces travailleurs réintégreront la compagnie, car, à l'époque, la convention collective en vigueur interdisait formellement les licenciements non motivés.
motifs DE DÉPART | TRAVAILLEURS CONCERNÉS | % DU TOTAL DE DÉPARTS |
DÉMISSION | 3.000 | 13,3 |
LICENCIEMENT DANS L'intérêt DE L'entreprise | 1.296 | 5,8 |
LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE | 278 | 1,2 |
accords spéciaux (PRÉRETRAITES, DÉMISSIONS NÉGOCIÉES, etc.) | 15.064 | 66,8 |
retraites | 1.269 | 5,6 |
décès | 1.052 | 4,7 |
Licenciement pour motif économique | 584 | 2,6 |
TOTAL | 22.543 | 100 |
Source : PETROBRAS, INFORMAçÕES GERENCIAIS, 1994 : 24. |
A Bahia, ce processus de restructuration de l'industrie pétrolière eut des conséquences importantes. Cela, en raison de la chute de la production pétrolière et de la conséquente diminution du nombre de travailleurs dans l'État. La production de brut, qui durant la décennie 1980, était en moyenne de 80.000 barils/jour 229 , chute à 59.000 barils/jour en 1993, représentant seulement 10 % de la production pétrolière nationale.
En conséquence de la baisse de la production de pétrole, le nombre de travailleurs chute également : à la fin des années 70, ce nombre tournait autour de 12.000 travailleurs (équivalant à 30 % de tous les petroleiros) ; ils n'étaient plus que 10.502 (17,5 % des employés de l'entreprise), en 1987, et que 8.700 (16,9 % des travailleurs), en 1993. Cette réduction du nombre de petroleiros à Bahia, d'après des publications de l'entreprise (PETROBRAS, 1993), s'est opéré par le redéploiement d'une partie des travailleurs sur des zones productrices en expansion et par l'arrivée à l'âge de la retraite d'un nombre important de travailleurs.
Dès lors, les syndicalistes du pétrole de Bahia vont se trouver face à une situation caractérisée par le ralentissement de l'activité pétrolière dans l'État. Cela sera plus important en ce qui concerne le STIEP, syndicat représentant les travailleurs de l'exploration et production du pétrole, secteurs où le personnel occupé chute de façon éclatante.
ANNÉE | nombre de salariés | INDICE |
1989 | 6.061 | 100 |
1990 | 5.415 | 89 |
1991 | 4.917 | 81 |
1992 | 4.681 | 77 |
In : PETROBRAS, RELATORIO EXPROPER, 1992 : 73. |
Toutefois, le syndicat du raffinage de Bahia (SINDIPETRO) ne sera pas à l'abri des effets de cette restructuration de l'industrie pétrolière. Avec l'introduction de nouvelles technologies, et avec le non remplacement des départs en préretraite ou en retraite, la raffinerie de Mataripe commence à voir chuter le nombre de ses employés.
ANNÉE | Nombre de TRAVAILLEURS | INDICE |
1989 | 2.392 | 100 |
1990 | 2.203 | 92 |
1991 | 2.160 | 90 |
1992 | 2.101 | 88 |
1993 | 2.001 | 84 |
1994 | 1.933 | 81 |
Source : Archives de la Raffinerie de Mataripe. |
Cette diminution du nombre de travailleurs à Bahia fut, en partie, neutralisée par le recours à un grand nombre de travailleurs intérimaires, surtout dans le secteur de la maintenance et, également, dans des fonctions peu spécialisées de la manutention et de l'entretien. Ainsi, d'après des données fournies par l'entreprise, à la raffinerie de Mataripe, il y avait 1.532 travailleurs intérimaires en 1993 (dont 60 % dans le secteur de la maintenance).
C'est dans ce contexte de perte de vitesse de l'industrie pétrolière dans l'État, de réduction des effectifs directement employés par PETROBRAS et d'augmentation du nombre de travailleurs intérimaires, que les syndicalistes liés à la gauche vont développer leur action auprès des petroleiros de Bahia, au cours des années 90.
Malgré une conjoncture instable, cette époque sera marquée par la participation des petroleiros de Bahia à plusieurs grèves nationales de la profession. Mais les conditions particulières de l'industrie pétrolière de Bahia allaient pousser certains syndicalistes de la gauche à adopter des positions moins radicales vis-à-vis des directions régionales de l'entreprise. Ce qui sera, comme nous allons le voir plus tard, une des causes de la division de la gauche syndicale chez les travailleurs du pétrole de Bahia.
PETROBRAS, 1994 : 132.
Elle avait atteint son point maximal à la fin des années 60, avec des valeurs proches de 150.000 barrils/jour.