11.4.2. Les syndicats comme instruments de contrôle des travailleurs

Quoi qu'il en soit, les discours syndicaux, à partir de 1962, seront caractérisés par une attitude bienveillante à l'égard des directions de PETROBRAS et par la représentation des syndicats en tant qu'organes auxiliaires de l'administration de l'entreprise. Des organes intégrés à la politique générale de la compagnie, y compris concernant les aspects techniques.

‘<< Le syndicat pense beaucoup à la situation de l'entreprise. Comme organe auxiliaire, collaborateur de l'administration de PETROBRAS, il est attentif aux questions auxquelles il est urgent de trouver des solutions (réalisation d'études et inventaire de ce qui doit être fait, concrétisé, suivi, observé). ’ ‘Ainsi, nous savions que nous devions étudier et proposer des mesures pour augmenter la production. Nous avons suggéré, l'année dernière, la création de la Commission de Productivité ... Pendant six mois de travail, à temps complet, (...), cette commission – composée de deux compagnons de ce syndicat, de membres de la Société d'Ingénieurs du Recôncavo et de techniciens de la RPBa, sous la direction du Surintendant – a pu proposer ses conclusions à la Direction Exécutive de l'entreprise au début de cette année.>> (In : BOLETIM INFORMATIVO, n°2, 15/09/63, pp.2).’

De plus, du fait que les syndicalistes avaient établi des liens rapprochés avec la direction de l'entreprise, ils se sentaient obligés de collaborer avec elle, prenant soin de ses intérêts. Le compte rendu d'une réunion syndicale du STIEP, en mai 1963, est très significatif. Dans cette réunion, le président du syndicat après avoir fait l'éloge de la convention collective signée au cours de l'année, aurait fait les considérations suivantes :

‘<< ...le président a dit avoir de bonnes relations avec la haute direction de l'entreprise et se sentir obligé de collaborer avec elle, prenant toujours soin des hauts intérêts de PETROBRAS. Il a donné une importante explication sur l'actuelle situation de l'entreprise et a souligné qu'il ne savait pas si elle pourrait supporter une nouvelle revendication dans six mois.>> (Résumé de la réunion syndicale du STIEP du 6/05/63).’

Les comptes rendus des réunions syndicales étant rédigés par des membres de la direction – souvent le président –, ne peuvent être considérés comme relevant d'une stratégie conduite pour porter atteinte à l'image des leaders syndicaux. Ce que ce compte rendu nous apprend est justement que la proximité entre syndicalistes et direction de l'entreprise n'était pas stigmatisée dans les représentations sociales de l'époque. A tel point qu'un directeur syndical, se vantant de ses liens rapprochés avec la "haute direction" de l'entreprise, propose aux travailleurs d'abaisser le niveau de leurs revendications.

On peut même affirmer que les références à cette proximité avec les hauts dirigeants de l'entreprise (ou du pays) faisaient partie de la stratégie de légitimation des leaders syndicaux de cette période. La proximité avec les sources du pouvoir était considérée comme une manifestation du pouvoir personnel du leader syndical et, donc, de sa capacité à résoudre les problèmes liés à la corporation par le biais de son réseau politique. Le pouvoir de pression sur l'entreprise ou sur le gouvernement était considéré comme une qualité du leader syndical, les mobilisations des travailleurs n'étant qu'un moyen pour augmenter ce pouvoir.

Ainsi, ce que l'étude des pratiques syndicales des travailleurs du pétrole de cette période nous montre, est que leur défense d'une option étatiste, leur engagement dans les mobilisations nationalistes et leur participation aux prises de décision de l'entreprise, vont les amener progressivement à adopter une attitude de compromis avec la direction de PETROBRAS. On va développer des discours mettant en avant la nécessité d'union entre travailleurs, techniciens, syndicalistes et direction de l'entreprise, comme moyen pour défendre l'entreprise contre les attaques de ses opposants et, aussi, comme moyen pour lutter pour la libération nationale. Cette union sera légitimée par les avantages acquis par les petroleiros à partir de 1960, amenant les dirigeants syndicaux à affirmer que la lutte pour de meilleures conditions de travail et de salaires était déjà dépassée. Les revendications devaient se déplacer des demandes corporatistes vers la défense de politiques nationalistes, surtout dans le domaine pétrolier.

‘<< Dans une entreprise qui est la nôtre, qui est celle du peuple, qui a été créée et qui est en train de se consolider par la lutte populaire, il n'est pas justifiable qu'un travailleur ne reconnaisse pas, aujourd'hui, quelle est son obligation vis-à-vis la PETROBRAS et vis-à-vis du Peuple. (...) Notre appel est là pour fonder, dans la conscience du petroleiro, la certitude que PETROBRAS est le facteur de l'indépendance économique de la patrie et de ses ouvriers ; travailler dans cette entreprise c'est établir un compromis avec le Peuple Brésilien dans la lutte pour la Libération Nationale.>> (in : SINDIPETRO JORNAL, n° 35, janvier/63, pp. 7).’

Légitimant ainsi une vision du syndicalisme plus éloignée des revendications corporatistes et plus tournée vers les demandes générales.

‘<< Le Syndicalisme, pour nous, ne signifie pas seulement la défense de revendications propres à des corporations particulières, mais avant tout la lutte de ceux qui, même spoliés par les "propriétaires de la nation", sont la force vive du développement ...>> (in : SINDIPETRO JORNAL, n° 35, janvier/63, pp. 5).’