15.3. La stratégie des syndicalistes populistes.

La fin de la grève de 1983, dans les conditions que nous connaissons, allait marquer un ralentissement des mouvements de masse des travailleurs du pétrole de Bahia. Dans une conjoncture où les grèves et mobilisations ouvrières devenaient courantes dans la société brésilienne – profitant du retour de la démocratie, en 1985 – les travailleurs du pétrole faisaient figure d'exception parmi les grandes groupes socioprofessionnels de Bahia.

Le tableau ci-dessous, établi à partir de donnés citées par Castro (1995), atteste du retrait du mouvement syndical des travailleurs du pétrole. Ce tableau montre le nombre d'articles parus dans la presse de Bahia à propos des actions collectives (grèves, assemblées et autres formes de mobilisation) des travailleurs industriels, y compris les petroleiros, dans l'État.

Actions collectives des petroleiros publiées dans le journal A TARDE (1980-1985).
Groupe socioprofessionnelle année/Nombre de MOBILISATIoNS
  1980 1981 1982 1983 1984 1985
Petroleiros 8 2 2 17 0 2
Autres 27 19 14 79 34 69
TOTAL 35 21 16 96 34 69
Source : Castro, 1995 : 50.

Ainsi, les nouvelles directions syndicales élues en 1984, allaient se confronter à la difficulté de mobiliser des travailleurs ; cela, en contradiction avec le fait que les mobilisations de masse devenaient fréquentes au niveau national.

Cela est surtout vrai en ce qui concerne les travailleurs de la raffinerie de Mataripe, où 198 ouvriers furent licenciés en raison de la grève, et où le syndicat resta sous intervention du Ministère du Travail presque un an. En 1984, peu de temps après les élections, la direction du SINDIPETRO fait publier la note suivante dans son journal d'information, à propos d'une assemblée où seules 48 personnes étaient présentes :

‘<< Compagnons :’ ‘comme nous nous y attendions, notre assemblée fut le reflet du climat d'insécurité encore en vigueur parmi les travailleurs, provoqué par les licenciements de juillet 1983, lors de la grève.’ ‘Pour un syndicaliste sans expérience, cela serait un coup difficile, ce qui pourrait provoquer un découragement pour affronter les luttes ouvrières. Toutefois, pour nous, une direction élue avec 2/3 des voix, cela est parfaitement compréhensible ; cela nous oblige à nous mettre au travail avec courage, compétence et responsabilité afin de démontrer à nos compagnons que nous méritons leur confiance et que nous puissions obtenir, en échange, leur nécessaire et décisif soutien.>> (SINDIPETRO-BA INFORMATIVO, n° 05/84).’

Dans ce contexte, les leaders syndicaux des petroleiros – à l'inverse d'autres syndicalistes, plus portés vers une critique déclarée au gouvernement et aux entreprises – vont essayer de profiter de la libéralisation de la conjoncture et de la revalorisation de la place des civils dans la vie politique nationale, pour établir des liens avec des politiciens haut placés du gouvernement ; le but affiché de cette stratégie était de pouvoir influencer les décisions prises au niveau de PETROBRAS à partir du gouvernement lui-même, évitant ainsi les situations de conflits ouverts avec la direction de l'entreprise. En ce sens, il s'agissait d'une reprise du style syndical mis en pratique dans les années 60.

Notons, par exemple, la manière dont le nouveau président du SINDIPETRO s'adresse au Chef du Service du Personnel de PETROBRAS, en juillet 1984.

‘<<Cher Monsieur,’ ‘Lors de la visite que je vous ai rendue, après mon intronisation en tant que président du Syndicat de Mataripe, j'ai eu l'opportunité de vous parler d'un sujet que je considère de la plus haute importance pour les relations entre la direction de PETROBRAS et les travailleurs de la Raffinerie de Mataripe. Il s'agit, comme vous le savez, du problème généré par les licenciements dus à la grève de juillet 1983.’ ‘Durant la cérémonie de mon intronisation, j'ai eu l'honneur de participer, avec le Délégué Régional du Travail et deux responsables de PETROBRAS, à la "table" qui a présidé aux travaux (...).’ ‘Dans mon discours, je me suis engagé à réaliser des négociations avec la direction de l'entreprise, dans un esprit de dialogue et d'entente, dans une philosophie d'amnistie, afin de rendre aux travailleurs licenciés, et à leurs familles, les emplois perdus en juillet 1983. (...)’ ‘Je suis ici, maintenant, Professeur Darcy, pour entamer le dialogue dont j'ai parlé lors de mon intronisation. Pour cela, aucun autre moment ne sera, peut-être, plus opportun que celui-ci ; quand PETROBRAS commémore, et tout le pays s'en réjouit, la production de 500.000 barils/jour de pétrole.’ ‘J'exhorte la direction de PETROBRAS à réviser les sanctions imposées dans le feu des émotions et des confrontations indésirables qui ont eu lieu en juillet 1983, à pratiquer "cet acte d'extrême grandeur" ; cela, à un moment où nous remportons tous, dirigeants et travailleurs, encore une fabuleuse victoire dans cette mémorable épopée du Monopole d'État du pétrole au Brésil.’ ‘Ces attitudes ont été beaucoup plus le fruit de l'insatisfaction et du manque de sécurité qui atteint tous les Brésiliens – perplexes face à une inflation qui érode les salaires des travailleurs – qu'une mise en question de la discipline ou un manque d'amour et de dévouement à notre Entreprise...>> (In : BOLETIM SINDIPETRO, 07/84).’

Le fait que le Responsable du syndicat ait publié cette lettre dans le journal syndical montre non seulement que les populistes essayaient de renouer des contacts avec des responsables haut placés de l'entreprise ; mais aussi qu'ils s'en servaient comme moyen de légitimation.

En ce sens, les contacts pris par ce syndicaliste avec l'entreprise, la présence de responsables de PETROBRAS lors de la cérémonie de son intronisation, ainsi que les tournures verbales, employées par lui dans sa lettre, démontrant une certaine proximité entre lui et le Chef du service du personnel, étaient des manières de montrer à la base ouvrière qu'avec son prestige personnel il allait pouvoir changer la situation des travailleurs licenciés.

On remarque également que cette lettre présente les travailleurs comme des subordonnés vis-à-vis de l'entreprise et de ses représentants. Elle prétend, par exemple, expliquer la grève de 83 par l'influence de questions extérieures à l'entreprise (l'inflation) et non comme une façon "délibérée de mettre en question la discipline". Autrement dit, les modèles de discipline imposés par l'entreprise n'étaient pas mis en question par ce discours syndical, bien au contraire. On y légitimait volontiers ces modèles, dès lors que les responsables de l'entreprise étaient ouverts au dialogue et à l'influence des syndicalistes.

Ainsi, dans les discours des populistes, l'obtention de certaines concessions de la part de l'entreprise était vue comme un don de celle-ci, comme un "acte d'extrême grandeur", sans aucun lien avec les rapports de force entre entreprise et syndicat. Ces concessions étaient appréhendées comme des preuves de la bonne volonté de l'entreprise et de l'efficacité de la stratégie adoptée par les syndicalistes : une stratégie principalement basée sur le "dialogue".

‘<<Nous venons de recevoir la nouvelle la plus attendue de nous tous : l'entreprise vient d'autoriser le retour au travail de huit compagnons. (...). Nous sommes confiants dans la poursuite de cet acte d'extrême grandeur et nous nous attendons à la révision des autres procès, ce qui sera la VICTOIRE DU DIALOGUE>> (In : BOLETIM SINDIPETRO, 07/84).’

Il y a, ici, plus qu'une simple stratégie de légitimation des syndicalistes populistes. Il y a également une vision du syndicalisme qui privilégie les accords et les alliances entre syndicalistes et responsables de l'entreprise (ou politiciens) comme moyen pour les travailleurs d'obtenir plus d'avantages. Ce discours était exactement à l'opposé de celui développé par la gauche en 1983, selon lequel les rapports de pouvoir devaient être inversés, aussi bien au niveau de la société que de l'entreprise.

A certains égards, cette manière de présenter les choses par les populistes divergeait, même, des discours tenus par eux entre 1960 et 1964 : à cette époque, malgré leur rôle de contrôle des demandes des travailleurs, pour pouvoir peser sur les grands accords avec le gouvernement, les syndicalistes devaient réaliser des mobilisations des travailleurs, même en dehors des lieux de travail.

Dans les années 80, le populisme qui sera repris sera un populisme syndical plus conciliant et moins mobilisateur qu'il ne l'avait été par le passé ; on ne demandera plus aux travailleurs de participer aux mobilisations nationales soutenant certaines politiques, mais tout simplement qu'ils accordent une vote de confiance aux directions syndicales pour qu'elles puissent bien représenter les travailleurs dans les hautes sphères du pouvoir. On prétendait ainsi être en mesure de rendre aux travailleurs les droits qui leur avaient été enlevés par le coup d'État et par le régime militaire, y compris, on peut l'imaginer, l'influence des syndicalistes sur certaines décisions du gouvernement et des entreprises nationales.

‘<< 1985 : L'ANNÉE DU TRAVAILLEUR’ ‘Après 20 ans de pression sur les syndicats ouvriers, (...), l'année 1985 se présente comme une nouvelle époque dans la vie des salariés brésiliens. Certainement, nous aurons de profonds changements dans la politique économique et sociale, notamment dans le secteur syndical, pour permettre au travailleur de récupérer ses droits injustement enlevés.’ ‘Pour cela il est nécessaire que les travailleurs s'organisent autour de leurs syndicats, en les rendant plus puissants et capables de représenter et défendre les intérêts de la base. >> (In : SINDIPETRO-BA INFORMATIVO, 01/85).’

Ce soutien, de la part des syndicalistes du pétrole, au gouvernement de la Nouvelle République peut être interprété, aussi, comme un moyen de tisser des liens plus étroits entre syndicats et gouvernement. Cela constituerait un moyen pour rétablir les rapports de proximité qui par le passé caractérisaient les relations entre syndicalistes et groupes hégémoniques au sein de l'État.

‘<< Mr. Le président de la République’ ‘Votre Excellence a eu l'excellente initiative de décréter une série de mesures de nature monétaire et économique, à la fin du mois de février, afin d'arrêter le stressant processus de l'inflation dans notre pays. (...)’ ‘... Votre Excellence peut compter sur mon soutien sans restriction ainsi que sur mes efforts pour aller dans le sens d'assurer la mise en pratique de ces mesures de manière efficace. Dans ce sens, comme mesure préliminaire et indispensable, je propose à Votre Excellence une meilleure participation des travailleurs, notamment de leurs leaders syndicaux, dans la surveillance et dans le contrôle de ces mesures. (...)’ ‘Signé Mario Lima, président du SINDIPETRO-BAHIA>> (In : SINDIPETRO INFORMATIVO, n°020/85, 21/05/86).’

Cette lettre, envoyée par le Responsable du SINDIPETRO au président de la République illustre bien les termes dans lesquels les syndicalistes populistes voulaient monnayer leur soutien au gouvernement : en échange d'une participation accrue des leaders syndicaux aux décisions gouvernementales.

Ce discours sera plus fort à partir de mars 1985, avec l'intronisation des représentants de ce qu'on appelle, au Brésil, la Nouvelle République 395 . Cela d'autant plus que le président du SINDIPETRO accède au poste de député fédéral, à la place d'un député devenu Ministre d'État 396 . Dès lors, la légitimation des syndicalistes du pétrole par leur proximité des centres du pouvoir deviendra encore plus flagrante.

‘<< PARTICIPATION à L'INTRONISATION DE TROIS MINISTRES’ ‘Plusieurs contacts politiques ont été pris, ce qui a facilité notre participation (des syndicalistes) à l'intronisation de trois Ministres : celui de la Sécurité Sociale, Waldir Pires ; celui du Travail, Almir Pazzianotto et celui des Mines et Énergies, Aureliano Chaves. Présent aussi à l'intronisation de ce dernier le nouveau président de PETROBRAS, Mr. Hélio Beltrão.’ ‘Aussi bien lors de l'intronisation du Ministre du Travail que lors de celle du Ministre des Mines et Énergies, le compagnon Mario Lima, qui le jour précédent avait pris fonctions comme député fédéral, a réussi à nous (les syndicalistes du pétrole) introduire dans la salle pour le saluer et pour une entrevue afin de discuter du problème de la grève de 1983. (...) Cela a été un fait historique, car pour la première fois depuis 21 ans, des travailleurs ont pu participer à l'intronisation de Ministres ; ayant été reçus par ces Ministres sans costume et sans cravate, comme il est d'usage dans ces situations. Il est bien établi là que nous vivons, depuis le 15 mars, dans une véritable démocratie.>> (In : SINDIPETRO-BA INFORMATIVO, n° 11/85, 18/03/85).’

Dans le même sens, la participation du principal Responsable du SINDIPETRO-BA à la cérémonie d'intronisation du P.D.G. de PETROBRAS sera vue comme un "fait historique".

‘<<Dans LA NOMINATION DU P.D.G., un fait historique. ’ ‘Le SINDIPETRO a aussi participé à la cérémonie de passation de pouvoir entre l'ancien et le nouveau P.D.G. de PETROBRAS. Pour la première fois dans l'histoire récente de l'entreprise, outre les deux P.D.G. (le sortant et le nouveau), a aussi pris la parole le compagnon Mario Lima, le représentant des responsables syndicaux de l'entreprise.>> (In : SINDIPETRO-BA INFORMATIVO, n°021/86, 22/05/86).’

Il y avait une sorte de culte de la personnalité des leaders. Ceux-ci étaient représentés dans ces discours comme des surhommes, capables de retourner les situations difficiles par leurs compétences politiques et leur capacité au dialogue. On n'est pas loin, ici, des discours tenus à l'époque populiste par les syndicalistes du pétrole.

Dans les années 80, ces discours d'exaltation des capacités des leaders populistes constitueront un moyen de souligner les différences entre eux et les militants de gauche. Tandis que ceux-ci proposaient un modèle d'action basé sur le conflit et sur l'organisation de la base ouvrière, les populistes proposeront un autre discours, basé sur le dialogue et sur la capacité politique des leaders.

‘<<Nous achevons l'année 1985 en nous acquittant de ce que nous considérions comme le point le plus important de notre programme de travail, établi lors de l'élection de notre groupe à la tête du syndicat : le RETOUR DES EMPLOYÉS LICENCIES suite à la grève de juillet 83 et pour des actes politiques à partir de 1964 (les amnistiés). Ce fut une lutte très dure et difficile, où la participation du compagnon Mario Lima fut de la plus grande importance.’ ‘Les contacts politiques pris dès son intronisation comme président du syndicat – et, après, comme député fédéral –, utilisant sa capacité politique et dialoguant sans cesse avec les parlementaires, les ministres d'État et le président de la République, ont eu comme résultat la concrétisation de la victoire finale, c'est-à-dire : le RETOUR AU TRAVAIL.’ ‘UNE VICTOIRE DU DIALOGUE’ ‘Pour obtenir la satisfaction de toutes ces revendications en 1985, nous n'avons employé, tout au long de notre mandat, qu'une forme de "pression", le DIALOGUE.’ ‘Nous croyons que la discussion, la responsabilité et la volonté sérieuse de négociation sont les moyens qui mènent à l'entente (avec l'entreprise) et à l'aboutissement des revendications.>> (In : INFORMATIVO SINDIPETRO-BA, n° 01/86, 9/01/86).’

Nous insistons sur le fait qu'en dehors des aspects purement instrumentaux de ce type de discours – véhiculés dans le journal syndical pour attester l'influence des syndicalistes – il faut le comprendre comme un moyen de revenir à des modèles d'action qui avaient fait leurs preuves par le passé. D'où la volonté de rendre les syndicats du pétrole aussi "respectés qu'ils l'avaient été par le passé".

Ces modèles d'action devenaient pertinents au niveau cognitif en raison de la place que le nationalisme et la défense de l'entreprise du pétrole avaient dans les représentations des travailleurs du pétrole et, surtout, du fait qu'une bonne partie des petroleiros de Bahia avaient gardé de bons souvenirs de ces modèles d'action du passé.

En ce sens, outre les contacts avec des représentants de l'entreprise et avec des politiciens, les syndicalistes du pétrole essayeront de reprendre certains symboles de l'époque populiste, tels les coopératives de consommation et d'habitation 397 . Ainsi, dès septembre 1984, la direction du SINDIPETRO invitait les travailleurs à l'inauguration de ces deux coopératives.

‘<<INVITATION’ ‘Samedi 22 septembre, à 10h:30 heures du matin, nous allons inaugurer joyeusement les installations des coopératives de consommation (COOPETRO) et d'habitation (COHAPETRO), ainsi que les récents travaux de renouvellement du siège du syndicat ; nous espérons compter sur la présence de tous les compagnons.’ ‘Le Cardinal de Bahia, .., le Délégué du Travail, ..., ainsi que le Superintendant de la Raffinerie de Mataripe, ..., y seront présents.’ ‘Signé Mario Lima, président. >> (In : SINDIPETRO-BA INFORMATIVO, n° 10/84).’

Comme par le passé, la présence d'autorités publiques était considérée essentielle pour légitimer l'événement. Cette pratique qui consistait à inviter des représentants de l'État, de l'entreprise ou de la société civile aux cérémonies réalisées par les syndicats des petroleiros datait de la période populiste ; elle avait été préservée durant les années de la dictature militaire et, avec le retour des populistes allait gagner un nouvel essor.

Quoi qu'il en soit, les coopératives des travailleurs du pétrole allaient avoir une vie courte : dès 1988, la COOPETRO est obligée de déposer le bilan et ses biens sont vendus aux enchères pour payer les dettes. De même, la COHAPETRO, pour trouver des acheteurs aux maisons construites, se voit obligée d'ouvrir ses portes à d'autres travailleurs que les petroleiros. A la fin des années 80, elle sera incorporée à une entreprise de travaux publiques de Bahia.

L'échec de ces initiatives, par rapport aux résultats antérieurs (notamment en ce qui concerne la COOPETRO), peut être expliqué par l'existence d'un meilleur réseau de services à Salvador – rendant la concurrence plus rude – et aussi par un certain désengagement des travailleurs du pétrole vis-à-vis du modèle identitaire créé dans les années 60. A cette époque, les syndicats essayèrent de créer des associations et des organisations permettant aux travailleurs du pétrole de se retrouver entre eux, reproduisant là le même modèle de concentration de l'espace que les villes pétrolières, petites par rapport à Salvador.

Déjà dans les années 80 ce sentiment d'appartenir à un groupe différent était moins fort. Ainsi, par exemple, en 1989, 80 % des travailleurs de la raffinerie de Mataripe avaient pour lieu de résidence la ville de Salvador 398 (qui à l'époque comptait déjà plus de deux millions d'habitants) dans pratiquement tous les quartiers de la ville. Autrement dit, dans les années 80, les travailleurs de PETROBRAS n'étaient plus habitués à la concentration géographique comme c'était le cas dans les années 60.

De plus, ces coopératives n'ont pas compté avec l'aide financière de l'entreprise comme ce fut le cas dans les années 60. Nous touchons ici une des grandes faiblesses du syndicalisme populiste des années 80 : à savoir, le manque d'interlocuteurs, dans l'entreprise et au gouvernement, en condition d'offrir les mêmes avantages que ceux offerts dans les années 60. Cela fut le cas des coopératives créées par les syndicats ; cela fut aussi le cas des négociations salariales entre entreprise et syndicats, car ces négociations étaient limitées par les politiques économiques gouvernementales, dont le contrôle de l'inflation était l'objectif majeur.

C'est face à ces difficultés rencontrées par les populistes que les militants de la gauche vont réussir à se légitimer auprès des travailleurs de la base. Mais cela, seulement après 1988.

Notes
395.

Période entre 1985 et 1990.

396.

La législation politique brésilienne interdit le cumul de mandat parlementaire avec le poste de Ministre. Ainsi, lorsqu'un député est invité à devenir Ministre, il doit céder sa place de député au candidat de son parti qui a obtenu un nombre de voix suffisantes pour devenir suppléant. Dans le cas du président du SINDIPETRO, en 1982, il avait participé (ainsi que d'autres syndicalistes du pétrole) aux élections législatives briguant une place de député fédéral. Bien que non élu, il avait réussi à devenir suppléant du PMDB, parti le plus important du pays à l'époque.

397.

Ces coopératives, on s'en souvient, faisaient partie des réalisations des syndicalistes des petroleiros de Bahia dans les années 60. Elles avaient pour but de vendre de produits alimentaires aux travailleurs du pétrole à des prix au-dessous des prix du marché (la coopérative de consommation) et de financer l'achat des maisons des petroleiros.

398.

D'après des données fournies par l'entreprise.