16.4.1. Sur le poids des retraités

Quoiqu'il en soit, les syndicalistes du pétrole liés à la CUT seront beaucoup plus pragmatiques dans leur rapports avec les représentants des retraités qu'ils ne l'avaient été au cours des années 80. Ainsi, en ce qui concerne les tendances les plus à gauche (CUT par la Base et Force Socialiste), elles se rapprocheront de la Société des Travailleurs Retraités de PETROBRAS (SOTAPE), dont les dirigeants voulaient empêcher l'interférence des syndicats dans l'organisation des retraités. D'après certains militants de gauche ayant participé à ces contacts, les termes de l'entente entre gauche et représentants des retraités étaient basés sur l'établissement de frontières et de fonctions propres à chaque organisation : les représentants de la SOTAPE renonçaient à participer activement aux processus électoraux des syndicats et, en contrepartie, les syndicalistes de gauche s'engageaient à ne pas se mêler des querelles internes des retraités.

Cet accord tacite concernait davantage les syndicalistes liés à la Force Socialiste, qui avaient le contrôle du SINDIPETRO. Ainsi, lors des élections de 1993 de ce syndicat, la SOTAPE fait publier le tract suivant.

‘<<ÉLECTIONS AU SINDIPETRO’ ‘Le 31/05/93 prochain, ..., notre confrère SINDIPETRO organise des élections. (...) Comme ce fut le cas par le passé, où la SOTAPE a toujours marqué sa position, a toujours été présente dans ces situations, indépendamment des circonstances, nous invitons nos associés à exercer leur droit de vote, en rappelant l'importance de leur présence. Nous laissons au jugement de chacun le choix des listes. Nous ne penchons pas pour un groupe ou par l'autre, car nous reconnaissons dans les deux listes, des compagnons qui méritent notre respect et sont en accord avec nos objectifs de vie commune, pacifique et indépendante des organisations.>> (In : INFORMATIVO ESPECIAL SOTAPE, mai 1993).’

La référence au droit de vote était une critique implicite à la décision de la direction du STIEP, prise en 1990, de n'accepter la participation des retraités aux processus électoraux du syndicat que lorsqu'ils étaient à jour de leurs cotisations syndicales ; cela par le biais du Département des Retraités et non plus par le biais de la SOTAPE. Ce qui explique les querelles entre la SOTAPE et le STIEP. Ce qui explique également que la SOTAPE soutiendra, lors des élections syndicales, les listes composées des militants de la CUT par la Base et de la FORCE SOCIALISTE, avec l'accord de ces listes de mener le même type de politique, vis-à-vis des organismes représentatifs des retraités, que celle menée par le SINDIPETRO.

Ainsi, lors des élections du STIEP, en 1995, on pouvait lire dans le programme d'action de la liste des tendances les plus à gauche de la CUT, les propositions suivantes, sur la question des retraités :

‘<<Unifier la politique des retraités à travers l'union entre la SOTAPE et le STIEP ;’ ‘Renforcer, conjointement avec les organisations de retraités, la lutte contre la suppression de la retraite par temps de service.>> (In : PROGRAMA DE Ação e luta, chapa 2, 1995).’

De la même façon, les groupes de la CUT restés à la tête du STIEP lors des élections de 1992 – en alliance avec des groupes non liés à la CUT –, profiteront de leurs contacts avec les retraités pour composer des directions syndicales où des travailleurs retraités avaient des postes de responsabilité. Ainsi dans la liste qui remporte les élections de 1992, sur un total de 36 représentants syndicaux, 8 étaient des retraités. Ce qui était argumenté par le fait que les retraités composaient déjà la moitié de la base syndicale des petroleiros.

‘<<Aujourd'hui, les retraités forment presque la moitié de la base du STIEP. La lutte pour le paiement des 147 % aux retraités 450 met en évidence la nécessité pour le syndicat de se préparer, chaque fois davantage, pour défendre ces compagnons. (...). Inciter les retraités à participer activement au syndicat, en les respectant, ..., constitue une tâche fondamentale de la conjoncture actuelle.>> (In : PROGRAMAS E METAS DA CHAPA 2, 1992).’

Cette place occupée par les retraités dans les stratégies syndicales s'explique par le poids que ces ex-travailleurs de PETROBRAS avaient dans l'électorat des syndicats. Ainsi, le nombre de retraités appartenant à la base du STIEP était, en 1995, plus important que le nombre de travailleurs en activité : il y avait 5.312 retraités, contre 4.751 travailleurs. Toutefois, sur le total des retraités, seuls 2.983 (56 %) avaient le droit de vote au STIEP, car ils étaient à jour de leurs cotisations. Sachant que le nombre de travailleurs effectivement associés au STIEP, parmi ceux en activité, était de 4.229 (89 % du total), les retraités pouvant voter représentaient 41 % du collège électoral potentiel.

Ainsi, la préoccupation des militants de gauche à se rapprocher des retraités s'inscrivait aussi dans une stratégie de survie politique. Même en considérant, que généralement, la participation des travailleurs en activité, lors des scrutins syndicaux, était plus importante que celle des retraités, les listes voulant se donner une chance de victoire ne pouvaient plus adopter l'attitude que la gauche adoptait dans les années 80, reléguant le travail auprès des retraités à un deuxième plan.

Cela devient très clair en mars 1995, quand la liste composée de militants de la CUT et de représentants d'autres courants syndicaux, y compris de retraités liés aux populistes, réussit à se maintenir à la tête du STIEP avec 61 % des voix exprimées, contre seulement 39 % pour la liste composée essentiellement de militants de la CUT par la Base.

Notes
450.

Référence à une mobilisation nationale des retraités du pays pour que le gouvernement leur accorde les mêmes augmentations salariales que celles consenties aux travailleurs non retraités.