2. 1. 3. Conclusion

La représentation de la nature dans la littérature baroque fait encore appel aux poncifs de la rhétorique classique. Ainsi, nous avons relevé au cours de notre analyse la présence, plus ou moins marquée, d’éléments propres au topos du locus amoenus. Néanmoins, la représentation de la nature dans des textes du XVIIe siècle semble évoluer sous l’impulsion d’un nouveau sentiment de la nature. Le poète se montre en effet plus sensible aux effets de lumière et au jeu des couleurs. De plus, il semble être guidé dans sa représentation par un souci de précision, tout en cherchant à affiner sa perception.

Il convient tout d’abord de se placer dans une perspective historique afin de mesurer à sa juste valeur la portée de cette évolution. Rappelons qu’au XVIIe siècle, le terme Landschaft désigne encore uniquement la représentation picturale d’une partie de la nature et que, par conséquent, nous ne pouvons parler de paysage en littérature que par analogie avec son modèle pictural. Ainsi, c’est avec une sensibilité plastique, et même parfois musicale, comme nous avons pu le constater en étudiant un passage du Pegnesiches Schäfergedicht, que le poète baroque perçoit la nature. Les changements qui s’opèrent dans sa représentation (sensibilité aux variations de la lumière et aux couleurs, ouverture du regard et recherche du pittoresque) témoignent de l’empreinte encore très forte du paysage comme pictura.

En outre, la double absence d’une vision unitaire et d’une qualité esthétique qui accorderait au fragment de nature représenté une valeur propre nous interdit d’appliquer le terme de paysage aux descriptions de la nature dans la littérature baroque. Nous avons en effet constaté qu’elles se caractérisaient non seulement par une technique d’inventaire, mais également par leur subordination permanente à un discours édifiant. À la description de la nature (pictura) succède ainsi nécessairement son interprétation (subscriptio).

Le maintien d’une structure emblématique, alliée à l’expression d’un nouveau sentiment de la nature, nous semble être l’indice d’une perception du monde qui n’ose pas encore s’affranchir de la tutelle de l’éthique et du dogme de la foi, mais qui, néanmoins, possède déjà les organes pour le faire. Cette conquête progressive d’autonomie, qui se poursuit au début du XVIIIe siècle, comme nous allons le constater, finira par donner naissance au paysage, c’est-à-dire à une image de la réalité sensible qui sera libérée de la prépondérance d’un discours moral ou religieux. De même, ce n’est que lorsque s’effacera une conception essentiellement théologique de la nature que pourra s’exprimer un authentique sentiment du paysage.