4. 1. 2. La naissance du ’paysage de l’âme’ dans la littérature romantique

- Voir et ressentir

Les descriptions de paysage dans la littérature de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle sont bouleversées par l’introduction de cette ’perspective sentimentale’ qu’a définie Jean Paul. La subordination de la perception à la réflexion, propre, à l’origine, aux représentations emblématiques des poètes baroques, qui étaient divisées, rappelons-le, en deux temps successifs, contemplatif, puis réflexif, est supplantée peu à peu par celle de la vue au sentiment. Ainsi, le paysage découvert par Bertha, un des personnages du récit de Tieck Der blonde Eckbert (1796), est perçu à la fois par le regard et par le coeur :

‘Als wir heraustraten, ging die Sonne gerade unter, und ich werde den Anblick und die Empfindung dieses Abends nie vergessen562.’

L’association de la perception (’Anblick’) et du sentiment (’Empfindung’), reprise un peu plus loin par la formule synthétique ’mein Geist und meine Augen’, préside à une description ’impressionniste’ du paysage contemplé :

‘In das sanfteste Rot und Gold war alles verschmolzen, die Bäume standen mit ihren Wipfeln in der Abendröte, und über den Feldern lag der entzückende Schein, die Wälder und die Blätter der Bäume standen still, der reine Himmel sah aus wie ein aufgeschlossenes Paradies, und das Rieseln der Quellen und von Zeit zu Zeit das Flüstern der Bäume tönte durch die heitre Stille wie in wehmütiger Freude. Meine junge Seele bekam jetzt zuerst eine Ahndung von der Welt und ihren Begebenheiten. Ich vergaß mich und meine Führerin, und mein Geist und meine Augen schwärmten nur zwischen den goldenen Wolken563.’

Les touches de couleurs, désignées par des substantifs à valeur absolue (’das sanfteste Rot und Gold’), la qualité particulière de la lumière du couchant, traitée comme un élément en soi (’über den Feldern lag der entzückende Schein’), confèrent à ce paysage un caractère irréel, presque sacré, comme le suggère la pureté du ciel, comparé à un ’paradis ouvert’ (’wie ein aufgeschlossenes Paradies’). L’effacement des repères spatiotemporels (’In das [...] Rot und Gold war alles verschmolzen [...]’, ’von Zeit zu Zeit’), attesté notamment par l’absence de déictiques, s’opère au profit de l’expression d’une ’tonalité’ sentimentale, suggérée par les rares adjectifs qui figurent dans ce passage (’der entzückende Schein’, ’die heitre Stille’, ’in wehmütiger Freude’ ...). C’est elle qui assure la cohésion de ce paysage indéterminé, à la contemplation duquel est associée une rêverie infinie.

Ce ’point de vue sentimental’ est également adopté par Brentano, notamment dans le récit intitulé Die Chronika des fahrenden Schülers (publié pour la première fois en 1818), où l’on retrouve cette même conjonction du regard et du sentiment :

‘Ich blieb also auf dem Schlosse zurück, und wie sie aus dem Tor hinauszogen, stieg ich auf den höchsten Turm des Schlosses. [...] Ich sahe mich rings in der Gegend um und empfand vieles, das ich vorher nie empfunden hatte564.’

La perception d’un paysage panoramique (’Ich sahe mich rings in der Gegend um [...]’) par le spectateur, juché au sommet de la plus haute tour d’un château, engendre immédiatement la réminiscence (’Er-innerung’) du passé :

‘Wie Siegmund mit seiner Mutter in das Schifflein stiegen, da erinnerte ich mich, wie ich Siegmund zum erstenmal gesehen [...]565.’

À cette vision intérieure, désignée plus loin par la formule ’ich [...] sah lang in mein Herz zurück [...]’566, succède la description du paysage initialement entrevu :

‘Dann wandte ich meine Blicke ringsum über Berg und Tal, wie der Wald grünte und still stand, wie sich die Wiesen sanft hinabsenkten und mit den gefurchten Äckern abwechselten. Zum Himmel stiegen meine Blicke ruhig aufwärts und gleiteten an dem Flug ziehender Vögel wieder nieder zum Main, in dem die Wolken nochmal zu ziehen schienen; dann blickte ich zwischen den Türmen hinab in den einsamen Burghof [...]; auf dem Dache trieben die Tauben girrend in den letzten Strahlen einander herum, und war es schon dunkel, und die ewige Lampe der Burgkapelle sah heller durch das hohe Fenster, und alles das sah ich mit gleicher Ruhe und stiller Liebe an567.’

L’exploration visuelle à laquelle s’adonne ici le personnage, conforté par l’héritage spirituel que lui a légué son père, est à la fois source de paix et d’amour (’alles das sah ich mit gleicher Ruhe und stiller Liebe an’). La structuration du paysage par le regard de l’observateur, dirigé tout d’abord vers le haut (’Zum Himmel stiegen meine Blicke [...] aufwärts’), puis vers le bas (’dann blickte ich [...] hinab’), selon un axe vertical, est au service d’une appropriation non seulement visuelle, mais également ’sentimentale’, de l’espace contemplé. Ainsi, c’est finalement l’image du père disparu et, à travers elle, celle de la vie intérieure du narrateur qui vient s’inscrire en creux dans ce paysage transfiguré par le souvenir :

‘Es war mir nicht, als sei mein Vater gestorben; ich konnte an ihn denken, als sei er immer zugegen, nur sehe ich ihn nicht, aber ich höre ihn singen und arbeiten. Zu dieser Stunde kam ein großer inniger Glaube an die Güte Gottes und die Ewigkeit des Lebens in mich; alles, was mir der gute Vater in kurzen Sprüchen und Winken gesagt hatte, sah ich ausgeführt in seinem Leben, und sein Leben fand ich wieder über der ganzen ruhigen Gegend schweben, aus der mir mein eignes Herz wie eine freundliche Blume entgegensah568.’

L’ouïe se substitue à la vue, la perception d’un monde transcendant à celle de la réalité sensible. Le paysage, désigné par de simples formules lexicalisées (’über Berg und Tal’) et générales (’über der ganzen ruhigen Gegend’), un procédé dont use tout particulièrement Eichendorff dans ses descriptions de paysage569 , devient ainsi le miroir de l’âme.

L’image de la ’fleur aimable’ (’wie eine freundliche Blume’) rappelle le roman inachevé de Novalis, Heinrich von Ofterdingen (1802). Dans le second chapitre de la première partie, intitulée ’Die Erwartung’, au moment où le héros quitte sa ville natale d’Eisenach, figure la description d’un paysage ’intérieur’, qui, bien que fort célèbre, mérite, par son caractère exemplaire, d’être présenté ici :

‘Es war früh am Tage, als die Reisenden aus den Toren von Eisenach fortritten, und die Dämmerung begünstigte Heinrichs gerührte Stimmung. Je heller es ward, desto bemerklicher wurden ihm die neuen unbekannten Gegenden; und als auf einer Anhöhe die verlassene Landschaft von der aufgehenden Sonne auf einmal erleuchtet wurde, so fielen dem überraschten Jüngling alte Melodien seines Innern in den trüben Wechsel seiner Gedanken ein570.’

Une nouvelle fois, cette vue panoramique, au lieu de donner lieu à une exploration visuelle, est intériorisée par le spectateur. Ainsi, le regard qu’il porte sur le paysage de son enfance571 déclenche spontanément une ’mélodie intérieure’, traduite par la vision suivante :

‘Er sah sich an der Schwelle der Ferne, in die er oft vergebens von den nahen Bergen geschaut, und die er sich mit sonderbaren Farben ausgemalt hatte. Er war im Begriff, sich in ihre blaue Flut zu tauchen. Die Wunderblume stand vor ihm, und er sah nach Thüringen, welches er jetzt hinter sich ließ, mit der seltsamen Ahndung hinüber, als werde er nach langen Wanderungen von der Weltgegend her, nach welcher sie jetzt reisten, in sein Vaterland zurückkommen, und als er reise daher diesem eigentlich zu572.’

Le recours à cette ’perspective sentimentale’ qui, selon Jean Paul, offre au poète la possibilité de transcender les limites du monde sensible573, permet ici au spectateur de se transporter jusqu’au ’seuil de l’infini’ et d’entrevoir sa propre destinée. Ainsi que l’affirme D. Arendt, le point de vue élevé qu’adopte le personnage favorise la conjonction de deux ’phases existentielles’574 : le passé, représenté par la Thuringe, aperçue en contrebas, et à laquelle le spectateur tourne résolument le dos, et l’avenir, figuré par la ’fleur merveilleuse’ (’die Wunderblume’), symbole de la nostalgie des lointains. Le point de fuite vers lequel convergent les aspirations du jeune poète est, en fait, purement intérieur, ainsi que le révèle le but pressenti de son voyage. En effet, le départ se confond avec le retour, comme la perception avec l’imagination, le passé avec le futur. Car ce n’est ’qu’ à l’intérieur’ de lui-même, ainsi que le rappelle le célèbre aphorisme de Novalis575, que Heinrich von Ofterdingen finira par trouver à la fois le but et l’origine de sa quête d’idéal.

Ces quelques exemples permettent d’illustrer l’évolution de la représentation littéraire du paysage à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. Conformément aux idées que développe Jean Paul dans ses écrits théoriques, la perception et le sentiment s’unissent pour former un ’Tout poétique intérieur’. Les reproductions mimétiques de la nature qu’obtenaient les poètes du début du XVIIIe siècle en procédant à un découpage visuel rigoureux font ainsi place à des représentations plus subjectives, sous-tendues par l’expression d’un sentiment du paysage homogène. Au paysage est désormais systématiquement associée une ’tonalité’ (’Stimmung’) spécifique, ainsi que l’expose C. G. Carus dans son essai consacré à la peinture de paysage :

‘Wie nun aber die angeschlagene Saite eine zweite, ihr gleichnamige, wenn auch höhere oder tiefere, mit in Schwingungen versetzt, so müssen auch in Natur und Gemüth die verwandten Regungen sich hervorrufen, und auch hierhin erscheint wieder die Individualität des Menschen als untrennbarer Theil eines höhern Ganzen. Das unbefangene Gemüth wird daher vom angeregten, aufstrebenden Naturleben, reinem Morgenlicht, heiterer Frühlingswelt ermuthigt und belebt, von reiner blauer Sommerluft und voller ruhiger Blätterfülle der Waldung erheitert und beruhigt, vom Erstarren der Natur im trüben Herbst schwermüthig gestimmt, und von den Leichentüchern der Winternacht in sich selbst gewaltsam zurückgedrängt und gelähmt576.’

C’est sur cette adéquation presque mécanique entre certaines manifestations naturelles et certains mouvements de l’âme que C. G. Carus fonde sa conception du paysage, défini comme ’Stimmungslandschaft’577. Cette notion s’inspire largement de la philosophie de la nature développée par Schelling, ainsi que le concède Carus lui-même dans son ouvrage autobiographique Lebenserinnerungen und Denkwürdigkeiten :

‘Das, was um jene Zeit Schelling durch den Begriff der Weltseele auszusprechen suchte, es war recht eigentlich der Kardinalpunkt, um den sich diese Gedankenzüge [über die Landschaftsmalerei] bewegten. Erst wenn man in der weiten großen Natur der Oberfläche des Planeten das lebendige geistige Prinzip erkannt oder mindestens geahnt hat, bekommt ja alle Scenerie der Landschaft einen höhern und mächtigern Sinn; erst von da aus verstehen und empfinden wir das geistige Band, welches die Regungen und Umgestaltungen des äußern Naturlebens an die Gefühlsschwankungen unsers Innern mit dieser geheimen Gewalt fesselt, und erst von da aus kann auch eigentlich klar werden, was die wesentlichen Forderungen sind, welche wir an die Landschaftsmalerei, oder, wie ich besser zu nennen vorschlug, an die ’Erdlebenbildkunst’ dann zu machen berechtigt sind [...]578.’

De même que Schelling considère chacune des composantes de la nature, aussi multiples soient-elles, comme une partie intégrante d’un ’Tout’ organique et infini, Carus reconnaît l’existence d’un ’principe spirituel vivant’, que la peinture de la ’vie de la terre’ a charge de révéler. Ce principe unificateur et universel, désigné chez Schelling par le concept de ’l’âme du monde’ (’Weltseele’), est à l’origine de cette attraction irrésistible (’mit dieser geheimen Gewalt’) qu’exerce la nature animée sur notre sensibilité.

Cette idée d’une correspondance intime entre des ’tonalités’ affectives et des états naturels, comme le formule Carus dans sa troisième lettre579, est largement exploitée dans la littérature romantique580. Par exemple, dans le roman de Tieck Franz Sternbalds Wanderungen, l’aube vivifiante est considérée comme propice à la création artistique, tandis que la vue du crépuscule génère une nostalgie des lointains :

‘Der frische Morgen gibt dem Künstler Stärkung, und in den Strahlen des Frührots regnet Begeisterung auf ihn herab: Der Abend löst und schmelzt seine Gefühle, er weckt Ahndungen und unerklärliche Wünsche in ihm auf, er fühlt dann näher, daß jenseits dieses Lebens ein andres kunstreicheres liege, und sein inwendiger Genius schlägt oft vor Sehnsucht mit den Flügeln, um sich freizumachen und hineinzuschwärmen in das Land, das hinter den goldnen Abendwolken liegt581.’

Par son ’génie intérieur’ (’sein inwendiger Genius’), qui incarne l’aspiration transcendante de l’âme, l’artiste parvient à se transporter dans un espace imaginaire, situé aux confins du monde sensible (’das Land, das hinter den goldnen Abendwolken liegt’).

Chez Jean Paul, l’envol de l’âme est favorisé par le spectacle d’un ciel dégagé, tandis que l’amoncellement des nuages engendre l’humeur ’domestique et bourgeoise’, comme l’expose le narrateur, dans le roman Siebenkäs, soucieux de trouver une explication ’logique’ au penchant philistin de son héros582 :

‘Unter einem blauen Himmel wünsch’ich mir Adlerschwingen, unter einem bewölkten bloss einen Flederwisch zum Schreiben; dort will man in die ganze Welt hinaus, hier in den Grossvaterstuhl hinein; kurz acht Wolken, zumal wenn sie tropfen, machen häuslich und bürgerlich und hungrig, das Himmelblau aber durstig und weltbürgerlich583.’

Cette nouvelle symbolique cosmique se traduit le plus souvent par des métaphores musicales, comme l’atteste par exemple l’extrait, cité plus haut, de la troisième lettre de Carus. Selon lui, l’âme de l’individu et la nature résonnent en sympathie comme sur certains instruments, tel le luth ou la viole. De même, ce sont le plus souvent les composantes musicales du paysage, telles que le bruissement du feuillage et le murmure des eaux, comme dans le texte de Tieck par exemple584, ou bien le son d’un cor de postillon585, qui véhiculent l’émotion du spectateur.

Ainsi, il semble que l’évolution de la représentation littéraire du paysage s’accompagne désormais d’un renversement esthétique, confirmé par Jean Paul dans ses écrits théoriques : au modèle pictural se substitue peu à peu le paradigme de la musique.

Notes
562.

38 L. Tieck, op. cit., in : Werke, éd. par Marianne Thalmann, vol. 2 (Die Märchen aus dem Phantasus. Dramen), Darmstadt 1964, p. 14.

563.

39 Ibid.

564.

40 C. Brentano, op. cit., in : Werke, éd. par F. Kemp, vol. 2, Munich 1963, p. 538.

565.

41 Ibid.

566.

42  [...] als ich gedachte, wie er [mein Vater] so ruhig und freundlich gestorben war, da warf ich auch einen Blick zurück auf die Heiligtümer, die er mir zurückgelassen hatte; ich wiederholte in mir sein Andenken [...], sah lang in mein Herz zurück und fühlte mich ruhig und mild.’, in : ibid., p. 538-539. L’introspection du spectateur est ici traduite par des métaphores visuelles (’[...] da warf ich auch einen Blick zurück [...]’, ’[...] sah lang in mein Herz zurück [...]’).

567.

43 Ibid.

568.

44 Ibid.

569.

45 Cf. infra : 4. 3., p. 244 (note 281).

570.

46 Novalis, op. cit., in : Schriften, éd. par P. Kluckhohn et R. Samuel, Stuttgart 1960, vol. 1 (Das dichterische Werk), p. 205.

571.

47 De même, dans le roman de Tieck Franz Sternbalds Wanderungen, Sternbald contemple une dernière fois, avant de gagner les Pays-Bas, puis l’Italie, la ville de Nuremberg : ’Die Sonne ging nun in aller Majestät hervor, und Sebastian und Franz sahen abwechselnd nach den Türmen von Nürnberg zurück, deren Kuppeln und Fenster blendend im Schein der Sonne glänzten.’, in : L. Tieck, op. cit., 1ère partie, Livre 1, chap. 1, p. 13.

572.

48 Novalis, op. cit., p. 205.

573.

49 Cf. supra p. 162 sq.

574.

50 ’Der Berg also ist Schnittpunkt und Konvergenzpunkt zweier Lebensphasen, der Vergangenheit und der Zukunft, aber auch der beiden Daseinsbereiche von Höhe und Tiefe, Außen und Innen.’, in : D. Arendt, Der ’poetische Nihilismus’ in der Romantik. Studien zum Verhältnis von Dichtung und Wirklichkeit in der Frühromantik, Tübingen 1972, vol. 1, p. 147. Cette même idée est reprise par Jean Paul dans son essai petit traité ’Geistige Erhabenheit der Berge’ : ’Stehst du jedoch selber wirklich auf der Scheidemauer zwischen deinem Lande und dem fernen: so verklären sich auf dem Tabor der Höhe beide zusammen, und deines schimmert als Vergangenheit und das ferne als Zukunft hinauf [...]’ (in : Jean Paul, op. cit., p. 669). Nous retrouvons ici l’image du ’mur’ (’Scheidewand’) qui sépare le monde sensible de l’au-delà infini.

575.

51 ’Wir träumen von Reisen durch das Weltall: ist das Weltall nicht in uns? Die Tiefen unsers Geistes kennen wir nicht. – Nach innen geht der geheimnisvolle Weg. In uns, oder nirgends ist die Ewigkeit mit ihren Welten, die Vergangenheit und Zukunft.’ (Novalis, Blüthenstaub, in : Schriften, op. cit., vol. 2, p. 417-419).

576.

52 C. G. Carus (1789-1869), Briefe über Landschaftsmalerei, geschrieben in den Jahren 1815-1835, zuvor ein Brief von Goethe als Einleitung, éd. par D. Kuhn (fac-similé de l’édition de Leipzig de 1835), Heidelberg 1972 p. 42.

577.

53 Rappelons simplement la fonction, éminemment subjective, qu’assigne C. G. Carus à la peinture de paysage : ’Darstellung einer gewissen Stimmung des Gemüthlebens (Sinn) durch die Nachbildung einer entsprechenden Stimmung des Naturlebens (Wahrheit).’ (in : op. cit., p. 41).

578.

54 C. G. Carus, op. cit., 4 vol., Leipzig 1865-1866, vol. 1, p. 182. À propos de l’influence de la philosophie de Schelling (1775-1854) sur la nouvelle esthétique du paysage que développe Carus, cf. l’analyse approfondie de É. Décultot (op. cit., p. 489 sq. In : Peindre le paysage [...], op. cit., p. 424 sq.). Le ’lien spirituel’ (’das geistige Band’) qu’évoque Carus dans ce passage rappelle notamment les propos tenus par Schelling dans son discours intitulé Über das Verhältnis der bildenden Künste zur Natur (Rede zum Namensfest des Königs) (1807) : ’ Die bildende Kunst steht also offenbar als ein thätiges Band zwischen der Seele und der Natur, und kann nur in der lebendigen Mitte zwischen beiden erfaßt werden. ’ (F. W. J. Schelling, op. cit., in : Schellings Werke, éd. par M. Schröter, vol. 3, compl., p. 392, termes soulignés par nous). Toutefois, nous rappellerons également, à l’appui de l’analyse que propose É. Décultot, que la pensée de Carus s’affranchit progressivement de l’héritage schellingien. En effet, la conception romantique du paysage qu’il développe essentiellement dans ses premières lettres et que traduit, dans le domaine pictural, l’oeuvre de C. D. Friedrich, est peu à peu abandonnée au profit d’une représentation plus objective, ’géognostique’, comme en témoigne, dans le passage que nous avons cité, le remplacement du terme de ’Stimmungslandschaft’ par celui de ’Erdlebenbildkunst’ (’art de la représentation de la vie de la terre’).

579.

55 ’Von dem Entsprechen zwischen Gemüthsstimmungen und Naturzuständen’, in : C. G. Carus, op. cit., p. 41. Aux quatres stades de la vie de la terre distingués par Carus et à l’alternance régulière desquels obéit chaque phénomène naturel (’Entwicklung und vollendete Darstellung, Verwelkung und völlige Zerstörung’) correspondent quatre ’types’ d’affection : ’[...] das Gefühl des Aufstrebens, der Ermutigung, der Entwicklung ; das Gefühl wahrer innerer Klarheit und Ruhe, das Gefühl des Hinwelkens, der Schwermut, und die Fühllosigkeit, Apathie [...] ’). Nous relèverons, une nouvelle fois, le caractère systématique de ces ’correspondances’, qui oscillent entre deux pôles, l’un positif (développement), l’autre négatif (destruction).

580.

56 Rappelons que cette analogie entre les mouvements de l’âme et certaines manifestations extérieures était déjà suggérée par Schiller dans son essai Über Matthissons Gedichte (cf. supra : 1. 1. 3., p. 30 sq.).

581.

57 L. Tieck, op. cit., 1ère partie, Livre 1, chap. 3, p. 27. Ainsi, la vue, au réveil, d’un ’pur ciel bleu’ affine en quelque sorte la sensibilité de Sternbald : ’[...] er sah mit festen Augen durch den reinen blauen Himmel, und alle seine Plane wurden lebendiger in ihm, sein Herz schlug höher, alle Gefühle seiner Brust erklangen geläuterter.’ (in : ibid.). Chez Eichendorff, par exemple dans le roman Ahnung und Gegenwart (1815), cette contemplation matinale, marquée généralement par l’ouverture d’une fenêtre, premier geste de la journée, devient une sorte de rituel symbolique (cf. infra : 4. 3. 4., p. 247).

582.

58 ’Aber auf der andern Seite rückten die Bilder seines häuslichen Lebens immer lichter heran und wurden zu einer Bilderbibel, indes die Gemälde seines Wonnenmonats in ein dunkles Bilderkabinett zurückwichen. Ich mess’es in etwas dem Regenwetter bei.’, in : Jean Paul, op. cit., p. 457.

583.

59 Ibid.

584.

60 Cf. supra p. 171.

585.

61 C’est notamment le cas chez Eichendorff, qui traduit l’irrésistible appel du lointain par l’écho, presque lancinant, du cor (cf. infra : 4. 3., p. 227).