Cette étude du récit Die Freunde, complétée par l’analyse de quelques descriptions extraites des contes du Phantasus, nous a permis de mettre en évidence le processus d’intériorisation du paysage dans l’oeuvre de L. Tieck. Le décor initial du récit Die Freunde, un fragment de nature printanière qui se distingue plus par sa ’tonalité’ affective que par ses qualités plastiques, témoigne de la mise en perspective ’sentimentale’ du paysage. Le caractère stéréotypé de la représentation, réduite à un petit nombre d’éléments stylisés semble favoriser l’adoption de ce type de perspective ’intérieure’. Ainsi que le relève W. Donat, le degré de précision avec laquelle sont esquissés les contours du paysage est uniquement relatif à la mise en valeur de leur ’transparence’ affective :
‘Die im Wort versinnlichte Bildvorstellung wird mit nur soviel Deutlichkeit ausgestattet, als sie nötig hat, um als Folie einer Stimmung zu dienen; und die typisch romantischen Stimmungen verworrener und zwiespältiger, dunkler und verschwebender Gefühlslagen bedürfen einer noch geringeren plastischen Schärfe der sinnlichen Folie als die eindeutigen und klaren Stimmungen klassischer Tendenz738.’Plus la représentation tend à une certaine abstraction, plus elle se prête à la projection de sentiments ’confus’ et ’contradictoires’, tels que les éprouve notamment L. Wandel, entre la jouissance que procure la découverte d’une innocence originelle et l’effoi que suscite la réalisation de ses fantasmes enfantins. Seul le retour à la réalité, marqué à la fois par le rétablissement ’miraculeux’ de l’ami du héros739 et par la découverte des ’réelles’ beautés de la nature740, permet de restaurer définitivement l’unité du moi.
Le paysage, tantôt idéal, tantôt effrayant, devient ainsi le révélateur d’un conflit intérieur qui ne s’apaise qu’au terme d’un processus thérapeutique, mis en scène dans l’espace de l’imaginaire onirique. De même que C. D. Friedrich, en conférant à ses tableaux une nouvelle tension dramatique, révèlera, selon la célèbre formule du sculpteur David d’Angers, la ’tragédie du paysage’741, Tieck découvre, toutes proportions gardées, la personnalité profonde de l’individu dans et par la représentation de la nature, comme l’affirme M. Thalmann :
‘Es liegt in den Menschen, die Tieck in den Raum stellt, daß eine Wolke, eine Vogelstimme, ein Steg über den Bach Ereignis werden kann. Sie hören das Nebeneinander des Gewöhnlichen und des Ungewöhnlichen. Es ist nicht mehr die klassische Gegenüberstellung von Ich und Welt [...]. Die strikte rationale Verkettung im Weltbild ist ohne Gewaltsamkeit aufgelockert, wie ja auch in den Tiefenschichten der Person Heterogenes nebeneinander stehen kann. Sie billigen auch dem Raum Spannungen zu, wie sie sie selbst kennen. Tieck unternimmt die Entdeckung der Tiefenperson in der Landschaft, wodurch der Organismusgedanke des 18. Jahrhunderts in ein modernes Farbenspiel übergeht742.’Le rapport entre le moi et le monde, traditionnellement opposés l’un à l’autre, est bouleversé par la découverte d’une ’sympathie’ profonde, au sens premier du terme, entre la nature, conçue comme un tissu de relations non plus ’strictement rationnelles’, et l’individu, particulièrement attentif aux ’résonances’ des phénomènes sensibles.
C’est sur cette capacité, propre à la nature, de révéler ’l’aspect nocturne’ (Nachtseite), comme la nomme H. G. Schubert743, de la réalité la plus anodine que repose l’élaboration des ’contes de la nature’ (Naturmährchen) de Tieck. Troublée par l’effacement des frontières entre le rêve et la réalité, l’imaginaire et le quotidien, la perception objective de la nature se mue en une vision fantastique, révélatrice des profondeurs obscures du Moi. Ce même processus sera mis en oeuvre chez E. T. A. Hoffmann, comme, par exemple, dans ce passage du récit intitulé Die Bergwerke zu Falun (1818) où le jeune marin Elis Fröbom découvre pour la première fois l’univers terrifiant de la mine :
‘Bekanntlich ist die große Tagesöffnung der Erzgrube zu Falun an zwölfhundert Fuß lang, sechshundert Fuß breit und einhundertundachtzig Fuß tief. Die schwarzbraunen Seitenwände gehen anfangs größtenteils senkrecht nieder; dann verflächen sie sich aber gegen die mittlere Tiefe durch ungeheuern Schutt und Trümmerhalden. In diesen und an den Seitenwänden blickt hin und wieder die Zimmerung alter Schächte hervor, die aus starken, dicht aufeinandergelegten und an den Enden ineinandergefugten Stämmen nach Art des gewöhnlichen Blockhäuserbaues aufgeführt sind. Kein Baum, kein Grashalm sproßt in dem kahlen zerbröckelten Steingeklüft und in wunderlichen Gebilden, manchmal riesenhaften versteinerten Tieren, machmal menschlichen Kolossen ähnlich, ragen die zackigen Felsenmassen empor. Im Abgrunde liegen in wilder Zerstörung durcheinander Steine, Schlacken – ausgebranntes Erz, und ein ewiger betäubender Schwefeldunst steigt aus der Tiefe, als würde unten der Höllensud gekocht, dessen Dämpfe alle grüne Lust vergiften. Man sollte glauben, hier sei Dante herabgestiegen und habe den Inferno geschaut mit all seiner trostlosen Qual, mit all seinem Entsetzen744 . ’L’objectivité apparente de cette description est soulignée tout d’abord par le renvoi à un savoir commun (’bekanntlich’)745 et par les indications chiffrées de la longueur (’an zwölfhundert Fuß’), de la largeur (’sechshundert Fuß breit’) et de la profondeur (’einhundertundachtzig Fuß’) de la mine, puis par une distribution rigoureuse, selon un axe vertical (’senkrecht’) qui correspond à l’orientation du regard plongeant du personnage, des éléments constitutifs de ce paysage souterrain.
Or, le souci de ’réalisme’ qu’affecte le narrateur n’est qu’un leurre. Conformément au ’principe sérapiontique’, fondé sur la ’duplicité’ fondamentale de notre ’existence terrestre’746, que formule Lothar dans le récit-cadre du recueil, la réalité extérieure n’a qu’une fonction de ’levier’, destinée à la mise en oeuvre de cette ’force spirituelle’ qui permet de percevoir un ’monde intérieur’747. Ainsi, l’insertion d’éléments ’réalistes’ dans le récit fantastique doit uniquement permettre de renforcer l’adhésion du lecteur à la conception sérapiontique du monde, c’est-à-dire de le convaincre de l’existence d’une autre réalité, plus profonde et, partant, plus angoissante. L’intériorisation progressive de la perspective, qui, par définition, ne peut prétendre à une objectivité parfaite puisqu’elle dépend du regard qui la compose, est signalée par l’introduction de comparaisons subjectives (’manchmal riesenhaften versteinerten Tieren, manchmal menschlichen Kolossen ähnlich’) et irréelles (’als würde unten der Höllensud gekocht’), ainsi que par la modalisation finale (’Man sollte glauben’). À cette métamorphose graduelle de la mine en une sorte de monstre infernal semble également correspondre celle de la syntaxe elle-même, de plus en plus ample à mesure que progresse la description.
Ce texte de Hoffmann se distingue ainsi par le glissement subreptice d’une description initialement scientifique à une vision mythique du royaume souterrain de Falun, assimilé à l’Enfer (’den Inferno’) filtré par la vision poétique de Dante748. Dès lors, la plongée verticale du regard d’Elis Fröbom dans le ’gouffre monstrueux’, une sorte de descente aux enfers visuelle, fait automatiquement resurgir le souvenir du récit de ce pilote qui, en rêve, avait vu apparaître sous l’eau ’l’abîme infini’749. Qu’elle soit onirique, comme pour ce vieux marin, ou bien réelle, comme pour Elis découvrant la mine, la perception du monde sensible reste médiatisée par l’introspection du spectateur.
L’utilisation de l’espace narratif (le puits béant) comme une mise en scène symbolique des propres pulsions du personnage (appel de la terre qui se double, par association à la mère défunte et ’enterrée’, de celui de la mort750) permet de rattacher ce texte de Hoffmann à la veine fantastique des récits de Tieck, et, plus particulièrement, au conte Der Runenberg, caractérisé par la même ’spatialisation poétique’, selon la formule proposée par H. Böhme, des affections du jeune héros.
La particularité du récit que nous avons choisi d’étudier, Die Freunde, composé à l’époque où Tieck collaborait encore au recueil des Straußfedern, repose non seulement sur l’élucidation rationnelle du merveilleux, explicitement rattaché, à la fin du récit, à une illusion onirique, mais également sur la corrélation étroite entre le cheminement intérieur du personnage et l’occultation progressive du réel. Comme nous l’avons signalé en introduction, cette analogie se traduit également par une errance narrative, engendrée non seulement par l’insertion de motifs retardateurs, mais également par l’indétermination du moment où débute le rêve (signalé uniquement par l’intériorisation progressive de la perspective narrative).
Cette équivalence entre une conception spécifique du paysage, fondée, chez Tieck, sur une association presque mécanique entre la vue et le sentiment, et le mode de narration choisie pour l’exprimer n’est pas un fait isolé dans la littérature romantique. En effet, nous avons déjà constaté, en étudiant certains textes de Jean Paul, que l’idéalisation du paysage, élevé au rang d’une entité symbolique, avait pour corollaire une métaphorisation, parfois excessive, de l’écriture751. De même, dans son ’introduction’ aux contes du Phantasus, conçue sous forme de dialogue, Tieck développe l’idée d’une analogie profonde entre la configuration du paysage découvert par les différents interlocuteurs et l’agencement d’un ’beau poème romantique’ :
‘Ist diese Gegend nicht, durch welche wir wandeln, [...] einem schönen romantischen Gedichte zu vergleichen? Erst wand sich der Weg labirinthisch auf und ab durch den dichten Buchenwald, der nur augenblickliche räthselhafte Aussicht in die Landschaft erlaubte: so ist die erste Einleitung des Gedichtes [...]752.’La traversée de ’l’épaisse forêt de hêtres’, tout aussi ’dédaléenne’ (’labirinthisch’) que celle où s’égare L. Wandel, est assimilée tout d’abord à ’l’exorde’ du poème.
Puis, l’apparition du fleuve surplombant une vallée verdoyante est comparée à l’émergence d’un premier thème poétique :
‘[...] dann geriethen wir an den blauen Fluß, der uns plötzlich überraschte und uns den Blick in das unvermuthete frisch grüne Thal gönnte: so ist die plötzliche Gegenwart einer innigen Liebe [...].’L’élévation progressive du paysage, constitué de massifs rocheux de plus en plus vertigineux, correspond ensuite à celle de l’esprit du lecteur, détourné de sa contemplation du monde sensible par l’insertion de ’péripéties sublimes’ :
‘[...] dann die hohen Felsengruppen, die sich edel und majestätisch erhuben und höher bis zum Himmel wuchsen, je weiter wir gingen: so treten in die alten Erzählungen erhabene Begebenheiten hinein, und lenken unsern Sinn von den Blumen ab [...].’L’ouverture d’une vue panoramique sur une vallée très étendue est alors rapprochée de l’universalité d’une ’grande oeuvre poétique’ :
‘[...] dann hatten wir den großen Blick auf ein weit ausgebreitetes Thal, mit schwebenden Dörfern und Thürmen auf schön geformten Bergen in der Ferne, wir sahen Wälder, weidende Heerden, Hütten der Bergleute, aus denen wir das Getöse herüber vernahmen: so öffnet sich ein großes Dichterwerk in die Mannichfaltigkeit der Welt und entfaltet den Reichthum der Charaktere [...].’Enfin, la perception synesthésique d’un bosquet foisonnant de parfums et de sons est associée au sentiment de ’nostalgie’ mêlée de ’douleur’ qui constitue le point d’orgue du poème :
‘[...] nun traten wir in den Hain von verschiedenem duftenden Gehölz, in welchem die Nachtigall so lieblich klagte, die Sonne sich verbarg, ein Bach so leise schluchzend aus den Bergen quoll, und murmelnd jenen blauen Strom suchte, den wir plötzlich, um die Felsenecke biegend, in aller Herrlichkeit wieder fanden: so schmilzt Sehnsucht und Schmerz, und sucht die verwandte Brust des tröstenden Freundes, um sich ganz, ganz in dessen lieblich erquickende Fülle zu ergießen, und sich in triumphirende Woge zu verwandeln’La correspondance entre le cheminement des personnages et le développement d’un poème fictif confère aux vues successives, délestées de leurs référents mimétiques, une valeur propre, inhérente au texte lui-même. Cette ’autonomisation’ de l’image se solde par la réintroduction d’une élucidation discursive, attestée, dans cette ’introduction’ dialogique aux contes fantastiques, par l’ajout systématique d’un commentaire détaillé à chaque passage descriptif.
Ainsi, ce passage offre un bel exemple de l’aporie à laquelle peut conduire le processus d’intériorisation progressive de la représentation, lorsqu’il est poussé à l’extrême. En utilisant des composantes de la nature sensible (la forêt de hêtres, le fleuve, les massifs rocheux, la vallée s’étendant à perte de vue, puis le bosquet odorant...), arbitrairement associés à un équivalent sémantique, comme autant de signes purs753, Tieck finit par renouer avec une tradition qu’il semblait pourtant vouloir rejeter, celle de l’emblématique.
Par conséquent, en dépit de son aversion pour tout type de représentation trop arbitraire, comme l’attestent notamment ses réflexions théoriques sur le traitement du merveilleux chez Shakespeare, ainsi que sa prise de distance ultérieure à l’égard des compositions hiéroglyphiques de Runge754, Tieck ne peut se départir d’une conception traditionnelle de l’allégorie. Cette propension apparemment paradoxale peut s’expliquer non seulement par un flottement terminologique, permanent chez les romantiques, dans l’usage des concepts d’allégorie et de symbole, mais également par le développement de représentations ’intérieures’, conçues comme un réseau de relations affectives entre la nature et le moi. Plus l’image tend à devenir le reflet sensible d’une intériorité, plus elle menace de se réduire à un ensemble de signes uniquement déchiffrables par la sensibilité du spectateur. Autrement dit, l’intériorisation de la représentation, jointe à son plus grand degré d’abstraction, génère d’elle-même le risque d’épuisement de son propre signifiant.
C’est précisément pour éviter cet écueil que J. v. Eichendorff, ainsi que nous allons tenter de le démontrer à présent, cherchera à introduire dans ses descriptions de paysage une plus grande dimension spatiale, en recourant notamment à un motif traditionnellement utilisé, en peinture, pour renforcer la mise en perspective de la représentation par le regard : la fenêtre.
214 W. Donat, op. cit., p. 9.
215 ’ ’Plötzlich’, antwortete der kranke Freund, ’war ich krank, und ebenso plötzlich wieder gesund [...]’ ’, in : op. cit., p. 71. Là encore, l’indication de cette guérison soudaine permet simplement de refléter le propre rétablissement ’affectif’ du héros.
216 ’ ’Sie [die Feen] legen uns jene Wünsche ins Herz, die wir selber nicht kennen, jene übertriebene Forderungen, jene übermenschliche Lüsternheit nach übermenschlichen Gütern, daß wir nachher in einem schwermütigen Rausch die schöne Erde mit ihren herrlichen Gaben verachten.’ ’, in : ibid., p. 72. Ces paroles de l’ami retrouvé en bonne santé dénoncent la tentation de l’hybris (’jene übertriebene Forderungen’, ’jene übermenschliche Lüsternheit nach übermenschlichen Gütern’) qui se solde par la perte d’une perception objective du monde sensible.
217 In : Souvenirs de David d’Angers sur ses contemporains. Extraits de ses carnets de notes, éd. par L. Cerf, Paris 1928, p. 99 sq.
218 M. Thalmann, op. cit., p. 48 (termes soulignés par nous).
219 Rappelons le titre de son ouvrage paru en 1808 : Ansichten von der Nachtseite der Naturwissenschaft.
220 E. T. A. Hoffmann, op. cit., in : Die Serapions-Brüder, préfacé par W. Müller-Seidel et annoté par W. Segebrecht, Darmstadt 1979, p. 180-181.
221 Hoffmann va même jusqu’à indiquer très précisément, dans une note de bas de page, l’ouvrage auquel peut se référer le lecteur, au cas où il ne disposerait pas de ce savoir ! (’S. die Beschreibung der großen Pinge zu Falun in Hausmanns Reise durch Skandinavien. V. Teil. Seite 96 ff.’). Cette mention bibliographique permet en outre d’attester le ’réalisme’ de la description.
222 ’Armer Serapion, worin bestand dein Wahnsinn anders, als daß irgendein feindlicher Stern dir die Erkenntnis der Duplizität geraubt hatte, von der eigentlich allein unser irdisches Sein bedingt ist.’, in : E. T. A. Hoffmann, Die Serapions-Brüder, op. cit., p. 54.
223 ’Es gibt eine innere Welt, und die geistige Kraft, sie in voller Klarheit, in dem vollendetsten Glanze des regesten Lebens zu schauen, aber es ist unser irdisches Erbteil, daß eben die Außenwelt in der wir eingeschachtet, als der Hebel wirkt, der jene Kraft in Bewegung setzt. ’, in : ibid.
224 Dans son ouvrage intitulé Littérature et arts dans la culture de langue allemande [...], J.-C. Margotton cite ce passage du récit d’Hoffmann et s’applique à démontrer ce glissement d’une ’écriture technique’ à une ’écriture mythique’ (op. cit., Presses Universitaires de Lyon 1995, p. 238 sq.).
225 ’Als nun Elis Fröbom hinabschaute in den ungeheueren Schlund, kam ihm in den Sinn was ihm vor langer Zeit der alte Steuermann seines Schiffs erzählt. Dem war es, als er einmal im Fieber gelegen, plötzlich gewesen, als seien die Wellen des Meeres verströmt, und unter ihm habe sich der unermeßliche Abgrund geöffnet, so daß er die scheußlichen Untiere der Tiefe erblicke die sich zwischen Tausenden von seltsamen Muscheln, Korallenstauden, zwischen wunderlichem Gestein in häßlichen Verschlingungen hin und her wälzten bis sie mit aufgesperrtem Rachen zum Tode erstarrt liegen geblieben. ’, in : op. cit., p. 181.
226 ’Elis fühlte sich von tiefen Schauern durchbebt und was dem Seemann noch niemals geschehen, ihn ergriff der Schwindel; es war ihm als zögen unsichtbare Hände ihn hinab in den Schlund.’, in : ibid., p. 182.
227 Cf. supra : 4. 1. 1., p. 166.
228 L. Tieck, Einleitung (1811), in : Ludwig Tieck’s Schriften, op. cit., vol. 4 (Phantasus. Erster Teil), p. 17. Nous nous permettons ici de découper ce long passage en différentes séquences, afin de faciliter leur analyse.
229 On songe ici à ce passage du roman de Grimmelshausen, Der Abentheurliche Simplicissimus Teutsch, dans lequel chaque élément naturel renvoie, tel un signe édidiant, à un épisode biblique. Cf. supra : 2. 1. 2., p. 63.
230 Nous renvoyons ici à l’analyse de É. Décultot (op. cit., p. 259 sq. In : Peindre le paysage [...], op. cit., p. 202 sq.). Dès 1804, Tieck fait part à Runge de sa décision de ne plus collaborer à l’élaboration d’un commentaire poétique du cycle de dessins intitulé Die Tageszeiten (qui servira d’ébauche notamment à la réalisation du tableau Der Morgen), une sorte de subscriptio ( !), à laquelle Tieck lui-même devait, à l’origine, ajouter un texte explicatif. C’est essentiellement dans la nouvelle Eine Sommerreise (1834) qu’apparaît le plus clairement la justification théorique de ce rejet, présentée en ces termes par le personnage principal, Walther von Reineck : ’Dieser lebenskräftige Runge hat in seinen Tageszeiten [...] etwas so Originelles und Neues hervorgebracht, daß es leichter ist, über diese vier merkwürdigen Blätter ein Buch zu schreiben, als über sie in Kürze etwas genügendes zu sagen. [...] Ich suchte ihn im vorigen Jahr [...] darauf aufmerksam zu machen, daß er, besonders in den Randzeichnungen, die die Hauptgestalten umgeben, mehr wie einmal aus dem Symbol und der Allegorie in die zu willkürliche Bezeichnung, in die Hieroglyphe gefallen sei. [...] So ist in diesen Bildern manches, was Runge wohl nur allein versteht, und es ist zu fürchten, daß bei seiner verbindenden reichen Phantasie er noch tiefer in das Gebiet der Willkür geräth und er die Erscheinung selbst als solche zu sehr vernachlässigen möchte.’ (in : Ludwig Tieck’s Schriften, op. cit., vol. 23, p. 18-19, termes soulignés par nous). Tieck dénonce ici, par l’entremise de son héros, le caractère trop ’arbitraire’ des compositions de Runge (’die zu willkürliche Bezeichnung’, ’das Gebiet der Willkür’), la mise en valeur excessive de ’l’idée’ (le signifié) au détriment du ’phénomène’ (le signifiant). On comprend ainsi l’importance du réalime dans les nouvelles que Tieck publia dans les premières décennies du XIXe siècle.