4. 3. 3. Une ouverture ’mesurée’ sur le lointain

C’est en comparant l’usage de ce motif de la fenêtre en littérature à celui qu’en font les peintres, notamment au début du XIXe siècle, que nous parviendrons peut-être plus aisément à lever l’ambiguïté que nous venons de souligner. Nous trouvons en effet dans la peinture romantique allemande, tout particulièrement chez C. D. Friedrich, des représentations de paysages vus à travers une fenêtre795. Il ne s’agit pas ici d’analyser en détail la fonction de la fenêtre dans les tableaux de C. D. Friedrich, car tel n’est pas notre propos direct796. Nous constaterons simplement que ses vues enchâssées dans l’embrasure d’une fenêtre semblent répondre aux réflexions de Schelling sur la délimitation nécessaire à l’émergence de l’infini dans une oeuvre d’art. En effet, la position très basse de la ligne d’horizon, comme, par exemple, dans le tableau Blick aus dem Atelier des Künstlers, ainsi que la réduction des plans intermédiaires à quelques éléments stylisés (le mât d’un bateau, redoublant les verticales de la croisée, une haie clairsemée, un petit groupe de maisons et des collines dénudées s’étendant à l’horizon) soulignent l’ouverture du paysage à l’infini. Au lieu de ménager une transition entre l’espace clos de l’atelier et le fragment de nature, occupé dans les deux tiers du tableau par l’immensité du ciel, la fenêtre accentue ici, en jouant d’un contraste lumineux (la pénombre de la pièce s’opposant à la clarté du paysage), l’impression de vertige que suscite ce saut dans l’infini.

Cette composition singulière semble ainsi correspondre à cette absence de démarcation ’clausurale’, conjuguée à l’indétermination du paysage, que nous avons relevée chez Eichendorff. Toutefois, une analyse plus approfondie de ses descriptions de paysages perçus par une fenêtre nous incite à corriger cette hypothèse. En effet, elles se caractérisent généralement par la présence d’un espace intermédiaire, délimité par deux ’pôles attractifs’ : au premier plan, le ’cadre’ de la fenêtre, en fonction duquel est déterminée la position de l’observateur, et, à l’horizon, l’ouverture sur le lointain. Ainsi que l’a très justement démontré R. Alewyn797, cet espace mitoyen est composé d’éléments qui, même s’ils restent généralement indéterminés, n’en sont pas moins des ’vecteurs’ constitutifs d’un réseau de relations spatiales. Ce primat du mouvement sur les formes du paysage apparaît très nettement dans le passage suivant :

‘Da immer noch niemand kam, stellte sich Friedrich an ein hohes Bogenfenster, aus dem man die prächtigste Aussicht auf das Tal und die Gebirge hatte. Noch niemals hatte er eine so üppige Natur gesehen. Mehrere Ströme blickten wie Silber hin und her aus dem Grunde, freundliche Landstraßen, von hohen Nußbäumen reich beschattet, zogen sich bis in die weiteste Ferne nach allen Richtungen hin, der Abend lag warm und schallend über der Gegend, weit über die Gärten und Hügel hin hörte man ringsum das Jauchzen der Winzer. (Livre 2, chap. 13, p. 149)’

Le spectateur, posté au premier plan dans l’embrasure d’une ’fenêtre cintrée’, remarque tout d’abord la luxuriance de la nature (’eine so üppige Natur’). L’espace qui s’étend au-delà du seuil que marque la fenêtre est comme saturé d’éléments qui, à défaut de qualités plastiques, le plus souvent gommées par l’emploi de pluriels indéfinis, présentent un réel dynamisme. Cette impulsion est traduite soit par une locution adverbiale (’hin und her’), soit par des circumpositions à sens directionnel (’nach allen Richtungen hin’, ’weit über die Gärten und Hügel hin’) qui accentuent le mouvement imprimé au paysage. Nous retrouvons ici une ’dynamique verbale’798 qui caractérisait déjà les descriptions de paysage dans la poésie du début du XVIIIe siècle. Cette ’dynamique’ est encore intensifiée ici par le jeu des particules verbales, conjuguées, parfois indistinctement, aux circumpositions (’zogen sich [...] nach allen Richtungen hin’ par exemple). Le regard du spectateur est ainsi amené progressivement vers l’horizon (’bis in die weiteste Ferne’), suivant un cheminement qui évoque plus les compositions de peintres comme C. L. Kaaz799 que celles de C. D. Friedrich.

La ’dématérialisation’ du paysage, ramené à ses composantes lumineuses (’blickten wie Silber’) et sonores (’schallend’, ’das Jauchzen der Winzer’), est compensée dans ce passage par la création d’un espace tridimensionnel. Les nombreux pluriels (’mehrere Ströme’, ’freundliche Landstraßen’, ’von hohen Nußbäumen reich beschattet’, ’Gärten und Hügel’), joints aux diverses prépositions spatiales, tout comme l’adjonction anthropomorphique d’un verbe de position tel que ’liegen’ au substantif à valeur absolue ’der Abend’ (’der Abend lag [...] über der Gegend’), qui prend ainsi une valeur plus spatiale que temporelle, confèrent au paysage une profondeur (’bis in die weiteste Ferne nach allen Richtungen hin’) et une largeur (’ringsum’) presque cosmique. À cette extension du paysage au-delà des limites imposées par le cadre de la fenêtre s’ajoute le gain d’une certaine hauteur, traduite là encore par le jeu des prépositions (’aus dem Grunde’) et par la position, légèrement surélevée, du spectateur (’ein hohes Bogenfenster, aus dem man die prächtigste Aussicht auf das Tal und die Gebirge hatte’). C’est précisément grâce à cet espace mitoyen, véritable ’foyer’ de relations spatiales, que le narrateur parvient à ouvrir le paysage sur le lointain, sans que le regard du spectateur ne se perde pour autant dans l’infini800. Cette ouverture de la représentation, processus qui reste néanmoins ’mesuré’, est également soulignée, à la fin de ce passage, par la généralisation de la perspective narrative (’hörte man’). De même, l’introduction d’un élément social dans le paysage (’Winzer’) instaure une autre forme de médiation entre le moi et le monde, même si cet élément est aussitôt idéalisé (’Jauchzen’).

Cet exemple indique que l’utilisation du motif de la fenêtre, comme un seuil que le spectateur n’est autorisé à franchir que s’il s’adonne à une exploration ’mesurée’, ne peut être considérée comme un simple topos démarcatif. La récurrence frappante de ce motif dans l’oeuvre de Eichendorff témoigne plutôt d’une conception particulière du rapport de l’individu à la nature, traduite très clairement, dans le roman Ahnung und Gegenwart , par l’expérience de Leontin :

‘An einem schwülen Nachmittage saß Leontin im Garten an dem Abhange, der in das Land hinausging. Kein Mensch war draußen, alle Vögel hielten sich im dichtesten Laube versteckt, es war so still und einsam auf den Gängen und in der ganzen Gegend umher, als ob die Natur ihren Atem an sich hielte. Er versuchte einzuschlummern. Aber wie über ihm die Gräser zwischen dem unaufhörlichen, einförmigen Gesumme der Bienen sich hin und wieder neigten, und rings am fernen Horizonte schwere Gewitterwolken gleich phantastischen Gebirgen mit großen, einsamen Seen und himmelhohen Felsenzacken die ganze Welt enge und immer enger einzuschließen schienen, preßte eine solche Bangigkeit sein Herz zusammen, daß er schnell wieder aufsprang. Er bestieg einen hohen, am Abhange stehenden Baum, in dessen schwankem Wipfel er sich in das schwüle Tal hinauswiegte, um nur die fürchterliche Stille in und um sich los zu werden. (Livre 1, chap. 10, p. 97)’

Le narrateur prend ici délibérément le contre-pied du panthéisme de Werther, tel qu’il apparaît dans la lettre du 10 mai, dont on retrouve pourtant ici certains accents, ne serait-ce que par la reprise d’une longue période, amorcée par la conjonction de subordination ’wie’. Toutefois, contrairement à celle que développe Werther, cette période n’aboutit en aucun cas à une fusion mystique. En effet, la perception d’une nature qui semble ’retenir son souffle’, tant le silence, simplement rompu par le bourdonnement lancinant des insectes, est imposant, conduit Leontin, pris d’effroi, non pas à ’communier’ avec le monde qui l’entoure, mais à s’en éloigner. Le plaisir que pouvait prendre Werther à se fondre dans la nature se mue ici en un sentiment d’épouvante, insufflé par la vision d’un paysage ’fantastique’, aux formes menaçantes. Leontin tente alors de chasser l’angoisse qui l’étreint en se réfugiant au sommet d’un arbre élevé. Cette position symbolique permet de mesurer la distance qui sépare ici Leontin, oppressé par le ’silence effroyable’ qui l’entoure et le gagne, de Werther, transporté par la vision d’une nature divinisée et ’s’unissant’ aux brins d’herbe.

Ce rejet d’une conception panthéiste de la nature peut expliquer le besoin qu’éprouve Eichendorff de maintenir une distance salutaire entre le spectateur et le paysage contemplé, en recourant notamment au motif de la fenêtre. La mésaventure de Leontin démontre également que la contemplation de la nature, loin d’être toujours propice à la communion, se solde parfois par une expérience douloureuse, à laquelle même Werther, comme nous l’avons vu, n’a su échapper. L’utilisation inverse du motif de la fenêtre chez Eichendorff, ouverte non plus sur l’extérieur, mais sur un espace clos, reflète parfaitement le désir de se préserver de toute ’invasion’ brutale du sentiment de la nature. Dans le poème ’Die zwei Gesellen’ par exemple, où l’utilisation du motif de la fenêtre comme délimitation d’un espace familier est implicite801, le lieu dans lequel le spectateur est en quelque sorte retranché n’est pas nécessairement une représentation synecdotique du monde philistin. En effet, au ’bien-être’ (’behaglich’) que procure cette retraite dans un lieu clos et intime (’aus heimlichen Stübchen’) est opposé le ’naufrage’ de celui qui franchit définitivement le seuil de son univers familier :

[...]
Dem zweiten sangen und logen
Die tausend Stimmen im Grund,
Verlockend’ Sirenen, und zogen
Ihn in der buhlenden Wogen
Farbig klingenden Schlund.
Und wie er auftaucht’ vom Schlunde,
Da war er müde und alt,
Sein Schifflein das lag im Grunde,
So still war’s rings in die Runde,
Und über die Wasser weht’s kalt.
[...]802.

L’incapacité de résister à l’appel du lointain, incarné, notamment dans la nouvelle Das Marmorbild, par ’Dame Venus’803 , mène à la perdition de l’un des deux compagnons.

De même, dans le roman Ahnung und Gegenwart, les lieux clos, perçus ’de l’extérieur’ par une fenêtre, comme par exemple lorsque Friedrich et Leontin, juchés au sommet d’un arbre, observent les couples qui, tour à tour, défilent devant les fenêtres d’une maison où l’on donne un bal804, ne sont pas forcément synonymes d’étroitesse et de sécurité bourgeoises. Ce sont aussi des havres de paix que Friedrich, exposé aux périls d’une existence itinérante, se plaît à contempler, comme l’indique le passage suivant :

‘Es war ihm von jeher eine eigene Freude, wenn er so abends durch die Gassen strich, in die untern erleuchteten Fenster hineinzublicken, wie da alles, während es draußen stob und stürmte, gemütlich um den warmen Ofen saß, oder an reinlich gedeckten Tischen schmauste, des Tages Arbeit und Mühen vergessend, wie eine bunte Galerie von Weihnachtsbildern. (Livre 2, chap. 14, p. 162)’

La métaphore picturale (’wie eine bunte Galerie von Weihnachtsbildern’) dénote une mise à distance de ces ’scènes colorées’ par le regard du spectateur, qui apprécie les qualités esthétiques de ces dernières comme s’il s’agissait de tableaux.

Qu’elle ouvre sur un panorama ’mesuré’ par le regard ou sur un espace clos, la fenêtre n’en est pas moins un seuil qui assigne au spectateur un rôle d’observateur extérieur. Elle confère au fragment de nature représenté, ’préservé’ en quelque sorte d’une ’projection’ spirituelle excessive de la part du spectateur, une autonomie esthétique. C’est ce que relève Friedrich, lorsqu’il découvre pour la première fois le jardin attenant au château de M. de A., père de Julie :

‘Wie wahr ist es [...] daß jede Gegend schon von Natur ihre eigentümliche Schönheit, ihre eigene Idee hat, die sich mit ihren Bächen, Bäumen und Bergen, wie mit abgebrochenen Worten, auszusprechen sucht. Wen diese einzelnen Laute rühren, der setzt mit wenigen Mitteln die ganze Rede zusammen. Und darin besteht doch eigentlich die ganze Kunst und Lust, daß wir uns mit dem Garten recht verstehn. (Livre 1, chap. 9, p. 92)’

En assignant à la nature un mode d’expression ’discursif’ (’wie mit abgebrochenen Worten’, ’die ganze Rede’), Eichendorff reprend ici, à la suite des premiers romantiques, le topos du liber naturae 805. C’est au spectateur qu’il incombe, tel un exégète, de déchiffrer ’l’alphabet’ de la nature, constitué plus par des ’bribes’ musicales (’diese einzelnen Laute’)806 que par de véritables mots. Néanmoins, la ’spécificité’ de la nature, soulignée ici par les deux épithètes redondantes ’eigentümlich’ et ’eigen’, corrige quelque peu l’assimiliation, propre aux romantiques, de ses éléments à de purs ’ hiéroglyphes ’807, que seul un ’lecteur’ averti parviendrait à décrypter. À la nature est ainsi accordée, chez Eichendorff, une valeur intrinsèque, qui préexiste à son investissement par l’individu.

Ainsi, la représentation de la nature dans le roman de Eichendorff, Ahnung und Gegenwart, éclairée par l’utilisation du motif de la fenêtre qui, tout en offrant une ouverture sur le lointain, matérialise en quelque sorte la distance maintenue entre le spectateur et le fragment de nature contemplé, semble reposer à la fois sur une interprétation romantique du monde sensible, apparenté à un logos, et sur une conception plus ’objective’, reconnaissant à la nature une signification qui lui serait propre. C’est précisément cette apparente hésitation entre deux modes de représentation, l’un plutôt allégorique, ainsi que nous avons pu l’étudier précédemment chez Tieck808, l’autre plutôt symbolique, au sens où l’entend Goethe, que reflètent les descriptions de paysage dans le roman Ahnung und Gegenwart.

L’étude du motif de la fenêtre nous conduit donc tout naturellement à analyser plus précisément la fonction du paysage dans l’ensemble du récit..

Notes
795.

271 Cf. en particulier : Blick aus dem Atelier des Künstlers (1805-1806, Vienne, Österreichische Galerie, cf. reproduction n°6) et Die beiden Fenster im Atelier des Künstlers in Dresden (1805-1806, Vienne, Neue Galerie in der Stallburg, cf. reproduction n°7). Ces deux représentations ont certainement servi d’études préalables au tableau Frau am Fenster (1822, Berlin, Nationalgalerie, cf. reproduction n°8).

272 Nous renvoyons ici à l’analyse circonstanciée de É. Décultot (Le discours sur la peinture de paysage dans le romantisme allemand [...], op. cit., p. 406 sq. In : Peindre le paysage [...], op. cit., p. 350 sq.).

796.
797.

273 R. Alewyn, ’Eine Landschaft Eichendorffs’, in : Eichendorff heute, éd. par P. Stöcklein, Darmstadt 1966, p. 19-43. Nous ne reprendrons que partiellement certains points de son analyse, qui porte sur un passage de la nouvelle Viel Lärmen um nichts, publiée pour la première fois en 1832 (in : J. v. Eichendorff, Werke, op. cit., vol. 2, p. 659 sq.).

798.

274 Cf. supra : 2. 2. 3., p. 92 sq.

799.

275 Cf. notamment : Aussicht aus einem Fenster der Villa des Malers Grassi nach dem Plauenschen Grunde bei Dresden, 1807, Dortmund, Collection particulière, Cf. reproduction n°9. Nous renvoyons ici à l’analyse de É. Décultot (op. cit., p. 418 sq.), qui compare ce tableau de Kaaz, où les différents plans, reliés par une diagonale, se succèdent sans aucune rupture afin de mener graduellement vers le lointain, à celui de Friedrich Blick aus dem Atelier des Künstlers, qui, comme nous l’avons constaté, évite soigneusement toute transition du premier plan vers l’horizon.

800.

276 En se référant à un passage de la nouvelle de Eichendorff Viel Lärmen um nichts, R. Alewyn établit un constat identique : ’Hier wird nicht nur zwischen der Ferne und dem Hier ein Bogen geschlagen, und hier wird auch nicht nur die Bewegung verstärkt und ihre Richtung bestätigt, sondern damit wird auch die zwischen beiden Polen drohende Leere durch Zwischenglieder ausgefüllt, es wird zwischen dem Betrachter und der Ferne vermittelt und der Verwechslung der Ferne mit dem Unendlichen gesteuert’ (in : op. cit., p. 39).

801.

277 ’Es zogen zwei rüst’ge Gesellen

Zum ersten Mal von Haus,

So jubelnd recht in die hellen,

Klingenden, singenden Wellen

Des vollen Frühlings hinaus.

[...]

Der erste, der fand ein Liebchen,

Die Schwieger kauft’ Hof und Haus;

Der wiegte gar bald ein Bübchen,

Und sah aus heimlichen Stübchen

Behaglich ins Feld hinaus.

[...] ’ (J. v. Eichendorff, ’Die zwei Gesellen’, in : Werke, op. cit., vol. 1, p. 90).

802.

278 Ibid.

803.

279 ’Was klingt mir so heiter

Durch Busen und Sinn?

Zu Wolken und weiter

Wo trägt es mich hin?

[...]

Frau Venus, du Frohe,

So klingend und weich,

In Morgenrots Lohe

Erblick’ich dein Reich

Auf sonnigen Hügeln

Wie ein Zauberring. – [...]

[...]’ (J. v. Eichendorff, Das Marmorbild, in : Werke, op. cit., vol. 2, p. 530-531).

804.

280 ’Die Fenster des Zimmers, wo getanzt wurde, gingen auf den Garten hinaus, aber es war hoch oben im zweiten Stockwerke. Ein großer, dichtbelaubter Baum stand da am Hause und breitete seine Äste gerade vor den Fenstern aus. Der Baum ist eine wahre Jakobsleiter, sagte Leontin, und war im Augenblicke droben. [...] Oben aus der weiten, dichten Krone des Baumes konnten sie die ganze Gesellschaft übersehen. Es wurde eben ein Walzer getanzt, und ein Paar nach dem andern flog an dem Fenster vorüber.’ (in : op. cit., Livre 1, chap. 6, p. 59-60).

805.

281 Nous retrouvons également ce topos du liber naturae dans ces quelques vers que compose Friedrich à la veille de son départ pour la Résidence :

’[...]

Da steht im Wald geschrieben

Ein stilles, ernstes Wort,

Vom rechten Tun und Lieben,

Und was des Menschen Hort.

Ich habe treu gelesen

Die Worte, schlicht und wahr,

Und durch mein ganzes Wesen

Ward’s unaussprechlich klar.

[...]’ (in : op. cit., Livre 1, chap. 10, p. 106).

806.

282 La musicalité de ce ’discours’ de la nature est soulignée par la présence d’une allitération dans la formule ’mit ihren Bächen, Bäumen und Bergen’. Nous soulignerons la récurrence de ce type de formule presque lexicalisée dans l’oeuvre de Eichendorff (comme, par exemple, dans le poème ’Der Maler’, in : Werke, op. cit., vol. 1, p. 55-56), procédé qui tend à conférer à la représentation de la nature une valeur absolue.

807.

283 Rappelons que c’est le terme qu’emploie notamment L. Tieck dans le roman Franz Sternbalds Wanderungen (1798), lorsqu’il décrit par exemple, dans le passage suivant, cette expérience ’mystique’ de la nature qui bouleversera la conception traditionnelle de la peinture de paysage : ’O ihr Törichten! die ihr der Meinung seid, die allgewaltige Natur lasse sich verschönen [...], was könnt ihr anders, als uns die Natur nur ahnden lassen, wenn die Natur uns die Ahndung der Gottheit gibt? Nicht Ahndung, nicht Vorgefühl, urkräftige Empfindung selbst, sichtbar wandelt hier auf Höhen und Tiefen die Religion, empfängt und trägt mit gütigem Erbarmen auch meine Anbetung. Die Hieroglyphe, die das Höchste, die Gott bezeichnet, liegt da vor mir in tätiger Wirksamkeit, in Arbeit, sich selber aufzulösen und auszusprechen, ich fühle die Bewegung, das Rätsel im Begriff zu schwinden – und fühle meine Menschheit. -’ (L. Tieck, op. cit., 2ème partie, Livre 1, chap. 5, p. 250, termes soulignés par nous).

808.

284 Cf. supra : 4. 2. 3., p. 216 sq.. Nous renvoyons ici à la distinction que nous avons établie, en nous appuyant notamment sur la terminologie goethéenne, entre l’allégorique et le symbolique.