5. 1. 1. Une représentation objective du paysage ?

Lorsqu’il avait lu pour la première fois, en janvier 1827, les premiers feuillets de la ’nouvelle’ que Goethe venait d’achever, Eckermann avait été tout d’abord frappé par ’l’extraordinaire précision’ avec laquelle était représenté chaque élément constitutif du cadre du récit :

‘Während des Lesens hatte ich die außerordentliche Deutlichkeit zu bewundern, womit alle Gegenstände bis auf die kleinste Lokalität vor die Augen gebracht waren. Der Auszug zur Jagd, die Zeichnungen der alten Schloßruine, alles trat entschieden vor die Anschauung, so daß man genötiget war, sich das Dargestellte gerade so zu denken, wie der Dichter es gewollt hatte862.’

Outre les vues du vieux château de famille, dessinées ’de divers côtés’863, ce sont des descriptions circonstanciées, structurées par de nombreux opérateurs topologiques, qui permettent au lecteur d’avoir une idée très concrète de la configuration de l’espace narratif.

Le château princier est situé à mi-chemin entre la montagne, lieu dans lequel a été autrefois érigée l’ancienne forteresse de famille, et la plaine, où s’étend aujourd’hui la ville :

‘Die Fürstin eilte, das Lieblingspferd zu besteigen, und führte, statt zum Hintertore bergauf, zum Vordertore bergunter ihren widerwillig-bereiten Begleiter [...]. (p. 496)’

Le nouveau château donne, à l’arrière (’zum Hintertore bergauf’), sur la montagne et offre, à l’avant (’zum Vordertore bergunter’), un accès direct à la ville, vers laquelle la princesse entraîne tout d’abord ses compagnons.

De plus, ce château se distingue par une position non seulement intermédiaire (entre la vieille forteresse et la ville), mais également dominante :

‘Die Fürstin [...] begab sich in die hintern Zimmer, welche nach dem Gebirg eine freie Aussicht ließen, die um desto schöner war, als das Schloß selbst von dem Flusse herauf in einiger Höhe stand und so vor- als hinterwärts mannigfaltige bedeutende Ansichten gewährte. (p. 492)’

La qualité esthétique des vues offertes de tout côté par les ouvertures du château est rehaussée par l’exposition particulière du bâtiment, qui surplombe ’de quelque hauteur’ le fleuve.

La description de l’excursion effectuée par la princesse, du nouveau château jusqu’au pied de la forteresse de famille en passant par la ville, fait apparaître la disposition triangulaire de ces trois éléments dans l’espace narratif864. Après avoir franchi les portes de la ville, située en contrebas du château princier, les cavaliers pénètrent dans ’la plus riante contrée’ :

‘[...[ alles und jedes war sogleich ausgelöscht, als man, zum Tore hinausgelangt, in die heiterste Gegend eintrat. Der Weg führte zuerst am Flusse hinan, an einem zwar noch schmalen, nur leichte Kähne tragenden Wasser [...]. Dann ging es weiter durch wohlversorgte Frucht- und Lustgärten sachte hinaufwärts, und man sah sich nach und nach in der aufgetanen wohlbewohnten Gegend um, bis erst ein Busch, sodann ein Wäldchen die Gesellschaft aufnahm und die anmutigsten Örtlichkeiten ihren Blick begrenzten und erquickten. Ein aufwärts leitendes Wiesental, erst vor kurzem zum zweiten Male gemäht, sammetähnlich anzusehen, von einer oberwärts, lebhaft auf einmal reich entspringenden Quelle gewässert, empfing sie freundlich [...]. (p. 498)865

Par ses ’vergers’ et ses ’jardins de plaisance’ soigneusement entretenus, cette région accueillante rappelle celle de Teplitz, en Bohème, où Goethe avait séjourné à plusieurs reprises, en 1810, 1812 et 1813. Dans ses notes, il dépeint une contrée très ’attrayante’ et richement cultivée866, à l’image de celle que découvrent les promeneurs sur le chemin qui mène à la vieille forteresse.

Toutefois, la présence d’un ’bosquet’ et d’un ’petit bois’, ainsi que la comparaison du ’vallon gazonné’, arrosé d’une ’source vive’, à un ’tapis de velours’, éléments caractéristiques de la représentation traditionnelle du locus amoenus, confèrent à ce paysage un caractère idéal, souligné par les qualificatifs (’wohlversorgte [Frucht-und Lustgärten]’, ’[in der] wohlbewohnten [Gegend]’, ’[die] anmutigsten [Örtlichkeiten]’), les adverbes (’sachte’, ’freundlich’) et les verbes employés (’aufnahm’, ’erquickten’, ’empfing’). La description s’organise en une succession d’impressions visuelles, marquée à la fois par une temporalisation factice (’zuerst’, ’dann’, ’nach und nach’, ’erst’, ’sodann’) et par la fréquence particulière de verbes de perception (’man sah sich [...] um’, ’ihren Blick begrenzten’, ’sammetähnlich anzusehen’).

Les promeneurs poursuivent ensuite leur ascension et, parvenus à un ’point de vue plus vaste et plus élevé’867, marquent un premier temps d’arrêt. Cette pause les invite tout naturellement à se retourner, afin de contempler le panorama qui s’offre de ce premier ’palier’ :

‘Rückwärts aber - denn niemals gelangte man hierher, ohne sich umzukehren - erblickten sie durch zufällige Lücken der hohen Bäume das fürstliche Schloß links, von der Morgensonne beleuchtet; den wohlgebauten höhern Teil der Stadt von leichten Rauchwolken gedämpft, und so fort nach der Rechten zu die untere Stadt, den Fluß in einigen Krümmungen, mit seinen Wiesen und Mühlen; gegenüber eine weite nahrhafte Gegend. (ibid.)’

La mise en perspective du paysage est ici clairement opérée par les déictiques spatiaux qui structurent cette vue d’ensemble : à la gauche des observateurs (’links’) se trouve le nouveau château, à leur droite (’nach der Rechten zu’) la ville basse et le fleuve, et face à eux (’gegenüber’) s’étend une contrée fertile. Ce fragment de nature, perçu au hasard des trouées entre les arbres, est ainsi contemplé dans son ensemble, comme l’indique l’unité syntaxique de ce passage, constitué d’une seule et unique phrase. Les qualificatifs employés (’[den] wohlgebauten [Teil]’, ’nahrhafte [Gegend]’), aucunement plastiques, rappellent les composantes idéales de la description précédente. Seul l’éclairage du paysage (’von der Morgensonne beleuchtet’, ’von leichten Rauchwolken gedämpft’) est ici particulièrement souligné.

Toutefois, cette première vue panoramique est encore partiellement occultée par la haute rangée d’arbres qui occupe le premier plan. Les promeneurs décident alors de rejoindre la ’vaste étendue rocailleuse’868 située au pied de la vieille forteresse et d’escalader ’jusqu’à une certaine hauteur’ les rochers escarpés :

‘[...] man wollte bis zu einem gewissen Punkte gelangen, wo ein vorstehender mächtiger Fels einen Flächenraum darbot, von wo man eine Aussicht hatte, die zwar schon in den Blick des Vogels überging, aber sich doch noch malerisch genug hintereinander schob. (p. 499)’

Les personnages arrêtent leur ascension au moment où ils atteignent une plate-forme rocheuse, déjà très élevée, afin de ne pas être gênés, dans leur recherche de vues ’pittoresques’, par une trop grande extension du champ visuel.

Juchés sur cette esplanade naturelle, la princesse et ses compagnons découvrent alors, presque ’à vol d’oiseau’, un panorama absolu :

‘Die Sonne, beinahe auf ihrer höchsten Stelle, verlieh die klarste Beleuchtung; das fürstliche Schloß mit seinen Teilen, Hauptgebäuden, Flügeln, Kuppeln und Türmen erschien gar stattlich; die obere Stadt in ihrer völligen Ausdehnung; auch in die untere konnte man bequem hineinsehen, ja durch das Fernrohr auf dem Markte sogar die Buden unterscheiden. Honorio war immer gewohnt, ein so förderliches Werkzeug überzuschnallen; man schaute den Fluß hinauf und hinab, diesseits das bergartig terrassenweis unterbrochene, jenseits das aufgleitende flache und in mäßigen Hügeln abwechselnde fruchtbare Land; Ortschaften unzählige; denn es war längst herkömmlich, über die Zahl zu streiten, wieviel man deren von hier oben gewahr werde. (ibid.)’

L’énumération asyndétique des différentes parties constitutives du château princier (’mit seinen Teilen, Hauptgebäuden, Flügeln, Kuppeln und Türmen’), jointe au mode de présentation parataxique des objets successivement perçus par le regard, rappelle les inventaires des poètes baroques. Toutefois, cette description reste structurée par la distribution binaire des éléments qui la composent : d’une part, le nouveau château, de l’autre, la ville, scindée à son tour en une partie haute (’die obere Stadt’) et en une partie basse (’die untere’) ; d’un côté (’diesseits’), un pays montueux, de l’autre (’jenseits’), un terrain vallonné et fertile. De même, le fleuve est observé à la fois en amont et en aval (’hinauf und hinab’).

L’application de cet ordre de la vue, qui se traduit par une série de verbes de perception (’hineinsehen’, ’unterscheiden’, ’man schaute [...] hinauf und hinab’, ’gewahr werde’), l’emporte sur l’expression d’un sentiment esthétique. En effet, seule la qualité de la vision, tout d’abord favorisée par la position du soleil (situé pratiquement au zénith), puis améliorée par le recours à une lunette, est ici soulignée, comme l’indique le choix d’adverbes axiologiques (’stattlich’, ’bequem’), associés à des verbes de perception (’erschien’, ’hineinsehen’). Contemplé à la manière d’une veduta, le paysage, fortement structuré, est l’objet d’une jouissance essentiellement visuelle.

La recherche du meilleur point de vue possible, qui a poussé les promeneurs à gravir les premiers soubassements rocheux de la vieille forteresse, se traduit également par le glissement d’une perspective interne (point de vue de la princesse et de ses deux compagnons) à une perspective plus externe, ’suprasubjective’ en quelque sorte, dans la mesure où il s’agit encore d’une perception collective, comme l’indique l’usage récurrent du pronom ’man’ (’man sah sich [...] um’, ’niemals gelangte man hierher’, ’von wo man eine Aussicht hatte’, ’konnte man [...] hineinsehen’, ’man schaute den Fluß hinauf und hinab’, ’wieviel man deren von hier oben gewahr werde’). La généralisation de la perception est par ailleurs confortée par la présence de nombreuses phrases nominales, souvent simplement amorcées par un opérateur topologique (’gegenüber eine weite nahrhafte Gegend’, ’diesseits das bergartig terrassenweis unterbrochene, jenseits das aufgleitende [...] Land’, par exemple...).

Cet apparent souci d’objectivité nous entraîne bien loin des représentations romantiques du paysage, telles que nous les avons étudiées chez Tieck par exemple. À la mise en valeur, parfois excessive, des qualités sentimentales du paysage semble être effectivement préférée celle de ses composantes visuelles.

Cependant, l’affinement de la perception, matérialisé ici par le recours à une lunette d’approche, ne doit pas être automatiquement interprété comme une tendance manifeste au réalisme. La fonction que revêt cet instrument d’optique dans l’oeuvre de Goethe en apporte la preuve. Nous rappellerons notamment ce passage de la première version du roman Wilhelm Meisters Wanderjahre (1821) dans lequel le pouvoir ’magique’869 de la longue-vue, loin d’opérer une médiation ’romantique’, telle que l’a définie notamment Brentano870, entre l’observateur et l’objet (éloigné) de sa perception, se révèle funeste. En effet, l’usage de cet appareil permet à W. Meister, juché au sommet d’un rocher, de reconnaître si distinctement, parmi le petit groupe de femmes qui apparaît au loin, la silhouette de Natalie, qu’il perd toute notion de la réalité et manque de tomber dans le vide.

Dans la seconde version du roman (1829), W. Meister, après avoir pu observer Jupiter à la lunette, reconnaît le mérite indéniable de cet instrument d’optique, notamment dans le domaine de l’astrologie. Cependant, il s’empresse également de souligner son effet pernicieux sur l’âme humaine. Selon lui, la contemplation ’médiate’ du monde, par l’intermédiaire d’un verre grossissant, engendre un déséquilibre néfaste entre le ’sens extérieur’ du spectateur (sa vue affinée par la lunette) et sa ’capacité de jugement intérieure’ (sa raison, son sens pratique)871.

Ce décalage, particulièrement exploité dans certains textes fantastiques de E. T. A. Hoffmann872, est également illustré, au début du récit de Goethe, Novelle, par l’attitude de la princesse qui, après le départ de son époux, observe par le biais d’un ’excellent télescope’873 la plaine ’aride et rocailleuse’ (futur théâtre de l’action) que doivent traverser les chasseurs avant d’atteindre la montagne :

‘Die schöne Dame richtete jedoch das Fernrohr etwas tiefer nach einer öden steinigen Fläche, über welche der Jagdzug weggehen mußte. Sie erharrte den Augenblick mit Geduld und betrog sich nicht: denn bei der Klarheit und Vergrößerungsfähigkeit des Instrumentes erkannten ihre glänzenden Augen deutlich den Fürsten und den Oberstallmeister; ja sie enthielt sich nicht, abermals mit dem Schnupftuche zu winken, als sie ein augenblickliches Stillhalten und Rückblicken mehr vermutete als gewahr ward. (p. 492-493)’

La ’clarté’ et la ’capacité de grossissement’ de l’appareil sont telles qu’elles finissent par altérer la perception de la réalité, comme en témoigne le geste puéril de la princesse qui ’croit’ voir les chasseurs s’arrêter et regarder dans sa direction. L’affinement de la perception mène donc à un leurre, auquel la princesse se laisse naïvement prendre. Par contre, lorsqu’elle cherche à distinguer les flammes de l’incendie qui s’est ’réellement’ déclenché dans la ville, aucune lunette ne lui est nécessaire874.

Ainsi, l’utilisation récurrente de cet instrument d’optique (par la princesse tout d’abord, puis, à plusieurs reprises, par Honorio) est l’indice non d’une plus grande objectivité visuelle, mais d’une médiation, apparemment pernicieuse, de la perception. Nous verrons ensuite que le récit présente diverses formes de médiation, qu’il s’agisse des dessins minutieux de l’ancienne forteresse de famille, de ceux des animaux exposés ’en réalité’ sur la place du marché, ou bien du récit de l’oncle rabâcheur, marqué par le souvenir d’un incendie survenu lors d’une foire.

Le récit se caractérise donc, dans un premiers temps, par une topographie très précise, dont la visualisation est favorisée par la sollicitation permanente du sens de la vue, à l’aide notamment de nombreux verbes de perception, connectés à des déictiques spatiaux. Toutefois, comme le constate R. Picozzi Balfour, cette accentuation particulière de la perception visuelle, jointe au motif de la ’meilleure vue’, permet également de traduire une vision du monde propre à chaque observateur875. Autrement dit, la hiérarchisation établie entre les différents éléments constitutifs de l’espace narratif (notamment entre la montagne et la plaine) recouvre une structure sémantique implicite, que nous allons tenter de dégager à présent.

Notes
862.

In : J. W. v. Goethe, Gedenkausgabe der Werke, Briefe und Gespräche, op. cit., vol. 24, p. 202.

863.

’Liebe Cousine, sagte der alte rüstige Herr [Fürst-Oheim], hier legen wir die Ansichten der Stammburg vor, gezeichnet, um von verschiedenen Seiten anschaulich zu machen, wie der mächtige Trutz- und Schutzbau von alten Zeiten her dem Jahr und seiner Witterung sich entgegenstemmte [...]’, in : op. cit., p. 493.

864.

Nous renvoyons ici au plan topographique très précis qu’a tracé C. Wagenknecht, en s’appuyant notamment sur cette description du long parcours qu’effectuent les cavaliers (’Lageplan und Wegskizze zu Goethes ’Novelle’ ’, in : op. cit., p. 39).

865.

Nous nous permettons, pour les besoins de notre analyse, de décomposer en plusieurs parties cette ample description de paysage.

866.

’Die Umgebung von Teplitz ist in diesem Augenblick sehr reizend. Die Wiesen, meist gewässert, blühen durchaus, die Felder stehen schmuck; Sommer- und Wintersaat, Klee, Erbsen und was sonst keimen mag, wetteifern miteinander, die Höhen und Flächen, die Tiefen und Berge herauszuputzen, und alles verspricht das fruchtbarste Jahr. Die Blüten, besonders der Birnbäume, waren höchst reich, die Kirschen blieben nicht zurück, und so hatte die ganze Gegend das munterste Ansehn.’, in : J. W. v. Goethe, Gedenkausgabe der Werke, Briefe, und Gespräche, op. cit., vol. 17, p. 509. Il est probable que la région de Teplitz ait servi de modèle à la représentation du paysage dans le récit Novelle, d’autant plus que se trouvait, non loin du château de Eisenberg (résidence du prince Lobkowitz), la ruine de l’ancienne forteresse de Hassenstein que Goethe eut l’occasion de visiter en septembre 1810.

867.

’[...] und so zogen sie einem höheren freieren Standpunkt entegegen, den sie, aus dem Walde sich bewegend, nach einem lebhaften Stieg erreichten [...]’, in : ibid..

868.

’Nachdem sie sich an dem Anblick ersättigt oder vielmehr, wie es uns bei dem Umblick auf so hoher Stelle zu geschehen pflegt, erst recht verlangend geworden nach einer weitern, weniger begrenzten Aussicht, ritten sie eine steinige breite Fläche hinan, wo ihnen die mächtige Ruine als ein grüngekrönter Gipfel entgegenstand, wenig alte bäume tief unten um seinen Fuß; sie ritten hindurch, und so fanden sie sich gerade vor der steilsten unzugänglichsten Seite.’, in : ibid., p. 499. Il s’agit de ce lieu ’neutre’, distingué ensuite, par le biais du télescope, par la princesse, dans lequel va se dérouler, comme nous l’avons indiqué plus haut, ’l’action héroïque’ du récit.

869.

’Sehrohre haben durchaus etwas Magisches. Wären wir nicht von Jugend auf gewohnt hindurch zu schauen, wir würden jedesmal wenn wir sie vors Auge nehmen schaudern und erschrecken. Wir sind es die erblicken und sind es nicht, ein Wesen ists, dessen Organe auf höhere Stufe gehoben, dessen Beschränktheit aufgelöst, das ins Unendliche zu reichen berechtigt ward.’ (J. W. v. Goethe, Sämtliche Werke nach Epochen seines Schaffens, éd. par K. Richter avec la collaboration de H. G. Göpfert, Munich 1991, vol. 17, p. 149 sq.).

870.

Dans le roman Godwi oder das steinerne Bild der Mutter (1801), la vision ’romantique’ du monde est en effet présentée en ces termes : ’Unsere Äußerungen über das Lied Flamettens führten uns zu einem allgemeinen Gespräche über das Romantische, und ich sagte: ’Alles, was zwischen unserm Auge und einem entfernten zu Sehenden als Mittler steht, uns den entfernten Gegenstand nähert, ihm aber zugleich etwas von dem Seinigen mitgiebt, ist romantisch.’ [...] Godwi setzte hinzu: ’Das Romantische ist also ein Perspectiv oder vielmehr die Farbe des Glases und die Bestimmung des Gegenstandes durch die Form des Glases.’ ’ (in : C. Brentano, Werke, op. cit., vol. 2, p. 258-259). La perception ’médiate’ du monde, par le biais d’une lunette, est qualifiée de ’romantique’, dans la mesure où elle permet non seulement de ’rapprocher’ un objet lointain, mais également de lui conférer une ’dimension’ affective. Tel est également le sens de la formule absconse de Godwi, qui souligne, de la même manière, la transformation subie par un objet lorsqu’il est perçu à travers le ’prisme’ du verre.

871.

’[...] ich habe im Leben überhaupt und im Durchschnitt gefunden, daß diese Mittel, wodurch wir unsern Sinnen zu Hülfe kommen, keine sittlich günstige Wirkung auf den Menschen ausüben. Wer durch Brillen sieht, hält sich für klüger als er ist, denn sein äußerer Sinn wird dadurch mit seiner innern Urteilsfähigkeit außer Gleichgewicht gesetzt [...]. So oft ich durch eine Brille sehe, bin ich ein anderer Mensch und gefalle mir selbst nicht; ich sehe mehr als ich sehen sollte, die schärfer gesehene Welt harmoniert nicht mit meinem Innern [...].’, in : Werke (Hamburger Ausgabe), op. cit., vol. 8, p. 120-121.

872.

Nous songeons tout particulièrement au récit Der Sandmann (publié tout d’abord en 1816), dans lequel, rappelons-le, la ’lunette de poche’ (’Taschenperspektiv’), achetée à Coppola par Nathanaël et appliquée à l’observation de la poupée Olimpia, joue un rôle prépondérant. Elle est en effet l’instrument privilégié de ’l’investissement’ affectif du héros, qui projette sur l’objet de sa contemplation ses propres pulsions.

873.

’Die Fürstin, die ihrem Gemahl noch in den Schloßhof hinab mit dem Schnupftuch nachgewinkt hatte, begab sich in die hintern Zimmer, welche nach dem Gebirg eine freie Aussicht ließen [...]. Sie fand das treffliche Teleskop noch in der Stellung, wo man es gestern abend gelassen hatte [...].’, in : op. cit., p. 492.

874.

’[...] auch wurde das Unheil den guten unbewaffneten Augen der Fürstin bemerklich [...], in : ibid., p. 500.

875.

’In both the language used and the events depicted in ’Novelle’ Goethe continually stresses the sense of sight. The high frequency with which optical vocabulary occurs helps to increase the reader’s visual participation: stimulates in this way, the reader vivdly sees the external action. Running through the story is the motif of the ’better view’ which enhances or corrects existing outlooks on various aspects of life. Revelation, introspection, and retrospection all play important roles in the work.’ (R. Picozzi Balfour, ’The Field of View in Goethe’s Novelle’, in : Seminar, 12/2, 1976, p. 63. Cit. in : Erläuterungen und Dokumente, op. cit., p. 109).