Ce qui, sans doute, questionne et inquiète davantage, mais ne nous surprend pas, c'est la réponse cinglante et claire à la question numéro 12 qui portait sur les informations données aux enseignants à propos des critères utilisés par leur inspecteur pour évaluer leur travail150 :
Un enseignant sur deux répond ne recevoir aucune information !
Si nous faisons l'hypothèse que l'IEN doit aussi être un formateur et un évaluateur, il y aurait à cause de cette réponse des enseignants mais aussi grâce à celle donnée par les inspecteurs, un chantier à ouvrir pour découvrir ce que signifie, pour chacun, le terme "évaluer".
En effet, ne serait-il pas temps de parvenir à mettre l’évaluation au service des apprentissages des élèves et donc du travail des enseignants ?
Si évaluer c’est juger et dire la valeur d’un objet, d’une copie ou encore d’un travail à la lumière d’un résultat attendu ou d’une norme, il semble qu’un consensus existe pour faire de l’évaluation un acte capable d’aider à comprendre la situation de celui qui est évalué tout autant que de mesurer sa performance. En tous les cas, comme l’affirme Ch. HADJI, l’évaluation doit être ‘“ capable de lui fournir des repères éclairants, plutôt que de l’accabler sous des reproches ; capable de préparer la mise en oeuvre des outils de la réussite plutôt que de se résigner à n’être qu’un thermomètre (voire un instrument) de l’échec ”’ 151.
Il y a déjà trente ans que SCRIVEN (1967) a proposé la notion d’évaluation formative et c’est en 1971 que BLOOM l’a étendue aux élèves et étudiants et comme le précise toujours HADJI ‘“cela fait trente ans, donc, (un peu plus maintenant) que la communauté éducative (en tout cas : une part significative de celle-ci) appelle de ses voeux une évaluation se consacrant à la régulation des apprentissages, capable de guider l’élève pour qu’il puisse situer lui-même ses difficultés, les analyser, et découvrir, ou à tout le moins mettre en oeuvre, les procédures susceptibles de lui permettre de progresser. Dans cette perspective, l’erreur ne serait pas une faute, à réprimer, mais une source d’information, et cela à la fois pour le maître, dont le devoir est d’analyser la production et, à travers elle, la situation de l’élève, et pour l’élève, qui a besoin de comprendre ses erreurs pour ne plus les commettre, et progresser ”’ 152.
Et si l’évaluation formative devenait, non pas le but lointain à atteindre, mais le point de départ du travail de l’inspecteur en inspection ? N’y aurait-il pas, au nom du principe que les enseignants en formation ne font pas ce qu’on leur dit de faire mais font ce que l’on fait avec eux, un moyen pour transformer les pratiques ?
C’est à cette utopie-là que nous souhaitons nous attaquer et les outils utilisés et présentés plus avant dans cette thèse y pourvoient. En ce sens, ils aident à comprendre pour agir au mieux des intérêts des élèves sans jamais laisser croire aux enseignants qu’ils pourraient être de simples comptables de leurs performances car ‘"l’évaluation est toujours autre chose que ce qui serait une pure et simple mesure scientifique’ " 153.
Concernant maintenant les professeurs stagiaires interrogés, nous souhaiterions insister sur ce qui est apparu comme une évidence : ces stagiaires ont une idée assez floue et imprécise du fonctionnement administratif de la "structure école" et de la législation en vigueur, en particulier pour tout ce qui concerne les missions des directeurs d'école qu'ils considèrent plutôt comme des chefs d'établissement154. Ils ont des connaissances tout aussi floues des rôles et fonctions respectifs des Inspecteurs d'Académie et des Inspecteurs de l’Education Nationale155 en particulier lorsqu'il s'agit d'obtenir des autorisations d'absence ou de départ en classes transplantées. Rien non plus de très précis n'émerge dans leur esprit, quant aux rôles et missions des conseillers pédagogiques.
Enfin, les obligations légales faites aux IEN de prévenir de leurs visites dans les écoles ainsi que du motif de celles-ci ne semblent pas avoir été communiquées (ou en tous les cas l’information a été mal retenue) à tous les stagiaires ; trente pour cent d’entre eux pensent qu'ils ne seront pas informés de la venue de l'inspecteur dans leur classe.
Tous ces points mis bout à bout ainsi que ma pratique d'inspecteur-professeur dans un I.U.F.M. m’amènent à m’interroger sur ce qui doit être considéré comme une insuffisance en matière de formation initiale.
L'I.U.F.M. remplit sans doute encore insuffisamment sa mission dans le domaine de l’approche institutionnelle et législative ainsi que dans celui qui devrait traiter du fonctionnement du système éducatif. Les professeurs chargés de ces informations parlent sans doute plus volontiers sur le système éducatif et sur l'école au lieu de parler de l'école et de son fonctionnement. Il y a là un travail à poursuivre entre les instituts de formation et les inspecteurs de l’éducation nationale pour que de leur collaboration naisse une formation encore plus professionnalisante.
Nous préfèrons la formule "évaluation du travail des enseignants" à celle reprise dans le rapport de l'IGEN par le rapporteur J. FERRIER : "l'évaluation des enseignants du premier degré se fait exclusivement par l'inspection" Evaluation et notation des personnels enseignants du premier degré, Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion sociale, Inspection Générale, Paris, 1995, page 5.
Charles HADJI, L’évaluation démystifiée, ESF, collection Pratiques et enjeux pédagogiques, page 8. Paris, 1997.
Charles HADJI, op. cité, page 9.
Charles HADJI, page 10.
Vous devez vous absenter et quitter votre classe pour des raisons de convenances personnelles ; à quelles personnes devez-vous vous adresser afin d'obtenir une autorisation ?
Si l’inspecteur de l’éducation nationale est cité dans 53 % des réponses, 47 % de celles-ci disent que c’est au directeur de l’école qu’il faut demander cette autorisation.
Outre l'autorité que les professeurs stagiaires semblent reconnaître au directeur d'école, qu’ils semblent confondre avec un chef d'établissement, il convient de noter qu'échappe à leur connaissance un point de législation tout de même important, mais dont la confusion est parfois entretenue par les intéressés eux-mêmes et qui peut laisser croire que la directrice ou le directeur serait un supérieur hiérarchique.
En fait, dans la plupart des cas, L’IEN n'agit que par délégation et le décideur est le Directeur des Services Départementaux de l’Education Nationale, l'Inspecteur d'Académie en résidence.
Vous envisagez d'organiser une classe transplantée avec vos élèves. De quelles personnes devez-vous obtenir l'autorisation pour conduire ce projet ?
1 - L'IEN01142 %
2 - Le directeur ou la directrice01130 %
3 - Les parents01128 %
Notons pour information que quelques stagiaires pensent qu'ils doivent obtenir l'autorisation du maire de la commune ou croient devoir obtenir une autorisation des membres du conseil de cycle ou encore du conseiller pédagogique.
L'Inspecteur d'Académie n'ayant pas été proposé, il ne fut pas non plus cité, pas même dans la rubrique "autres réponses".
Et cela, même si les réponses qu’ils fournissent à la question numéro 6 de leur questionnaire sont assez explicites :
Question n°6 - L'IEN dont vous dépendez a plutôt pour mission ...
1 - De contrôler la qualité de votre travail (77 %)
2 -De vous aider à vous former dans les disciplines pour lesquelles vous avez des difficultés (17 %)
3 -De vous aider à élaborer un plan de carrière (6 %)