Pendant l’année 1995, dans le cadre de l’association Apprendre171, nous avions inscrit au programme de l’année, en plus des "POINT-FORUM", une session de formation ouverte à tous et dont le thème portait sur l’inspection des professeurs, il s’intitulait : ‘"Evaluation, inspection et transformation des pratiques pédagogiques"’ 172. Y participèrent seize stagiaires issus des corps des professeurs des écoles et des instituteurs, mais aussi des conseillers principaux d’éducation, et des personnels du ministère des affaires sanitaires et sociales.
Nous avions proposé à des binômes de stagiaires de réfléchir puis de répondre, sur une affiche, à la question suivante :
Pour qu'une inspection soit un outil au service de la réussite des élèves, il convient de ...
Après avoir été lue et commentée, chacune des affiches fut ensuite positionnée , en fonction du degré d’accord ou de désaccord suscité.
Les réponses inscrites sur chacune des affiches sont reproduites ci-dessous. Leur positionnement est représenté en fin de paragraphe.
Réponses de l’affiche n°1 :
Ne pas confondre la réussite de l'enseignant et la réussite de l'élève.
Préciser le rôle de l'inspection en tant que "catalyseur" d'un apprentissage meilleur.
Ne pas se contenter d'un rapport ponctuel mais d'avoir un suivi (contenus, pistes,...) le lendemain de l'inspection
Articuler réellement formation et inspection
Réponses de l’affiche n°2 :
Accepter la relation Inspecteur-Inspecté
Importance de la relation (écoute, aide, conseil)
Importance du directeur (tiers)
de poursuivre les mêmes objectifs,
de la nécessité de se former,
que chacun a son rôle,
que l'on peut s'améliorer,
que l'inspection est ponctuelle,
Réponses de l’affiche n°3 :
permettre une application concrète et adaptée des textes officiels (pour une mise en oeuvre réussie !).
Avoir des connaissances pratiques, sur le terrain, du travail afin de parler des "compétences" en connaissance de cause.
Insister sur le rôle de "conseil" et de contrôle.
Réponses des affiches n°4 et 5 :
relationnels (communication élève-maître-environnement),
méthodologiques (savoir-faire, méthode d'apprentissage...),
conceptuels (l'élève les construit au cours de sa scolarité)
Aider à progresser, à évoluer, à transformer sa pratique.
Stimuler l'enthousiasme de l'enseignant et donner la sérénité.
Favoriser des conditions d'échange pour un intérêt partagé (ouverture d'esprit).
Connaître les milieux (population, enseignants).
Construire des outils cognitifs.
Permettre l'autonomie et la responsabilité de l'enseignant.
Réponses de l’affiche n°6 :
Prendre en compte les textes officiels de la part de l'inspecteur et de l'inspecté (ex : loi d'orientation + nouvelles missions des IEN + référentiel des professeurs des écoles.).
Passer de l'inspection sanction à l'inspection évaluation.
Au niveau relationnel, faire en sorte que l'inspection favorise l'impulsion.
Prendre en compte le contexte pour ajuster, innover, réguler.
Obtenir l'adhésion des équipes, concerter les partenaires externes et internes.
Réponses de l’affiche n°7 :
Faire en sorte que l'inspecté attende quelque chose sur le plan pédagogique. En retour, l'IEN doit être capable de lui tendre un miroir lui permettant de situer ses pratiques -c'est le plus important-.
que la situation hiérarchique ne perturbe pas la relation
que l'inspecteur parte de la réalité de celui qu'il inspecte au lieu de s'appuyer sur son idéal personnel.
que "le contrôle de conformité minimum" -nécessaire- se fasse dans la transparence, sur des critères connus : condition nécessaire pour qu'il n'y ait pas blocage au cours de l'inspection
Réponses de l’affiche n°8 :
Faire de l’inspection une évaluation d'un moment qui doit intégrer l'avant et l'après.
Pour l'inspecteur, de connaître l'enseignant et les caractéristiques du public, ses élèves, dans leur environnement.
De modifier le rapport inspecteur-inspecté (définir ensemble des critères d'évaluation observables).
Travailler sur les représentations de l'inspection.
Faire en sorte que le mot essentiel soit : réussite des élèves.
On retrouve, au centre du tableau, un point important noté par un binôme de stagiaires et ayant recueilli l’assentiment fort de trois autres groupes. Il insiste sur le fait qu’il convient de ne pas confondre la réussite des élèves avec celle de l’enseignant. On lit aussi qu’une inspection sera un outil au service de la réussite des élèves si l’enseignant et l’inspecteur ont conscience de poursuivre les mêmes objectifs, c’est-à-dire ont conscience de défendre des intérêts communs même si leurs intérêts personnels peuvent être différents; c’est là une définition du partenariat.
On relève aussi l’impérieuse nécessité de passer d’une inspection sanction à une inspection évaluation. C’est-à-dire le besoin de rompre avec une inspection réalisée dans le seul but de critiquer et de débusquer ce qui ne marche pas ou ce qui est moins bien réussi. Cette demande de la part des usagers est à mettre en relation avec ce qu’espèrent les professeurs des écoles stagiaires de l’institut universitaire de formation des maîtres et les professeurs d’école en formation en cours d’emploi. Deux groupes de stagiaires ont travaillé, séparément et pendant trois heures, sur le thème de l’inspection, dans le cadre de leur formation.
Ils ont eu à réfléchir et à répondre sous forme d’affiches, aux deux questions suivantes :
Ce que je redoute principalement d’une inspection c’est ...
"Que l’inspecteur se focalise sur des points négatifs, les critiques qui font perdre la confiance en soi, le dénigrement du travail effectué.
Que l’inspecteur ne soit pas ouvert au dialogue, qu’il critique (casse), sans souci d’être constructif.
Une inspection sans échange, qui déstabilise mais ne forme pas ; ne pas être écouté.
L’intolérance face à des conceptions et des pratiques pédagogiques différentes, le manque d’impartialité qui conduit à des injustices.
Un inspecteur qui ne voit que ce qu’il veut voir, qui est trop pointilleux, qui refuse le dialogue et profite de sa position de supérieur hiérarchique.
L’incohérence entre inspecteurs, les "dadas" de certains inspecteurs".
Les réponses sont éloquentes, ce qui est redouté par l’ensemble des enseignants et qui apparaît sur toutes les fiches ce sont bien "la critique uniquement négative et la remise en cause systématique du travail" .
Certains enseignants évoquent aussi " le jugement et non l’esprit critique et formateur", montrant bien ainsi qu’ils craignent par-dessus tout l’"effet destructeur de l’inspecteur" ou encore " l’humiliation de l’enseignant " par un inspecteur empreint "d’intellectualisme" ou encore "omniscient et qui assène des vérités".
Les réponses au second thème de réflexion nous apportent aussi un certain nombre d’informations importantes pour mettre en oeuvre une inspection réussie :
Une inspection me sera utile si...
"L’inspection est continue et si des conseils constructifs sont donnés au cours de l’entretien qui suit chacune des visites.
L’inspecteur fait des remarques constructives et donne des moyens de remédiation.
L’inspection part d’une idée positive de la classe.
Le temps de discussion réelle permet de guider le travail, d’évaluer les points positifs et les points négatifs.
L’inspection est formatrice et non vécue comme une inspection sanction.
L’inspecteur décèle des lacunes et y apporte des éléments de réponse, la critique est accompagnée de nouvelles pistes de travail.
Elle me donne à réfléchir, et il y a un échange qui permet d’argumenter les choix pédagogiques.
Des propositions concrètes et pertinentes sont faites.
L’inspection m’ouvre les yeux sur des erreurs dont je ne me serais pas rendu compte, ou fait prendre conscience d’un problème insoupçonné.
Elle permet la circulation dans les deux sens et nous permet de progresser.
Il y a une reconnaissance partielle ou totale de mon travail.
La note s’accompagne de critiques objectives et formatrices".
Ces informations sont riches et mériteraient, nous semble-t-il, d’être étudiées avec soin par les concepteurs des plans de formation de l’ESPEMEN. Elles préfigurent, en effet, ce que devrait contenir un plan de formation encore plus efficient, des inspecteurs de l’éducation nationale.
En fait, les enseignants ne demandent pas un inspecteur qui soit un simple contrôleur, comme peut l’être l’inspecteur des impôts. Ils ne demandent pas non plus un inspecteur absent ou insuffisamment présent sur le terrain. Ils souhaitent "un inspecteur encourageant, optimiste, dressant une critique constructive, à l’écoute de (leurs) justifications et de (leur) propre analyse critique. Un inspecteur humain, attentif aux contraintes indépendantes (des enseignants) , qui sache conseiller et proposer des pistes d’amélioration ou de remédiation et qui puisse (faire) partager son expérience".
S’il fallait résumer ce qu’est une inspection utile pour les enseignants interrogés, il suffirait sans doute de reprendre ce que l’un deux a écrit : "Une inspection est utile si elle est formatrice (explications, conseils, pistes de travail) et si elle n’est pas seulement sanction".
Apprendre fut créée en 1991 et dissoute en 1996. Son siège social était à l’université Lumière LYON 2.
Ce stage s’est déroulé sur trois demi-journées, à l’Université Lumière Lyon 2, en janvier, février et mars 1995.